Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne devaient débattre dans l'après-midi de la mise en place de moyens de financement communs pour la reprise économique à venir, en ciblant en priorité les pays et régions les plus touchées.

La tension montait déjà depuis plusieurs semaines sur le marché monétaire, entre autres en raison d'une demande sans précédent de liquidités.

Les institutions financières et les économies "périphériques" de la zone euro voient monter les risques auxquels ils sont exposés, ce qui nourrit l'inquiétude des investisseurs quant à l'exposition des banques, explique Peter Chatwell, responsable de stratégies taux chez Mizuho.

"Il est logique qu'il y ait des tensions sur les marchés du financement quant il y a de l'incertitude sur les marchés périphériques et sur la possibilité de préserver les niveaux actuels de soutenabilité de la dette après une forte augmentation des dépenses", ajoute-t-il.

"Le risque de voir se matérialiser une crise de la zone euro est toujours présent et la réponse des dirigeants de la zone euro se fait attendre."

Le taux interbancaire Euribor à trois mois, qui représente la moyenne des taux d'intérêt auquel un groupe de banques européennes empruntent des liquidités entre elles, a atteint jeudi -0,16%, son plus haut niveau depuis mai 2016, contre -0,19% mercredi et -0,25% au début du mois.

Sa hausse a creusé l'écart avec le taux de swaps indexé à 24 heures (overnight indexed swap, OIS) à environ 30 points de base, son plus haut niveau depuis août 2012.

Si le taux Euribor est flottant, l'OIS est fixé par les autorités monétaires; un creusement de l'écart entre les deux traduit donc une augmentation de la tension sur le marché interbancaire.

Pour Antoine Bouvet, stratège taux senior d'ING, cette évolution résulte de "la fragmentation entre les pays périphériques et ceux du coeur" de la zone euro.

"Les contreparties demandent une compensation plus élevée pour prêter à des banques du sud de l'Europe", explique-t-il.

Si le choix annoncé mercredi par la Banque centrale européenne (BCE) d'accepter désormais comme collatéral des titres dont la notation a été dégradée en catégorie spéculative ("junk") depuis le début de la crise du coronavirus peut contribuer à une stabilisation des taux interbancaires, certains analystes restent prudents.

Christoph Rieger, responsable de la recherche taux et crédit de Commerzbank, rappelle ainsi que la BCE avait déjà assoupli ses règles en matière de collatéraux applicables aux banques le 7 avril afin de leur faciliter l'accès aux liquidités.

"Le fait qu'il y ait eu deux annonces de la BCE sur les collatéraux en quelques semaines souligne que quelque chose ne va pas", estime-t-il.

(Dhara Ranasinghe, avec Sujata Rao et Saikat Chatterjee, version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot)