(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Le verdict des "midterms" plaît aux marchés

* La Fed ne surprend personne

* Les risques baissiers s'accumulent

* Le tassement de la croissance en zone euro se confirme

par Patrick Vignal

PARIS, 12 novembre (Reuters) - Les marchés viennent de vivre une semaine en trompe-l'oeil, le verdict bien accueilli des élections de mi-mandat aux Etats-Unis et les annonces sans surprise de la Réserve fédérale dissimulant de nouveaux signaux paraissant annoncer la fin prochaine de l'embellie globale observée depuis plus de cinq ans.

La croissance des entreprises de la zone euro a ainsi chuté en octobre à un creux de plus de deux ans, montrent les résultats, publiés mardi, de l'enquête réalisée chaque mois par IHS Markit auprès des directeurs d'achat (PMI).

"Le ralentissement, provenant principalement des exportations, est lié à l'intensification des tensions commerciales et a été aggravé par les incertitudes politiques grandissantes, la montée de l'aversion au risque et le resserrement des conditions financières", commente Chris Williamson, économiste d'IHS Markit, en détaillant les principaux risques baissiers qui pèsent sur les marchés.

La Commission européenne a encore noirci le tableau deux jours plus tard en disant jeudi s'attendre à un ralentissement de la croissance de la zone euro dans les prochaines années, grosso modo pour les mêmes raisons.

Autre signal inquiétant, les conseillers économiques du gouvernement allemand auraient ramené, selon la presse du pays, leur prévision de croissance de la première économie de la zone euro pour cette année à 1,6% contre 2,3% jusqu'à présent.

Dans ce contexte, les chiffres de l'inflation allemande, mardi, et une nouvelle estimation de la croissance au troisième trimestre dans la zone euro, mercredi, seront étudiés avec soin par les investisseurs.

Aux Etats-Unis, où l'indicateur des prix à la consommation en octobre est attendu pour mercredi, la croissance reste vigoureuse mais ce sont les valorisations boursières extrêmement tendues qui préoccupent les investisseurs, notamment celles des géants de la technologie, qui pèsent démesurément sur les indices.

L'action Apple vient ainsi de perdre près de 10% en deux jours, sur des prévisions jugées décevantes puis des indications d'une demande inférieure aux attentes pour l'un des nouveaux modèles d'iPhone.

L'épisode a rappelé le "jeudi noir" de Facebook, qui avait vu l'action du réseau social chuter de près de 20% le 26 juillet dernier, au lendemain d'un avertissement sur ses marges dans les prochaines années.

 

WALL STREET VOTE TRUMP

Pour Apple et d'autres, les résultats des "midterms" ont favorisé un bref rebond qui n'a pu que faire plaisir à Donald Trump, plébiscité jusqu'à présent par Wall Street.

Les performances de la Bourse de New York depuis le début de son mandat sont en effet impressionnantes puisque le S&P-500 a pris 28% de son élection, en novembre 2016, jusqu'au scrutin de mardi. Il faut remonter à Dwight Eisenhower (+29% pour le S&P de novembre 1952 à 1954) pour trouver mieux.

Avec en outre une croissance soutenue et une situation proche du plein emploi, le bilan économique de Donald Trump se laisse voir et a été l'un de ses meilleurs arguments de campagne.

 

Graphiques https://tmsnrt.rs/2Qq8qzE

 

Des surprises à la baisse sur la croissance, des voyants qui s'allument sur les Bourses, le tout sur fond de resserrement monétaire dans un climat géopolitique anxiogène... Le paysage d'ensemble sur les marchés n'est cependant guère réjouissant et s'orne déjà de deux alertes aux allures de correction, début février puis fin octobre.

Certains interprètent la réapparition de la volatilité comme un simple retour à la normale après des années de régime inhabituellement parfait, associant de la croissance à une inflation contenue et à une volatilité quasiment inexistante.

D'autres cependant, à l'image de William de Vijlder, chef économiste de BNP Paribas, soulignent que les accès de volatilité sont traditionnellement le prélude à un ralentissement de la croissance. Il invite donc à surveiller attentivement dans les prochains mois les indicateurs macroéconomiques ainsi que les annonces des banques centrales.

"2019 s'annonce comme une année charnière, au cours de laquelle les marchés guetteront en particulier les actions de la Fed", dit-il à Reuters. "L'arrêt du cycle de resserrement pourrait être interprété comme un reflet d'une inquiétude qui monte à la banque centrale quant aux perspectives de croissance".

Les marchés viennent de jeter un voile pudique sur tous ces tracas pour se concentrer sur les élections de mi-mandat aux Etats-Unis aux allures de référendum sur la politique et la personne de Donald Trump.

Le verdict des urnes a eu le bon goût de s'aligner sur les attentes des investisseurs, qui détestent les surprises et ont célébré la matérialisation de leurs prévisions en se ruant sur les actifs risqués.

 

LA FED NE TOUCHE À RIEN

Le camp démocrate s'est emparé de la majorité à la Chambre des représentants mais les républicains conservent le contrôle du Sénat, où ils ont même gagné des sièges.

"Un Congrès divisé est le meilleur résultat possible pour les marchés d'actions aux Etats-Unis et dans le monde", écrit dans une note Marko Kolanovic, responsable de la stratégie quantitative et de dérivés chez JPMorgan.

Ce résultat pourrait notamment freiner les ardeurs de Donald Trump dans la guerre commerciale qu'il livre à la Chine, fait-il valoir.

Après le verdict des "midterms" vint celui de la Fed, qui n'a touché à rien et a évoqué la poursuite d'une croissance économique soutenue par la bonne santé du marché du travail et la vigueur de la consommation des ménages, laissant ainsi le champ libre à une hausse de taux le mois prochain, la quatrième de l'année.

Il faudra donc attendre le 19 décembre prochain pour en savoir plus sur les intentions de la banque centrale américaine, qui devrait confirmer à cette date qu'elle entend continuer de relever progressivement ses taux en 2019, prévoit Eric Bourguignon, directeur général délégué de Swiss Life Asset Management France.

Les annonces de la Fed ont provoqué une réaction modérée sur les marchés, faisant brièvement remonter le dollar et les taux et baisser un peu les actions.

Quant aux résultats trimestriels qui continuent de tomber, ils confirment globalement la poursuite de la croissance des bénéfices des entreprises, avec toute de même quelques avertissements lourdement sanctionnés, comme celui de Richemont , numéro deux mondial d'un secteur du luxe agité par la crainte d'un ralentissement de la demande chinoise, autre menace à l'horizon des marchés.

 

 

GESTION-Retour des flux sur les actions, sauf les techs et l'Europe-BAML

 

(édité par Blandine Hénault)

Valeurs citées dans l'article : Compagnie Financière Richemont, Apple, Facebook