Même si les concertations vont se poursuivre, l'issue de cette réunion entre ministres du Pétrole va raviver les inquiétudes des acteurs du secteur, qui redoutent que les pays producteurs ne relancent la course aux parts de marché, ce qui risquerait de porter un coup d'arrêt à la remontée du prix du baril.

L'Arabie saoudite notamment a menacé d'accroître sa production si aucun n'accord n'était trouvé.

Dix-huit pays, dont la Russie qui ne fait pas partie de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), étaient représentés à Doha pour finaliser un accord dans les tuyaux depuis février et qui aurait stabilisé la production jusqu'en octobre prochain à ses niveaux de janvier.

Mais Ryad, chef de file de l'Opep, a insisté pour que tous les pays membres de l'Opep soient partie prenante à ce gel concerté de la production, y compris l'Iran. Or, la République islamique, absente dimanche à Doha, se refuse à stabiliser sa production au moment où la levée des sanctions occidentales liées à son programme nucléaire peut lui permettre de reprendre pied sur le marché mondial de la production de brut.

"Si l'Iran gèle sa production pétrolière au niveau de février, cela signifiera qu'il ne peut pas bénéficier de la levée des sanctions", a expliqué le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh.

SOUS LES 40 DOLLARS ?

Au terme de cinq heures de discussion tendue, notamment entre l'Arabie saoudite et la Russie, sur la formulation d'une éventuelle déclaration finale, délégués et ministres ont annoncé qu'aucun accord n'avait été trouvé.

"Nous avons conclu que nous avions tous besoin de temps pour de nouvelles consultations", a déclaré le ministre qatari de l'Energie Mohamed al Sada. Plusieurs sources au sein de l'Opep ont précisé que si l'Iran acceptait de s'associer au gel de la production lors de la prochaine réunion du cartel, prévue le 2 juin, les discussions avec les autres pays producteurs pourraient reprendre.

Le ministre russe du Pétrole, Alexander Novak, a regretté les exigences "déraisonnables" de l'Arabie saoudite et s'est dit déçu de l'issue de la réunion de Doha. Alors, dit-il, qu'il était arrivé au Qatar avec le sentiment qu'il s'agissait de parvenir à un accord, et non de débattre, il s'est dit surpris par ces nouvelles exigences formulées dimanche matin.

L'échec de la réunion de Doha pourrait mettre un terme à la récente remontée des cours pétroliers.

"Avec l'absence d'accord aujourd'hui, la confiance des marchés dans la capacité de l'Opep à parvenir à un accord équilibrant la production va probablement baisser et cela va certainement avoir un effet baissier sur les marchés pétroliers, où les cours se sont en partie redressés sur l'anticipation d'un accord. Sans accord, les probabilités d'assister à un rééquilibrage des marchés sont désormais repoussées à la mi-2017", a résumé Abhishek Deshpande, spécialiste du pétrole chez Natixis.

L'espoir d'une limitation concertée de l'offre mondiale avait permis au baril de Brent de rebondir à près de 45 dollars, en progression de 60% par rapport aux plus bas touchés en janvier autour de 27 dollars, après la chute qui lui avait fait perdre plus de 75% depuis le pic à 115 dollars de la mi-2014.

Anticipant une réaction impulsive des marchés, Amrita Sen, experte chez Energy Aspects, estime que le baril pourrait retomber sous le seuil des 40 dollars ce lundi.

"Même si l'absence d'un accord de gel n'a pas de conséquence négative sur les équilibres -- puisque l'Iran est véritablement le seuil pays susceptible d'accroître sa production de manière substantielle --, elle va avoir un immense impact négatif sur le sentiment (des marchés), surtout au vu du battage médiatique qu'il y a eu autour de cet accord", explique-t-elle.

(Bertrand Boucey, Eric Faye, Marc Angrand et Henri-Pierre André pour le service français)

par Rania El Gamal et Reem Shamseddine