(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Les marchés enchaînent replis brutaux et rebonds spectaculaires

* Le pic de l'épidémie n'est pas en vue

* Le point bas des indices non plus

* Le calendrier du rebond fait débat

par Patrick Vignal

PARIS, 30 mars (Reuters) - Des replis vertigineux suivis de rebonds aussi spectaculaires qu'éphémères signifient que les marchés financiers ont perdu leurs repères face à un choc d'une nature inconnue.

Les deux questions essentielles concernant l'ampleur de la pandémie de coronavirus et sa durée restent en effet sans réponse et les stratèges des sociétés de gestion en sont réduits à échafauder des scénarios incertains.

Les projections, essentielles pour les intervenants de marché et sur lesquelles reposent les données qui nourrissent une gestion systématique omniprésente, sont parfaitement aléatoires, ce que reflète la nervosité des indices boursiers.

La pandémie, en effet, ne montre aucun signe de ralentissement, ni en Europe ni aux Etats-Unis, désormais le pays le plus touché.

Tout le monde s'accorde à prédire une entrée de l'économie mondiale en récession suivie d'un rebond, que certains voient se dessiner sur la deuxième partie de l'année, d'autres un peu tard, les avis divergeant sur la forme qu'il prendra (V, U, L...).

La récession qui se profile a cela d'original qu'elle est provoquée par les gouvernements, contraints de ralentir l'activité économique afin de contenir la propagation de l'épidémie, explique Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management.

"La crise actuelle a deux composantes inédites", souligne-t-il dans une note. "La première est que chaque gouvernement souhaite que son économie entre en récession et la seconde est que tous les gouvernements le font en même temps."

Les décideurs monétaires sont sur la même ligne, comme l'a indiqué jeudi le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, en invitant à respecter un calendrier dicté par la pandémie.

"L'ordre des choses est de faire en sorte que le virus soit sous contrôle avant de faire reprendre l'activité économique", a-t-il dit.

LES INDICATEURS SE DÉGRADENT

La récession sera brutale, suggèrent des indicateurs macroéconomiques qui ne cessent de se dégrader, à l'image des premiers résultats, publiés mardi, de l'enquête que réalise chaque mois IHS Markit auprès des directeurs d'achat (PMI).

De l'Australie aux Etats-Unis en passant par le Japon et l'Europe, l'activité économique a subi en mars un coup de frein sans précédent en raison des multiples mesures de confinement adoptées pour tenter de contenir la pandémie, montrent-ils.

"L'épidémie de coronavirus représente un choc externe majeur pour les perspectives macroéconomiques, comparable à une catastrophe naturelle de grande ampleur", résument dans une note les analystes du BlackRock Investment Institute.

Parallèlement aux mesures de confinement qu'ils ont imposées avec une rapidité et une rigueur variables, les gouvernements annoncent des mesures de relance aux montants astronomiques dont les objectifs sont notamment de protéger les entreprises les plus fragiles et de poser les bases d'un rebond durable.

La Chambre des représentants devait ainsi approuver vendredi le plan de soutien de 2.000 milliards de dollars (environ 1.840 milliards d'euros) de l'administration Trump, qui a déjà obtenu le feu vert du Sénat.

Les dirigeants des pays membres du G20 ont affirmé pour leur part jeudi leur détermination à former un front uni face à l'épidémie, parlant de "priorité absolue" pour laquelle 5.000 milliards de dollars (4.550 milliards d'euros) au total seront injectés.

Ces mesures viennent après celles, toutes aussi énormes, prises par les grandes banques centrales, qui ont apaisé pour un temps des marchés fébriles en dégainant l'artillerie lourde.

"Les annonces des banques centrales, massives et notamment concentrées sur les obligations d'entreprises, ont permis un certain retour de la liquidité et, vrai signe de confiance, quelques émissions", a écrit sur Twitter Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires chez Allianz GI.

Dépendants à ces injections de liquidité avant même la crise actuelle, les marchés en veulent cependant toujours plus, ce qui explique leur réaction positive, jeudi, à l'annonce d'une explosion des inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis, qui ont dépassé trois millions, record absolu.

À LA RECHERCHE DU POINT BAS

Si tout monde aimerait connaître le moment où sera atteint le pic de la pandémie, les investisseurs ont une motivation supplémentaire puisqu'il devrait correspondre à peu de choses près au point bas des indices, donnant ainsi le signal d'un retour à l'achat sur les actifs risqués.

Certaines mauvaises nouvelles sont déjà intégrées dans les cours, notamment l'imminence d'une récession, mais pas toutes, fait valoir David Lafferty, économiste de Natixis Investment Managers.

"Les consensus tablent toujours sur une hausse des bénéfices du S&P-500 sur l'année, ce qui est proprement inimaginable", fait-il valoir.

"Il pourrait encore y avoir un peu de baisse, un peu de souffrance devant nous", ajoute-t-il. "Je dirais que nous en sommes à 70%-80% dans le repli."

L'avenir dira s'il avait raison mais en attendant, le message lancé par Natixis IM aux investisseurs est clair : il est trop tard pour vendre mais encore trop tôt pour acheter.

(édité par Blandine Hénault)