Le marché de l’automobile mondial a fortement été impacté par la crise financière de 2008. Après avoir connu plusieurs années de croissance et une augmentation de 7,7% des immatriculations en 2007, la production mondiale a chuté de près de 13% entre 2008 et 2009. Le groupe PSA Peugeot Citroën a ainsi vu ses ventes ralentir de près de 7,5% en cette année de crise, puis de 11% en 2009. En découlent une perte nette de 363 millions d’euros en 2008 et 1,161 milliard en 2009, alors que le groupe gagnait 885 millions d’euros en 2007. La firme française a réussi à redresser la barre en 2010 et 2011, affichant à nouveau un résultat net positif, dans le sillage d’une industrie qui reprenait des couleurs avec +26% de production mondiale entre ces deux années.  Reprise qui a été de courte durée puisque Peugeot a publié, le 13 février dernier, une perte nette record de plus de cinq milliards d’euros pour l’exercice 2012, et une baisse des ventes de plus de 5%, alors que la production mondiale devrait croître de 6,5% cette même année (selon les estimations du cabinet d’audit et de conseil PwC) .

Le groupe PSA n’a, pour l’instant, toujours pas été en mesure de tirer profit de la reprise du marché automobile mondial qui propose, pourtant, de nouveaux viviers de croissance.


Une erreur de positionnement

Ces résultats désastreux s’expliquent, tout d’abord, par le positionnement géographique du groupe qui s’avère être totalement inadapté à l’état du marché automobile. En effet, l’Europe, qui représente plus de 70% des revenus du groupe, a enregistré une baisse des immatriculations de 8,2% entre 2011 et 2012, portant les ventes de voitures neuves en 2012 à leur plus bas niveau depuis 17 ans.

De même, fabriquer coûte cher à Peugeot qui est victime de la localisation de sa production dans des pays aux coûts élevés, tels que la France où 38% des volumes de l’entreprise y ont été fabriqués en 2012, ainsi que d’importantes surcapacités de production, illustrées par un taux d’utilisation de ses usines européennes de seulement 75% cette même année.
Enfin, Peugeot comme Citroën sont historiquement positionnés sur des modèles milieu de gamme alors que ce sont les extrêmes qui sont les plus dynamiques et les plus rentables, à l’instar des voitures premium des constructeurs allemands et des modèles entrée de gamme proposés par Dacia ou encore Kia. Le cabinet Secafi, mandaté par les syndicats pour produire une étude sur la situation du constructeur automobile, a par ailleurs constaté qu’il y avait « un risque de cannibalisation » entre les deux marques.
En somme, PSA construit des modèles milieu de gamme, dans des pays à fort coût de production, et les commercialisent sur des marchés en berne.  En résulte une consommation de trésorerie inquiétante à hauteur de 200 millions d’euros chaque mois (entre l’été 2011 et 2012).

 
Un plan d’économie massif

Pour éviter l’asphyxie financière, la direction de la firme automobile a lancé, en juillet dernier, un important programme d’économie de 800 millions d’euros qui vise à réduire les capacités de production, les effectifs (8000 suppressions de postes en France) et les investissements. Une alliance avec General Motors devrait, en plus, permettre d’économiser un milliard d’euros d’ici à 2017 grâce à un partage des charges, en développant conjointement trois plates-formes, ainsi qu’une structure d’achat.

 
Virage stratégique

PSA Peugeot Citroën, conscient de son positionnement inadapté, est en train d’ajuster ses gammes aux réalités du marché automobile. C’est ainsi, qu’ont été lancées début 2010, les nouvelles Citroën DS3 dans le but d’investir le marché des petites voitures haut de gamme, ne voulant pas aller sur le terrain de prédilection des constructeurs allemands, qui produisent de grosses berlines. Par la suite, la marque compte se diriger vers un autre marché, tout aussi porteur, celui des véhicules plus simples et moins chers, sans pour autant aller s’engouffrer dans le low cost nettement dominé par Dacia. Pour ce faire, la marque aux chevrons lancera, en Europe de l’Ouest, un nouveau véhicule avec pour philosophie de « travailler sur  une voiture plus simple, avec un design moderne et attractif » et ainsi « rompre la tendance du toujours plus pour répondre aux attentes de clients qui ne veulent pas forcément tous les équipements », comme l’explique M. Banzet, Directeur Général de Citroën.

D’autre part, PSA a bien compris que la croissance était bel et bien hors Europe et principalement située en Chine et au Brésil. Ainsi, la marque Peugeot a dévoilé au début de l’année son nouveau crossover urbain : le Peugeot 2008. Ce modèle conçu simultanément à Paris, Shanghai et Sao Paulo, et destiné aux marchés européens, chinois et sud-américains représente parfaitement les ambitions d’internationalisation et de montée en gamme du groupe. Par ailleurs, la production de la 208 vient d’être lancée au Brésil, après avoir investi plus de 305 millions d’euros pour développer le véhicule et accroître les capacités de production de son usine à 220.000 véhicules par an contre 150.000 aujourd’hui. Enfin, fort du succès de la Citroën DS en Chine, le groupe compte poursuivre la dynamique commerciale de la série en 2013 avec un objectif de 70 points de vente contre seulement 25 fin 2012.

Premier producteur au monde de moteurs diesels, le groupe a mis du temps à se rendre compte que le vent était en train de tourner et que l’avenir se trouvait dans les moteurs hybrides. Le déclin du gasoil pourrait commencer à se faire ressentir, surtout depuis que l’Organisation mondiale de la Santé a confirmé son impact négatif sur la santé. Très en retard sur le marché de l’hybride comparé à Toyota, leader incontesté de ce segment avec la Prius, PSA vient de dévoiler sa nouvelle technologie Hybrid-Air qui permettrait à une voiture type Citroën C3 de consommer légèrement moins de 3 litres/100km. L’efficacité d’une telle technologie restant à confirmer.

Pour finir sur le volet stratégique, l’alliance avec General Motors présente un défi important pour le groupe. En effet, cette coopération pourrait leur permettre de développer de nouveaux projets en partageant les investissements ainsi que les coûts de conception et de production et de se tourner ensemble vers les pays émergents, où se situe la croissance. Malheureusement, il n’y a pour l’instant pas d’avancée significative en la matière, et seuls les projets européens des deux groupes se concrétisent. PSA et GM n’en sont qu’au stade de mise à l’étude de « nouveaux projets de véhicules et de projets industriels en Amérique latine ou dans d’autres marchés en croissance », selon leurs dires. Comme le dit la Secafi, l’alliance reste « réduite au strict minimum » et ne permet pas à PSA d’accélérer son développement hors d’Europe.

L’unique avancée concrète concerne trois projets de véhicules communs, qui seront conçus sur des plates-formes PSA, et qui devraient débuter en 2016, ainsi qu’une structure d’achat commune qui a récemment reçu l’approbation des autorités de la concurrence. Seulement, ces ambitions resteront au niveau européen et confirment que l’alliance entre PSA et GM n’est, pour l’instant, que pas encore assez tournée vers l’international.

 
Conclusion

Dans une industrie où la conception d’un nouveau produit prend au minimum quatre ans, il était difficilement possible pour PSA Peugeot Citroën de prévoir la mutation du marché. Néanmoins, l’entreprise a correctement cerné la nouvelle donne et travaille d’arrache-pied pour assainir ses finances en réduisant ses coûts et en supprimant ses surcapacités de productions identifiées en Europe. Elle semble également se tourner davantage vers les extrêmes de gamme et l’international. Mais les investisseurs ont besoin de concret, de faits, d’un signe de la part du groupe qui serait en mesure de les rassurer quant à leurs ambitions extra-européennes, qui d’ailleurs pourrait et même devrait venir de l’alliance avec General Motors.