(Actualisé avec appel de Claude Guéant)
PARIS, 21 janvier (Reuters) - Claude Guéant et Patrick
Buisson ont été condamnés vendredi à respectivement huit mois de
prison ferme pour favoritisme et deux ans de prison avec sursis
pour détournement de fonds publics à l'issue du procès des
"sondages de l'Elysée", des enquêtes d'opinion attribuées sans
appel d'offres sous la présidence de Nicolas Sarkozy, selon le
jugement de la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris.
Deux autres proches de l'ancien chef de l'Etat - l'ancien
sondeur Pierre Giacometti et l'ex-directrice de cabinet
Emmanuelle Mignon - ont été condamnés dans cette affaire
d'attribution irrégulière de marchés publics de 2007 à 2012, qui
a coûté plus de sept millions d'euros à l'Etat - et donc aux
contribuables.
Pierre Giacometti est condamné à six mois de prison avec
sursis (et 70.000 euros d'amende), ainsi qu'Emmanuelle Mignon,
sans amende. Les avocats de cette dernière ont dénoncé dans un
communiqué "une décision injuste qui sanctionne la première
personne à avoir introduit les marchés publics à l'Élysée."
Nicolas Sarkozy lui-même n'a pas été poursuivi car il
bénéficie de l'immunité pénale présidentielle. Le tribunal lui
avait néanmoins imposé de comparaître en tant que témoin pendant
le procès qui s'est tenu en octobre et novembre, mais il avait
refusé de répondre le 2 novembre aux questions des juges en
invoquant le principe de séparation des pouvoirs.
L'Elysée avait commandé 264 enquêtes d'opinion entre juin
2007 et juillet 2009, dont certaines n'avaient pas grand-chose à
voir avec la conduite de l'Etat, comme celle visant à connaître
l'avis des Français sur le couple formé par Nicolas Sarkozy avec
la chanteuse Carla Bruni.
Le procès s'est tenu à l'issue d'une longue bataille
procédurale après la première plainte contre X déposée par
l'association anticorruption Anticor en 2010, la Cour de
cassation ayant finalement statué que l'irresponsabilité pénale
dont bénéficiait le président de la République ne s'appliquait
pas à son cabinet.
Incarcéré depuis le mois de décembre après la révocation
d'une partie de sa peine de prison avec sursis dans une autre
affaire, l'ancien secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant,
considéré comme le "bras droit" de Nicolas Sarkozy, a été
reconnu coupable de "favoritisme" et a écopé d'un an de prison,
dont quatre mois avec sursis. Le parquet avait requis un an de
prison ferme.
Un mandat de dépôt différé a été délivré pour Claude Guéant,
qui est âgé de 77 ans.
L'ancien ministre de l'Intérieur a décidé de faire appel de
sa condamnation, selon son avocat.
L'ancien conseiller stratégique du chef de l'Etat, Patrick
Buisson, historien venu du Front national qui avait été le grand
artisan de la "droitisation" de sa campagne, a été condamné pour
sa part à deux ans de prison avec sursis pour "détournement de
fonds publics" sur un montant estimé à 1,4 million d'euros. Il
devra aussi s'acquitter de 150.000 euros d'amende.
En piétinant les règles au moment où la France subissait de
graves déficits publics en raison de la crise financière, les
prévenus ont "jeté le discrédit sur la présidence de la
République française", a déclaré le président du tribunal
pendant la lecture du délibéré.
(Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)