Paris pousse en faveur d'une plus grande souplesse sur la question des déficits au sein de la zone euro afin de relancer une croissance atone. Le ministre français des Finances Michel Sapin a annoncé cette semaine que le déficit public avait augmenté en 2014 et que l'objectif de le ramener à 3% du PIB était repoussé à 2017.

La nouvelle trajectoire annoncée par la France, qui a déjà obtenu deux reports pour redresser ses comptes, en 2007 et 2013, n'est pas conforme à ses engagements, a réagi la Commission européenne.

"Les 4,4% de déficit, c'est un problème sérieux, c'est un problème qu'il faut traiter, c'est un problème qu'il m'appartiendra aussi d'examiner", a déclaré samedi Pierre Moscovici sur BFM Business.

Dans le cadre des discussions avec la France, "il faut partir de données objectives", a-t-il ajouté. "Par exemple, Michel Sapin évoque des circonstances exceptionnelles, le rôle de la Commission, c'est de voir si, au regard de nos règles, ces circonstances sont réellement exceptionnelles ou pas."

Pierre Moscovici, prédécesseur de Michel Sapin aux Finances en France, sera sous surveillance à Bruxelles, où il sera le représentant d'un pays jugé peu crédible dans sa lutte contre les déficits.

Il a déjà indiqué qu'il ne donnerait aucune dérogation à Paris sur le respect des règles de redressement de ses finances publiques, tout en précisant qu'il examinerait les efforts entrepris, les économies réalisées et les réformes menées.

"Quand on devient commissaire européen, on reste quelqu'un qui a sa nationalité (...) en même temps, on devient quelqu'un qui défend l'intérêt général européen", a-t-il répété samedi, estimant qu'il lui faudrait "naviguer" entre deux écueils, celui de "l'indulgence excessive" et celui de "l'approche purement punitive".

"UNE ÉPREUVE AU BON SENS DU TERME"

Interrogé sur ce qui allait concrètement changer avec la nomination d'un socialiste français en remplacement du libéral Olli Rehn au poste de commissaire aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici a répondu : "Je ne peux pas vous le dire, là, maintenant, mais je peux vous dire une chose, vous le verrez."

Il a notamment indiqué qu'il souhaitait consacrer du temps à "faire la pédagogie de l'Europe" dans son pays.

Comme tous les autres commissaires, Pierre Moscovici va maintenant subir une audition devant la commission du Parlement européen chargée de son dossier, qui donnera son avis sur ses compétences et son engagement européen.

Cet avis des commissions parlementaires n'est que consultatif mais, par le passé, plusieurs candidats ont dû être remplacés, les députés européens disposant de facto d'un droit de veto puisqu'ils doivent accorder leur confiance à la Commission tout entière lors d'un vote d'investiture.

"Je m'attends à une épreuve, au bon sens du terme", a dit samedi Pierre Moscovici sur BFM Business. "Je veux la réussir, et je veux la réussir bien, je ne veux pas passer ras."

Pour lui, le nouvel exécutif européen a un "rôle historique" à jouer.

"Si cette Commission ne réussit pas à donner de la dynamique économique, à créer de la croissance et de l'emploi (...) à ne pas se contenter du sérieux budgétaire, indispensable mais pas suffisant, alors à ce moment-là, dans cinq ans, ça sera la fin du projet européen", a-t-il estimé.

Invoquant la faible croissance et une inflation au plus bas, Michel Sapin a indiqué que le déficit public français atteindrait 4,4% du PIB fin 2014, au lieu de 3,8% prévu auparavant, soit plus que les 4,1% de 2013, selon la dernière révision par l'Insee.

Le dérapage serait ainsi de plus de 6 milliards d'euros cette année et de plus de 25 milliards en 2015, année où le déficit serait à peine réduit à 4,3%, au lieu des 3% promis auparavant. Il reviendrait sous cette barre fin 2017.

(Chine Labbé)