par Trevor Hunnicutt et Ann Saphir

WASHINGTON, 18 janvier (Reuters) - "Patience" est le nouveau mot-clé de la Réserve fédérale à moins de deux semaines de sa prochaine réunion de politique monétaire, plusieurs responsables de la banque centrale américaine laissant peu de place au doute sur leur volonté de marquer une pause dans la remontée des taux d'intérêt.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a été le premier à utiliser l'adjectif "patient" pour décrire son approche de la politique monétaire il y a deux semaines, lors d'une intervention publique qui a contribué à rassurer les marchés financiers après des semaines de volatilité.

Cette semaine, sept autres dirigeants de la Fed lui ont emboîté le pas en évoquant une approche "patiente" ou en laissant entendre qu'ils étaient disposés à interrompre le cycle de relèvement des taux. Il est donc désormais clair que cette position est majoritaire parmi les 17 responsables qui participeront à la réunion des 29 et 30 janvier.

Le ralentissement de la croissance mondiale, la baisse des marchés boursiers fin 2018 et la fermeture d'une partie des administrations fédérales américaines, le "shutdown", depuis quatre semaines, alimentent les doutes sur les risques de dégradation d'une activité économique encore qualifiée de "solide" le mois dernier.

Alors même, soulignent plusieurs dirigeants de la Fed, que les quatre hausses de taux décidées en 2018 n'ont pas encore porté tous leurs effets.

"L'approche qu'il nous faut est la prudence, la patience et un jugement avisé", a dit vendredi John Williams, le président de la Fed de New York, ajoutant que si la croissance se maintenant, de nouveaux relèvements de taux pourraient être nécessaires "à un moment donné".

Mais pour l'instant, a-t-il déclaré, les vents favorables qui ont favorisé l'expansion de l'économie américaine pendant la majeure partie de l'année dernière "ont perdu de leur vigueur".

Mary Daly, qui a travaillé avec John Williams lorsqu'il dirigeait la Fed de San Francisco et préside désormais celle-ci, "penche pour une pause pendant un moment" afin d'évaluer l'évolution de la situation économique, a rapporté vendredi le Washington Post, citant des déclarations confirmées par un porte-parole de l'antenne régionale de la banque centrale.

LA PATIENCE EST MAJORITAIRE MAIS NE FAIT PAS L'UNANIMITÉ

Mardi, le président de la Fed de Dallas, Robert Kaplan, avait dit que la "patience" de la banque centrale pourrait durer un trimestre ou deux. Et même son homologue de Kansas City, Esther George, qui s'est fait un nom en étant la seule partisane d'une hausse de taux lorsque les autres responsables de la politique monétaire s'y opposaient, a défendu l'hypothèse d'une pause dans le cycle de resserrement monétaire en cours.

Charles Evans, le président de la Fed de Chicago, et Neel Kashkari, à Minneapolis, ont réaffirmé ces derniers jours leur soutien à une pause dans la hausse des taux et James Bullard à St. Louis comme Raphael Bostic à Atlanta, avaient déjà pris ce parti auparavant.

Parmi les raisons justifiant "patience" et "prudence" figurent la baisse marquée de la confiance des consommateurs américains, confirmée vendredi par les premiers résultats de l'enquête mensuelle de l'université du Michigan, dont l'indice est tombé à son plus bas niveau depuis deux ans.

Une situation qui s'explique par le "shutdown", dont John Williams estime qu'il pourrait amputer d'un point de pourcentage la croissance du premier trimestre aux Etats-Unis.

Tous les responsables de la Réserve fédérale ne sont pas pour autant aussi inquiets les uns que les autres: Randal Quarles, le vice-président de l'institution, a déclaré jeudi que "le scénario de base reste très solide" du point de vue économique

Le président de la Fed de Boston, Eric Rosengren, a quant à lui déclaré il y a quelques jours que la Fed pourrait avoir besoin de relever les taux à deux reprises cette année, comme prévu en décembre.

Un scénario auquel les marchés ne croient plus: vendredi, les contrats à terme sur les taux d'intérêt américains à court terme n'intégraient plus qu'une probabilité de 25% pour une seule hausse de taux d'ici fin décembre.

(Marc Angrand pour le service français)