(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* La baisse de taux de la Fed accueillie sans enthousiasme

* Les banques centrales condamnées à être accommodantes

* La crainte d'un choc pétrolier refait surface

* Les PMI "flash" européens et le PIB américain à l'agenda

par Patrick Vignal

PARIS, 23 septembre (Reuters) - Après la Banque centrale européenne, la Réserve fédérale américaine vient d'apprendre à ses dépens qu'il ne suffisait plus d'injecter aux marchés financiers une forte dose de liquidité pour les satisfaire.

L'annonce par la Fed d'une baisse de taux de 25 points de base, la deuxième en moins de deux mois, n'a pas fait bondir les indices boursiers, parce qu'elle était largement anticipée mais aussi parce que le discours du président de l'institution, Jerome Powell, faute de garantir une nouvelle baisse dans un avenir proche, a été mal reçu par les investisseurs.

"Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que le comité (de politique monétaire de la Fed) a laissé passer une opportunité d'adopter une posture plus audacieuse qui pourrait offrir une assurance plus solide contre les risques internationaux qui pèsent sur l'économie", a commenté l'influent Rick Rieder, directeur des investissements obligataires de BlackRock, numéro un mondial de la gestion d'actifs.

Il a résumé ainsi un sentiment largement partagé sur les marchés en laissant entendre qu'il appartenait aux banques centrales d'apporter des garanties aux investisseurs alors que l'impact des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine commence à se faire sentir sur l'économie mondiale, comme l'a souligné jeudi l'OCDE.

L'argument est sans doute recevable en ce qui concerne la Banque centrale européenne (BCE), qui a baissé ses taux sans provoquer non plus d'euphorie sur les marchés au moment où l'Allemagne, première économie d'Europe, paraît sur le point d'entrer en récession.

Il est plus contestable pour la Fed puisque les fondamentaux de l'économie américaine demeurent robustes et ne justifiaient nullement une baisse des taux, selon Eric Bourguignon, membre du directoire de Swiss Life Asset Managers France.

"Pour moi, c'est une baisse de taux à reculons, sous la pression, clairement, des marchés, qui avaient des attentes très fortes en fonction d'un scénario particulièrement noir sur l'économie mondiale, et également, peut-être, sous la pression politique de Donald Trump", dit-il à Reuters.

"Cette baisse de taux ne s'imposait pas, fondamentalement, mais cette pression a fait que la Fed n'avait guère d'autre choix que de le faire si elle ne voulait pas provoquer des turbulences sur les marchés."

LES MARCHÉS ONT PRIS LA MAIN

Autrement dit, les banques centrales seraient condamnées à être de plus en plus accommodantes, au risque de décevoir des marchés habitués depuis la crise financière à les voir jouer les pompiers de service à la moindre alerte.

"Il y une telle addiction des marchés au cash que maintenant, ce sont eux qui dirigent la Fed et non pas le contraire", estime Eric Bourguignon.

Si la BCE et la Fed ont donné aux marchés ce qu'ils voulaient, la Banque du Japon (BoJ), la Banque d'Angleterre (BoE) et la Banque nationale suisse (BNS) viennent toutes trois de maintenir leurs taux inchangés.

Elles n'en maintiennent pas moins une politique très accommodante et n'excluent pas d'en faire davantage à l'avenir si le besoin s'en faisait sentir. Tel est notamment le cas de la BoJ, dont les marchés s'attendent à ce qu'elle pousse ses taux davantage en territoire négatif dès le mois prochain.

Si la pression sur les banques centrales est si forte, c'est que la liquidité s'assèche, comme viennent de le signaler des tensions sur le marché interbancaire aux Etats-Unis, et que la peur d'une récession généralisée prend de l'ampleur.

Cette crainte est parfaitement justifiée, en raison principalement de la lutte pour la suprématie que se livrent les Etats-Unis et la Chine, fait valoir Stéphane Monier, responsable des investissements pour la clientèle privée de Lombard Odier.

"Ce que l'on a observé depuis l'imposition des tarifs, c'est qu'il y a vraiment un effondrement du commerce international qui se traduit par une récession dans le secteur manufacturier et, pour l'instant, un léger ralentissement des services et de la consommation", dit-il à Reuters.

"Ce n'est pas encore très fort mais c'est un peu comme une gangrène. Si on ne renverse pas la dynamique sur le secteur manufacturier, cela va finir par contaminer le secteur des services et la consommation."

LE PÉTROLE FLAMBE PUIS S'APAISE

Le relatif pessimisme de Stéphane Monier vient de recevoir une forme de justification sous la forme des attaques contre des installations pétrolières de la compagnie saoudienne Aramco, dont des responsables américains et saoudiens ont attribué la responsabilité à l'Iran.

"Cette lutte pour la suprématie se traduit par cette guerre commerciale mais elle se traduit aussi par des éléments géopolitiques plus agressifs, notamment au Moyen-Orient, où on peu distinguer un bloc Chine-Russie-Iran qui s'oppose à un autre bloc Etats-Unis-Israël-Arabie saoudite-Europe de l'Ouest", dit-il.

"On est dans la confrontation de ces deux mondes et comme il est quand même difficile pour la Chine et les Etats-Unis de s'affronter directement, on trouve des régions où l'on s'affronte de manière indirecte", ajoute-t-il en référence à la situation explosive du Yémen.

Si le climat au Moyen-Orient reste très lourd, les cours du pétrole se sont vite stabilisés après une flambée spectaculaire, notamment grâce à la promesse d'Aramco de revenir rapidement à une production normale..

La crainte d'un choc pétrolier n'en vient pas moins de se réveiller pour s'ajouter à une longue liste de menaces pesant sur l'économie mondiale.

Dans ce contexte, les intervenants de marché décortiqueront soigneusement dans les jours qui viennent une batterie d'indicateurs, à commencer, lundi, les premiers résultats des enquêtes mensuelles auprès des directeurs d'achat (PMI) sur l'activité du secteur privé dans la zone euro.

Le chiffre définitif de la croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis au deuxième trimestre, jeudi, est également très attendu, en sachant qu'une révision à la baisse pourrait paradoxalement être bien accueillie par les investisseurs parce qu'elle porterait la promesse d'une politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale dans les prochains mois.

(édité par Marc Angrand)