La séance boursière de mardi a été marquée par le redressement des places européennes et par le rebond avorté de Wall Street. L'indice S&P 500, le plus suivi de la Bourse de New York, a commencé par gagner 4% avant de finir en baisse de 1,6%. Cette volatilité est typique de la phase d'incertitude actuelle. L'incapacité de Wall Street à rebondir en dit long sur la tension qui règne. C'est la quatrième séance consécutive dans le rouge pour le S&P 500, qui a perdu 12% depuis mercredi dernier, et 19% par rapport à ses records de février.
En Europe, les indices ont temporairement brisé leur série baissière. Le Stoxx Europe 600, qui regroupe les plus grandes sociétés des divers pays du vieux continent, a repris 2,7% et a réduit ses pertes 2025 à 4% (le S&P 500 est à -15%). Il ne faut pas se leurrer pour autant : si l'Europe fait mieux que les Etats-Unis, elle aura du mal à sortir indemne de la tempête déclenchée par la multiplication des droits de douane par l'administration Trump. C'est d'ailleurs ce matin à 6h00 que les surtaxes douanières sont entrées en vigueur. La Chine, qui a décidé d'engager le bras de fer avec les Etats-Unis, écope de 104%, ce qui signifie qu'un produit chinois est grosso modo deux fois plus cher que si les échanges étaient totalement libres. Washington parie que Pékin va devoir plier l'échine compte tenu de son colossal excédent commercial avec les Etats-Unis. Pékin pense que Washington ne tiendra pas la distance en cas de conflit commercial mondial.
Toute une palanquée d'autres surtaxes sont désormais en vigueur entre les Etats-Unis et les autres pays. Des négociations bilatérales doivent démarrer, mais certaines économies font de la résistance, à l'image de la Chine mais aussi de l'UE, qui a prévu de répliquer d'abord et discuter ensuite, dans une sorte de renversement du train-train habituel du vieux continent.
Car le continent européen a un peu cassé son image de loser ces derniers temps, après avoir été malmené par l'Amérique de Trump. Pas au point de constituer un havre de paix pour autant. Mais disons que les signaux sont plus favorables qu'ils ne l'étaient il y a deux mois. Hier, les indicateurs avancés européens ont frémi en hausse, malgré la déconfiture de Wall Street, quand un accord de coalition autour de Friedrich Merz a été annoncé dans les médias allemands. En temps boursiers normaux, il y a des choses plus excitantes que ça. Mais en l'occurrence, ça fonctionne. Et, j'ose l'écrire même si je n'en suis pas totalement persuadé, l'Europe, malgré ses fêlures, apparaît actuellement comme plus sûre que les Etats-Unis pour les investisseurs. Ce qui n'empêchera pas les indices de démarrer en forte baisse ce matin, il ne faut pas exagérer.
C'est d'autant plus marqué qu'un nouveau personnage vient de s'inviter dans le storytelling : le comportement du marché obligataire. Dans un contexte basique, les rendements obligataires américains devraient baisser parce que les investisseurs vendent à tour de bras des actions pour aller se cacher dans des actifs moins risqués, en particulier les bons du trésor US (dont le rendement baisse quand le prix monte, et inversement). Un vaste mouvement d'achat devrait faire reculer les rendements. Or ils explosent à la hausse de façon préoccupante. Le rendement du 10 ans US est passé de 3,86% vendredi dernier au plus bas à 4,46% au plus haut ce matin. Ça n'a l'air de rien comme ça, mais sur le marché obligataire, c'est le signe qu'un truc énorme est en train de se passer. Les spécialistes (dont je ne fais pas partie, alors j'espère que je ne vais pas dire des âneries en vulgarisant) mettent en cause un mécanisme complexe utilisé par certains fonds spéculatifs, appelé le "Treasury basis trade". Il consiste à profiter d’écarts de prix entre des obligations et des contrats financiers liés à ces mêmes obligations, en empruntant massivement pour amplifier les gains. Mais comme ces stratégies reposent sur un très gros effet de levier, elles deviennent dangereuses quand le marché devient instable : si les prix bougent trop vite, ces fonds doivent vendre en urgence, ce qui amplifie les secousses. Ce phénomène inquiète les experts car il rend fragile un marché censé être un pilier solide du système financier mondial. En 2020, ce type de stratégie avait déjà failli provoquer une grave crise, évitée de justesse par une intervention massive de la Réserve fédérale. Parmi les autres facteurs d'explication de l'envolée des rendements, on retrouve aussi le serpent de mer habituel, la désaffection pour la dette américaine, perçue comme moins sûre qu'avant. Une hypothèse soutenue par un épiphénomène, l'accueil ultra-tiède réservé au premier des trois placements de dette du Trésor US cette semaine, et par la vieille rengaine sur le risque de cession massive de bons du trésor par les pays qui en détiennent des armoires entières. Les plus gros détenteurs de dette américaine hors des Etats-Unis sont le Japon (environ 1 000 Mds$ sur 34 000 Mds$) et la Chine (environ 760 Mds$).
Ces remous sur le marché obligataire risquent de faire sortir les banques centrales du bois, parce que les engrenages financiers font qu'ils affectent d'autres économies que celle des Etats-Unis. Au Japon, les autorités financières, dont la Banque du Japon, ont annoncé à 7h00 ce matin la convocation d'une réunion d'urgence à 16h00 (9h00 heure française). Aux Etats-Unis, les regards se tournent une fois de plus vers la Réserve Fédérale. Le "Fed Put", ce fameux plancher subjectif de tension financière présumé entraîner une réaction officielle de soutien de la banque centrale, est déjà sur toutes les lèvres. La probabilité d'une baisse de taux de la Fed lors de la réunion du 7 mai est passée de 10,6% la semaine dernière à 63% ce matin. L'intervention de la banque centrale est l'ultime branche à laquelle se raccrochent généralement les investisseurs. C'est aussi le signe que c'est vraiment la m….
Les remous sur le marché obligataires, qui viennent s'ajouter à ceux sur les actions, font que les investisseurs vont se montrer de plus en plus vigilants avec les zones sombres ou risquées de l'économie. Par exemple, les obligations d'entreprises à haut rendement ou le secteur du private equity (les entreprises non cotées financées par des fonds). Il n'est pas étonnant de constater que les grands spécialistes de ces secteurs soient chahutés : par exemple, le géant de l'investissement américain KKR a perdu 20% en quatre jours et plus du tiers de sa valeur en 2025. Parmi les autres compartiments à surveiller : l'immobilier commercial US (-12% en quatre séances) ou les banques régionales US (-14% en quatre séances).
En Asie Pacifique, les indices ont repris leur chute. Tokyo s'effondre de près de 5% après avoir fortement progressé la veille. Les autres places, qui avaient moins rebondi hier, reculent de façon plus ou moins prononcée, avec des baisses de l'ordre de 0,6% en Inde et de 1,8% en Corée du Sud et en Australie. La Chine continentale limite son repli à quelques points, pendant que Hong Kong cède 2,4%. Les places occidentales sont attendues en vive baisse dans une forte volatilité, avec un indice VIX qui navigue au-dessus de 50 points.
Le CAC40 chute de 3,1% à 6883 points à l'ouverture. Le SMI perd 3,2% à 10 993 points.
Les temps forts économiques du jour
Aucun indicateur majeur n'est programmé aujourd'hui. Les minutes de la dernière réunion de la Fed sont attendues à 20h00 ce soir. Tout l'agenda ici.
Les cotations sont celles du jour autour de 7h00 :
- Euro : 1,1030 USD
- Spread Bund / OAT : 76 points (+2%)
- VIX : 52,3 (+5%)
- Once d'or : 3008 USD
- Brent : 61,03 USD
- 10 ans US : 4,417%
- Bitcoin : 75 500 USD
Les principaux changements de recommandations
- Airtel Africa : JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 143,800 GBX à 162,500 GBX.
- Amundi : Morgan Stanley reste à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 76,60 EUR à 65,90 EUR.
- Arkema : Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 100 à 92 EUR. Redburn Atlantic maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 125 à 100 EUR.
- Bavarian Nordic : SEB Bank démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 250 DKK.
- BNP Paribas : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 98,90 à 96,30 EUR.
- Bouygues : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 35,10 à 36,80 EUR.
- Bridgepoint Group : Morgan Stanley reste à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 380 GBX à 300 GBX.
- Bureau Veritas : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 31,40 à 30 EUR.
- Covivio : AlphaValue/Baader Europe maintient sa recommandation de vente avec un objectif de cours relevé de 35,60 à 39,90 EUR.
- Deutsche Börse : Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 242 à 259 EUR.
- Diageo : Zacks passe de sous-performance à neutre avec un objectif de cours relevé de 90 à 108 USD.
- EQT : Morgan Stanley déclasse de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 423 SEK à 249 SEK.
- Etteplan : Inderes surperformance passe d'achat à accumuler avec un objectif de cours de 12,50 EUR.
- Fortum : Carnegie Group améliore son conseil de vente à conserver avec un objectif de cours réduit de 13,20 à 12,50 EUR.
- Grenergy Renovables : Barclays passe de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 30 EUR à 50 EUR.
- JCDecaux : Goldman Sachs maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 19 à 18,60 EUR.
- Kering : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 205 EUR. HSBC maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 205 à 180 EUR.
- London Stock Exchange Group : Morgan Stanley maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 13500 GBX à 13000 GBX.
- LVMH : HSBC maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 800 à 700 EUR.
- Man Group : Morgan Stanley déclasse de pondération de marché à sous-pondérer avec un objectif de cours réduit de 244 GBX à 179 GBX.
- Norwegian Air Shuttle : Barclays surpondère de pondération de marché à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 12 NOK à 14 NOK.
- Partners Group Holding : Morgan Stanley reste à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 1493 CHF à 1029 CHF.
- Publicis Groupe : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 116,10 à 99,70 EUR.
- Schroders : Morgan Stanley dégrade de pondération de marché à sous-pondérer avec un objectif de cours réduit de 440 GBX à 280 GBX.
- SGS : JP Morgan maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 103 à 102 CHF.
- STMicroelectronics : TD Cowen maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 22 à 16 EUR.
- Teleperformance : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 95 à 93 EUR.
- TotalEnergies : Zacks maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 67 à 58 USD.
- UBS Group : Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 36 à 35 CHF.
- Wienerberger : Wiener Privatbank SE améliore son conseil de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 29,60 EUR à 33,50 EUR.
- Worldline : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 6,30 à 6,20 EUR.
En France
Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)
- Stellantis a engagé McKinsey pour obtenir des conseils stratégiques sur Maserati et Alfa Romeo, suite aux récentes contre-performances de ces marques et à l'impact potentiel important des droits de douane américains.
- Accor et InterGlobe signent un partenariat en Inde pour historique pour redéfinir l'hôtellerie en Inde
- Sanofi publie de nouvelles données confirment l'efficacité du tolebrutinib contre la sclérose en plaques.
- Technip Energies remporte un contrat de plus d'1 milliard d'euros pour Blue Point Number One ATR, la plus grande infrastructure de production d'ammoniac bas-carbone au monde, aux Etats-Unis (Donaldsonville, en Louisiane).
- Eurofins a procédé à l'annulation de 10,8 millions d'actions auto-détenues, soit environ 5,61% de son capital.
- Valneva débute l'étude pédiatrique de phase 2 de son candidat vaccin contre la shigellose.
- Cafom valide le transfert de ses actions sur Euronext Growth.
- Don't Nod communiquera le 16 avril ses résultats 2024.
- Poxel et Sumitomo Pharma obtiennent une extension de prescription de TWYMEEG aux patients diabétiques de type 2 souffrant d’insuffisance rénale au Japon.
- Geci a résilié son financement dilutif, sous forme d'ORNAN, après n'avoir tiré que 0,25 M€ sur les 10 M€ possibles.
- Les principales publications du jour : Voyageurs du Monde, Implanet, Bluelinea, Fleury Michon, Upergy… Le reste ici.
Dans le vaste monde
Annonces importantes (et moins importantes)
D'Europe
- Continental a confirmé la scission de sa division caoutchouc et plastique ContiTech, pour se recentrer sur les pneus.
- Le groupe Volkswagen a plus que doublé ses livraisons de voitures électriques en Europe au T1 2025, de 74 400 à plus de 150 000.
- Banco Santander n'écarte pas l'idée d'une vente de sa filiale polonaise Santander Bank Polska, selon Bloomberg.
- Rheinmetall confirmé sa confiance dans ses objectifs annuels lors de son appel pré-clôture pour le T1 2025.
- DEME rachète Havfram pour environ 900 millions d'euros.
- Pagegroup ne fournira pas d'indications prospectives compte tenu de l'introduction récente de droits de douane.
- Démission de Joacim Sjöberg, PDG de Castellum.
- La FDA valide une notice actualisée pour Tryvio (aprocitentan) d'Idorsia.
- Meyer Burger obtient une nouvelle prolongation de financement approuvée.
- Peach Property prévoit une augmentation de capital.
- Les principales publications du jour : Oxford Biomedica…
D'Amérique du Nord
- Microsoft détrône Apple et devient la première capitalisation boursière américaine.
- KKR s'apprête à acheter Karo Healthcare pour plus de 2,5 milliards d'euros, selon Bloomberg. KKR qui rachète Assura à 49,4 GBX par action.
- Constellation Energy a défendu son projet d'acquisition de Calpine devant les autorités de régulation mardi aux USA.
- Universal Studios (Comcast) va ouvrir son premier parc à thème européen près de Londres.
- Les principales publications du jour : Constellation Brands, Delta Air Lines…
D'Asie Pacifique et d'ailleurs
- TSMC pourrait se voir infliger une amende d'au moins 1 milliard de dollars à la suite de l'enquête américaine, selon Reuters. Par ailleurs, Donald Trump a dit à TSMC qu'il paierait 100% d'impôts s'il ne construisait pas aux États-Unis.
- Samsung SDI contrainte de réduire de 14% le prix des actions proposées dans le cadre de son augmentation de capital de 2 milliards de wons (1,4 milliard de dollars).
- Le procureur général du Panama enquête sur le contrat portuaire de CK Hutchison.
- Foxconn veut coopérer avec Nissan dans les VE.
- Les principales publications du jour : néant…
Le reste de l'agenda mondial des publications ici.
Lectures
- Les plus grands perdants de la guerre commerciale dans le secteur de la technologie (The Information, en anglais).
- Meta a truqué les tests de son IA Llama 4 (The Verge, en anglais).
- Quand les banques sauvent le gouvernement (Klement on Investing, en anglais).
- Imaginez un "moment Liz Truss", mais à l'échelle mondiale (Bloomberg, en anglais).
- Pourquoi les mémoires d'animaux ont-ils tant de succès en littérature en ce moment ? (The Economist, en anglais).