(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Le coronavirus sème toujours la panique sur les marchés

* Le premier trimestre fut terrible, le second sera pire

* Les indicateurs économiques ne cessent de se dégrader

* Les entreprises retirent leurs prévisions annuelles

par Patrick Vignal

PARIS, 6 avril (Reuters) - Le rebond amorcé dans le sillage des mesures monétaires et budgétaires massives déployées pour lutter contre les effets économiques du coronavirus n'a pas résisté aux incertitudes persistantes provoquées par une crise dont les marchés n'ont pas encore mesuré l'ampleur, estiment gérants et analystes.

La pandémie continue de se propager, notamment aux Etats-Unis, où le bilan humain prend des proportions alarmantes, et toutes les mauvaises nouvelles ne sont pas encore intégrées dans les cours des actifs financiers, préviennent les analystes de NN Investment Partners.

"Nous vivons désormais avec l'incertitude fondamentale et non quantifiable normalement associée à des événements extrêmes comme une guerre mondiale ou le risque d'effondrement du système financier", écrivent-ils dans une note.

"Les marchés ont beaucoup plus de difficultés que d'habitude pour anticiper l'évolution des fondamentaux économiques", soulignent-t-ils. "Les investisseurs sont quant à eux contraints de faire de telles prévisions et risquent de se méprendre et ainsi d'entraîner des repositionnements violents."

Si l'activité commence à repartir en Chine, où elle pourrait cependant peiner à retrouver ses niveaux d'avant la crise, elle se contracte partout ailleurs sous les effets des mesures de confinement et des fermetures d'usines, avec le grand retour du chômage et le risque de faillites en cascade.

La dégradation exponentielle des indicateurs macroéconomiques est symbolisée par le chiffre des inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis, qui vient de bondir à plus de six millions contre plus de trois millions la semaine précédente, ce qui constituait déjà un record absolu.

Quant aux variations spectaculaires et imprévues du cours des actifs dans un contexe de nervosité exarcerbée, elles ont été illustrées jeudi par le Brent, qui a bondi jusqu'à près de 50% sur une intervention de Donald Trump visant à désamorcer la guerre des prix que se livrent l'Arabie saoudite et la Russie.

LE PIRE EST À VENIR

Le séisme provoqué par le Covid-19 a fait des ravages au premier trimestre, le choc initial sur l'offre et sur les chaînes d'approvisionnement en Chine se transformant, avec la propagation du virus, en un choc mondial sur la demande, résument dans une note les stratégistes de Mirabaud.

Les mesures de confinement ont mis à l'arrêt des pans entiers de l'économie, faisant chuter la consommation et l'investissement, et la crise est loin d'être terminée, selon eux.

Sur les Bourses mondiales, les trois premiers mois de l'année ont constitué l'un des pires trimestres observés depuis la crise financière de 2008-2009 et celle de la bulle internet. Le S&P 500 a ainsi perdu 20%, sa plus mauvaise performance trimestrielle depuis la fin 2008 et le Stoxx 600 a lâché 23,03%, son pire trimestre depuis 2002.

Après ce premier trimestre déjà bien noir, le deuxième qui vient de démarrer s'annonce comme encore pire, avec une récession économique brutale et un effondrement des résultats des entreprises à prévoir alors que se profile une nouvelle saison de publication de comptes trimestriels, qui débutera le 15 avril aux Etats-Unis.

Les unes après les autres, les sociétés retirent leur objectifs financiers pour une année 2020 qu'elles ne sont pas près d'oublier, renoncent à leurs dividendes et stoppent leurs programmes de rachats d'actions, symboles d'une époque faste et très récente pendant laquelle rémunérer les actionnaires faisait figure de priorité.

Aux Etats-Unis, où Donald Trump a reconnu que les semaines à venir seraient "très, très douloureuses" du point de vue sanitaire, Goldman Sachs a encore abaissé sa prévision de produit intérieur brut (PIB) pour le deuxième trimestre et table désormais sur une chute de 34% en rythme annualisé (contre -24% auparavant) après -9% pour janvier-mars. La banque s'attend en outre à voir le taux de chômage grimper à 15% en milieu d'année.

"On manque de visibilité non seulement sur la date à laquelle l'activité va reprendre mais également sur la vitesse de la reprise", dit à Reuters Valentin Bissat, économiste et stratégiste senior chez Mirabaud AM, qui prévoit encore plusieurs semaines de forte volatilité et de mouvements baissiers sur les marchés.

L'arsenal impressionnant dégainé par les banques centrales était nécessaire afin d'assouplir les conditions financières, de permettre au secteur bancaire de prêter au secteur privé et d'empêcher la dislocation du marché mais il n'apporte pas de remède à la crise sanitaire, poursuit-il.

"Tant qu'on demande aux gens de rester confinés et qu'on empêche la population de consommer, on peut prendre toutes les mesures monétaires et budgétaires que l'on veut, cela ne va pas relancer la croissance", explique-t-il.

Les mesures de distanciation continueront de peser une fois passé le pic de l'épidémie et des questions se posent sur le rythme auquel rouvriront les frontières, sans parler d'un éventuel retour de l'épidémie à l'automne sur lequel il est impossible de se prononcer mais qu'on ne peut écarter, prolonge Benjamin Melman, directeur de l'investissement chez Edmond de Rothschild Asset Management (EDRAM).

L'APRÈS-CRISE SOUS LE SIGNE DE L'INCERTITUDE

"On manque d'éléments pour se prononcer sur la période de latence, qui peut durer un certain temps, peut-être deux trimestres, et on est train d'essayer d'affiner le scénario de l'après, pour lequel de nombreuses questions se posent", dit-il.

"Au-delà de cette période de latence, on est en droit de se poser la question du rythme économique du prochain cycle, sachant que la seule certitude est que les déficits publics seront extrêmement élevés et qu'il faudra bien commencer à les réduire, ce qui aura un effet négatif sur la croissance", ajoute-t-il.

La réflexion sur le monde d'après, que certains imaginent moins mondialisé, moins libéral et plus fermé, se dessine déjà mais les investisseurs doivent d'abord tirer les leçons d'un krach financier brutal n'ayant épargné aucune classe d'actifs.

"Certains secteurs liés aux services (tourisme, loisirs, restauration, commerce non alimentaire) ont été encore plus durablement touchés par le confinement et mettront du temps avant de retrouver le chemin de la progression", explique Emmanuel Auboyneau, gérant associé chez Amplegest.

"Une bonne analyse financière est cruciale dans cette période pour sélectionner dans différents secteurs des sociétés résistantes aux bilans sains et aux capacités de croissance intactes", ajoute-t-il.

Au-delà de l'avenir immédiat et comme le changement climatique avant elle, la crise du coronavirus oblige les sociétés de gestion à repenser l'investissement, dit-on chez Schroders en regardant un peu plus loin.

"La propagation inexorable du coronavirus nous rappelle que les problèmes environnementaux et sociaux constituent des risques financiers de plus en plus manifestes que les investisseurs doivent gérer de manière appropriée", explique Andrew Howard, responsable de la recherche durable pour la société. (édité par Blandine Hénault)