(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Les grandes banques centrales attendues au tournant

* Elles doivent apaiser les craintes d'une récession

* La BCE ouvrira le bal jeudi

* Une baisse de taux probable mais pas de relance du QE

* La Fed et la BoJ s'exprimeront la semaine suivante

par Patrick Vignal

PARIS, 9 septembre (Reuters) - Les marchés s'apprêtent à recevoir pour la rentrée un gros paquet cadeau de la part de la Banque centrale européenne mais sans savoir exactement ce qu'ils trouveront à l'intérieur.

Mario Draghi, qui tirera sa révérence fin octobre pour céder son fauteuil à Christine Lagarde, a clairement affiché la volonté de l'institution de faire le nécessaire pour tenter de réveiller une inflation assoupie et de stimuler une activité économique qui ne cesse de ralentir.

Il y a urgence car la guerre qui fait rage entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux, à commencer par la Chine, se fait déjà sentir sur les indicateurs d'activité et la croissance et devrait bientôt peser sur les bénéfices de entreprises, sans parler des crises politiques qui ébranlent l'Europe, Brexit en tête.

Comme la Réserve fédérale, la BCE n'a d'autre choix que de puiser dans son arsenal pour apaiser les craintes, bien réelles, d'une récession généralisée.

Sa mission est toutefois bien délicate, notamment parce que, à la différence de la banque centrale américaine, elle n'a pas eu le temps d'enclencher un cycle de resserrement monétaire lui permettant de reconstituer ses réserves en prévision de la prochaine crise financière, qui finira bien par arriver.

Cette situation se reflète dans les taux de la zone euro, nettement plus bas qu'aux Etats-Unis, voire négatifs, ce qui limite les marges de manoeuvre de Mario Draghi et de son équipe.

Pour compliquer encore la situation, les responsables de la BCE ne sont pas tous d'accord entre eux, certains soulignant la nocivité des mesures non conventionnelles comme l'assouplissement quantitatif ("quantitative easing", QE), autrement dit le rachat massif de dettes par une banque centrale.

UNE RELANCE DU QE PEU PROBABLE DANS L'IMMÉDIAT

Qu'annoncera donc l'institution de Francfort jeudi à l'issue de la réunion de son Conseil des gouverneurs ?

Les responsables monétaires de la BCE penchent pour un ensemble de mesures de soutien incluant une baisse de taux, une détermination plus affirmée à maintenir longtemps des taux bas et des compensations pour les effets sur les banques des taux négatifs, a appris Reuters auprès de cinq personnes au fait des discussions.

Pas de reprise du QE dans l'immédiat, donc.

"La BCE ne devrait pas lancer un nouveau programme d'achat d'actifs dès cette réunion mais continuer à en évaluer l'efficacité et les modalités", pense Valentin Bissat, senior économiste pour Mirabaud.

"En effet, les fronts semblent encore partagés au sein du Conseil des gouverneurs sur son utilité – notamment le président de la Banque de France, sans parler de l'Allemagne et des autres pays nordiques – et sur la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle."

Selon l'économiste de Mirabaud, la BCE devrait annoncer une réduction du taux de dépôt de 10 points de base pour le ramener à -0,5%, couplée à un système d'exemption par paliers des réserves excédentaires des banques commerciales ("tiering system").

Autre élément déterminant, le pilotage des anticipations ("forward guidance"), autrement dit la formulation choisie par la banque centrale pour dessiner la trajectoire à venir de sa politique, un élément suivi avec la plus grande attention sur les marchés.

"La 'forward guidance' devrait continuer d'agir comme stabilisateur des conditions financières et pourrait être renforcée pour signaler l'engagement de la BCE à l'objectif symétrique d'inflation", prévoit Valentin Bissat.

Autrement dit, la banque centrale pourrait se montrer plus flexible en acceptant une légère fluctuation des prix des deux côtés de son objectif plutôt que de s'en tenir à la formulation actuelle d'une inflation "inférieure à mais proche de" 2% sur un an.

L'APPÉTIT POUR LE RISQUE REVIENT MALGRÉ TOUT

La forte probabilité d'obtenir un soutien de part des banques centrales est la principale raison pour laquelle les investisseurs conservent une certaine confiance en cette période rentrée marquée par un regain d'inquiétude, soulignent pour leur part les analystes de Federal Finance Gestion, boutique d'Arkéa Investment Services.

"Cette remontée des inquiétudes s'est traduite, pendant la période estivale, par une baisse significative des taux sur l'ensemble des marchés obligataires et une volatilité plus forte sur les marchés actions", écrivent-ils dans une note.

"En effet, les investisseurs ont, semble-t-il, pris davantage conscience que la confiance des agents économiques diminuait réellement et que cela commençait à impacter l'économie réelle, avec une baisse de la croissance en zone euro, en particulier en Allemagne et en Chine."

Il suffit pourtant que les inquiétudes s'apaisent pour que les investisseurs retrouvent de l'appétit pour les actifs risqués, comme on a l'a vu ces derniers jours avec la conjugaison d'une fragile victoire pour les adversaires d'un Brexit sans accord, d'une ouverture vers un gouvernement de coalition en Italie, d'un signe de bonne volonté adressé par les autorités de Hong Kong et d'un espoir de nouvelles négociations entre les Etats-Unis et la Chine sur le commerce.

L'environnement des marchés n'en reste pas moins dominé par les craintes d'une récession résultant des tensions commerciales, qui pèsent sur les marchés depuis un an et demi et dont rien ne suggère qu'elles vont disparaître, même si les deux camps s'apprêtent à renouer le dialogue.

Dans ce contexte, tous les regards se tournent vers les grandes banques centrales, appelées une nouvelle fois à jouer les pompiers de service.

La BCE essuiera donc les plâtres avant les annonces, six jours plus tard, de la Fed.

La mission de cette dernière, dont les marchés sont convaincus qu'elle annoncera le 18 septembre une nouvelle baisse de taux, est un peu plus simple avec une croissance qui résiste, une situation proche du plein emploi, une inflation voisine de 2% et des taux à des niveaux autrement plus élevés qu'en Europe.

Un jour après celles de la Fed, soit le 19 septembre, tomberont les annonces de la toujours très accommodante Banque du Japon, dont plusieurs responsables, y compris son gouverneur, Haruhiko Kuroda, ont laissé entendre récemment qu'il était temps pour elle de mettre en place des mesures de soutien supplémentaires.

La Banque populaire de Chine, elle, a annoncé vendredi une nouvelle réduction du ratio de réserves obligatoires des banques, la septième depuis le début de l'an dernier.

(édité par Marc Angrand)