Le plan de relance de 100 milliards d'euros présenté jeudi par le gouvernement français vise à éviter que la crise sanitaire liée au coronavirus ne provoque un effondrement de l'économie française tout en préparant la France aux défis de la prochaine décennie, a expliqué le Premier ministre, Jean Castex.

Dénommé "France Relance", ce dispositif très large prévoit de consacrer 35 milliards d'euros à l'amélioration de la compétitivité économique du pays, 30 milliards au "verdissement" de l'économie et 35 milliards au soutien à l'emploi et à la cohésion sociale.

"Ce plan de relance vise à faire en sorte que notre économie ne s'effondre pas, que le chômage n'explose pas", a dit Jean Castex sur RTL, assurant qu'il s'agit du "plus massif annoncé à ce jour par les grands pays européens".

"Avec la crise, on va perdre 100 milliards d'euros de richesse nationale. Il s'agit tout simplement de la reconstituer", a ajouté le Premier ministre.

Le gouvernement prévoit pour l'instant une contraction de 11% du produit intérieur brut (PIB) cette année même si le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire (dont le titre complet inclut désormais la relance), a dit la semaine dernière que cette chute pourrait être un peu moins marquée grâce à l'amélioration des derniers mois.

Cette chute de l'activité, la plus forte enregistrée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, devrait se traduire par la destruction d'au moins 900.000 emplois cette année selon les prévisions de l'Unédic.

"CE N'EST PAS UN CADEAU AUX ENTREPRISES" ASSURE CASTEX

Le plan détaillé jeudi vise à effacer dès l'an prochain une partie de ces pertes. "J'espère que le plan de relance, en 2021, l'année prochaine, créera 160.000 emplois. C'est notre objectif", a dit Jean Castex.

Le volet "emploi" du dispositif prévoit entre autres 6,7 milliards d'euros de soutien à l'emploi des jeunes, via notamment des primes à l'embauche.

Parallèlement, le gouvernement prévoit de réduire de 20 milliards d'euros en deux ans les "impôts de production", les contributions et cotisations que paient les entreprises quel que soit leur niveau de rentabilité.

"Ce n'est pas un cadeau aux entreprises", a assuré Jean Castex. "C'est un cadeau à la France pour relancer l'économie et lutter contre le chômage."

L'absence de contreparties demandées aux entreprises est néanmoins au coeur des critiques.

"Nous sommes inquiets concernant les 20 milliards de baisse d'impôts de production, qui auraient dû selon nous être liées à des contreparties sociales, écologiques, fiscales et de relocalisation, au moins pour les 100 premières grandes entreprises", a ainsi déclaré à Reuters Matthieu Orphelin, co-président du groupe Écologie Démocratie Solidarité à l'Assemblée nationale et proche de l'ancien ministre Nicolas Hulot.

DEUX MILLIARDS POUR L'HYDROGÈNE

"France Relance" devrait creuser le déficit des finances publiques de 80 milliards d'euros cette année et porter la dette publique non loin de 120% du PIB. Un trou comblé pour moitié par les fonds européens dans le cadre du plan de 750 milliards d'euros sur lequel les 27 pays membres de l'Union se sont mis d'accord en juillet.

Pour le reste, le gouvernement assure qu'il n'aura recours à aucune hausse d'impôt.

Parmi les mesures emblématiques du volet du plan dédié à la transition écologique figurent un vaste plan de soutien à la rénovation thermique des bâtiments. Un moyen de favoriser l'activité et l'emploi dans le secteur du bâtiment tout en incitant les Français à puiser dans les 60 à 100 milliards d'euros d'épargne de précaution accumulés ces derniers mois.

L'industrie de l'hydrogène, présentée comme un autre élément clé de la nouvelle stratégie énergétique et écologique française, bénéficiera quant à elle de deux milliards d'euros de financements sur deux ans.

"C'est un pas de géant pour la transition écologique de la France", a assuré Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique. "Il nous fait basculer dans l'économie de demain, décarbonée et économe en ressources."

Bruno Le Maire a pour sa part mis en avant la volonté du gouvernement de favoriser les relocalisations au nom de la souveraineté économique et de faire émerger de nouvelles filières d'avenir.

"Nous n'avons pas su ouvrir de nouvelles filières industrielles. C'est ce que j'appelle se reposer sur ses lauriers. Et bien il est temps de passer à autre chose, c'est le sens de ce plan de relance", a dit le locataire de Bercy en citant les biotechnologies, les énergies renouvelables, le calcul quantique ou encore le traitement des déchets.

(Avec Leigh Thomas, Elizabeth Pineau, Caroline Pailliez et Nicolas Delame, édité par Blandine Hénault)

par Marc Angrand