(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Trump menace de rallumer la guerre commerciale

* Les économies émergentes souffrent

* Le risque politique pèse en Europe

* Enquêtes PMI, PIB européen et emploi américain à l'agenda

par Patrick Vignal

PARIS, 3 septembre (Reuters) - Ni les frictions commerciales ni les risques politiques n'ayant pris de vacances en août, la rentrée s'annonce délicate sur les marchés avec déjà de fortes pressions sur les économies émergentes et des indices boursiers fébriles en Asie comme en Europe.

"Le mois d'août aura, comme souvent, été chahuté sur les marchés financiers", souligne Axel Botte, stratégiste chez Ostrum Asset Management, qui insiste notamment sur les tensions sur la livre turque après les sanctions commerciales américaines et sur le real brésilien à l'approche de l'élection présidentielle d'octobre.

Le peso argentin n'est pas en reste puisqu'il ne cesse de creuser son plus bas historique face au dollar, ce qui a conduit la banque centrale à puiser encore dans ses réserves puis à relever spectaculairement ses taux d'intérêt, en attendant l'aide réclamée au Fonds monétaire international pour tenter d'enrayer la chute verticale de son économie.

Quant au yuan, il vient d'inscrire un plus haut de deux semaines et demi contre le dollar et d'interrompre deux mois de baisse en réaction aux mesures prises par la Banque populaire de Chine (BPC) pour le soutenir.

Les mouvements de toutes ces devises traduisent les difficultés grandissantes des économies émergentes dans une contexte de remontée du dollar et des rendements obligataires dans le sillage du resserrement par les grandes banques centrales de leurs politiques monétaires, sans parler de l'impact de l'affrontement entre les Etats-Unis et leurs partenaires commerciaux.

UNE ACCALMIE BIEN FRAGILE

La semaine qui se tourne aura été marquée d'abord par une fragile accalmie sur ce front avec un accord entre les Etats-Unis et le Mexique.

Les craintes d'un embrasement général sont cependant loin d'avoir disparu, soulignent les analystes de JPMorgan, qui rappellent que Donald Trump pourrait annoncer des taxes sur 200 milliards de dollars d'importations supplémentaires en provenance de Chine faute d'accord avec Pékin d'ici à mercredi.

L'intensification de la guerre des tarifs douaniers, que rien ne permet d'écarter, pourrait entraîner une contraction de l'économie mondiale de plus de 3%, selon le cabinet de consultants KPMG.

Nombreux sont les intervenants de marché qui considèrent les tensions commerciales comme le risque principal pesant sur le cycle de hausse du S&P-500, devenu récemment le plus long "bull market" de l'histoire boursière américaine.

Du côté de la zone euro, l'Italie continue d'inquiéter avec la perspective d'un gonflement des déficits entraînant un abaissement de sa note de crédit, un scénario qui fait grimper les taux souverains de la péninsule.

La Grande-Bretagne ne rassure pas non plus les investisseurs, qui se préparent à une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord préalable avec Bruxelles. Cette éventualité pèse sur la livre sterling.

La devise britannique est cependant repartie à la hausse après les propos jugés rassurants du négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, plaidant pour une relation privilégiée avec Londres après son retrait du bloc.

UN FORT PARFUM DE FIN DE CYCLE

Les nuages de plus en plus lourds qui assombrissent le ciel des marchés donnent du fil à retordre aux gestionnaires d'actifs, comme l'explique James Bateman, directeur monde de la gestion diversifiée chez Fidelity, qui recommande aux investisseurs d'"acheter les replis" tout en adoptant un positionnement global de plus en plus défensif.

"Nous continuons d'observer des signes d'une montée des risques sur tous les marchés depuis un certain nombre de mois dans cet environnement de fin de cycle", dit-il. "Cependant, nous restons aussi conscients du potentiel d'opportunités à court terme et reconnaissons également qu'une plus forte volatilité peut créer des perturbations."

L'appétit pour les actifs risqués n'a pas disparu puisque les actions américaines s'affichent en progression d'environ 3% sur le mois écoulé et que les indices de Wall Street continuent d'enchaîner les records.

Axel Botte note cependant que les indices européens ont baissé pour leur part de 1% à 3% sur la même période, un repli qui, selon l'expert d'Ostrum AM, pourrait se prolonger malgré le soutien de l'euro faible.

Dans ce contexte troublé, les résultats des enquêtes mensuelles sur l'activité du secteur privé en Europe et en Asie, lundi et mercredi, seront étudiés avec soin sur les marchés.

L'indicateur vedette de la semaine sera toutefois le rapport mensuel sur l'emploi américain, vendredi. Il est cependant peu probable qu'il bouleverse les attentes des marchés concernant la trajectoire de politique monétaire de la Réserve fédérale.

LA COURBE DES TAUX S'APLATIT ENCORE

L'un des rares éléments de nature à rassurer les marchés est en effet la bonne visibilité du côté de la Fed après le discours à Jackson Hole de son président, Jerome Powell, qui a conforté les anticipations des marchés de deux hausses de taux avant la fin de l'année, soit quatre en tout en 2018.

Les débats continuent pendant ce temps au sein de la Fed sur l'importance à donner à l'aplatissement de la courbe des taux américaine au moment où l'écart entre les taux souverains à 2 et 10 ans vient de tomber sous 20 points de base.

La courbe des taux n'a jamais été aussi plate depuis 2007, juste avant la crise financière, et menace de s'inverser, ce qui annonce historiquement une entrée en récession à plus ou moins court terme.

"A la lumière des preuves relatives à sa puissance prédictive pour les récessions, l'évolution récente de la courbe des taux donne à penser que le risque d'une récession pourrait être en train d'augmenter", reconnaissent Michael Bauer et Thomas Mertens, conseillers en recherches de la Fed de San Francisco, dans une étude publiée lundi dernier.

Ils estiment cependant que "l'aplatissement de la courbe des taux ne fournit aucun signe de récession imminente".

Si le parcours de la Fed paraît bien balisé, la visibilité est un peu moins nette du côté de la Banque centrale européenne (BCE) au moment où la croissance paraît se tasser dans la zone euro alors qu'elle accélère encore aux Etats-Unis.

Une deuxième estimation de la croissance du produit intérieur brut de l'union monétaire au deuxième trimestre est attendue pour vendredi. Elle était ressortie légèrement inférieure aux attentes des économistes en première estimation, à 0,3% d'un trimestre sur l'autre et 2,1% sur un an.

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(édité par Blandine Hénault)