Alors que certains s'inquiètent d'une possible bulle spéculative qu'un durcissement plus rapide que prévu de la politique monétaire de la Fed pourrait faire exploser, Géraldine Sundstrom, Managing Director et gestionnaire de portefeuilles chez Pimco, fait preuve de pragmatisme. Selon elle, les actions soutenues par les tendances séculaires ont encore du potentiel et la Fed continuera de s'employer à ne pas surprendre les marchés.

Les marchés actions ne sont-ils pas trop valorisés ?

Les marchés actions se sont fortement appréciés ces derniers mois grâce aux stimulus monétaires et budgétaires et à l'amélioration de la situation sanitaire. Cependant, chez Pimco, nous écartons le risque d'une bulle spéculative. Selon nous, les marchés sont globalement en milieu de cycle et leurs valorisations ne sont pas choquantes par rapport aux faibles niveaux des taux d'intérêt. Néanmoins, la valorisation " fair " des marchés nous incite à être particulièrement sélectifs.

Quels secteurs privilégiez-vous ?

Nous apprécions les thèmes soutenus par des forces séculaires, comme ceux liés au climat et au digital. A cet égard, nous croyons beaucoup à l'écosystème de la mobilité propre, qui intègre les batteries électriques, les puces électroniques, la conduite autonome, etc. De même, nous favorisons la robotique ou l'automatisation mais aussi la filière bois et bio-plastiques ou encore certaines matières premières comme le cuivre.

Nous apprécions les sociétés qui sont protégées par de solides barrières à l'entrée et qui jouissent d'un important " pricing power ", ce qui est le cas par exemple des semi-conducteurs et du bois.

À contrario, nous sommes vigilants face aux valeurs qui ont le plus profité de la reprise économique, mais dont les perspectives sont incertaines à plus long terme.

Le secteur pétrolier par exemple a surperformé depuis le début de l'année, mais son avenir suscite légitiment l'inquiétude. Chaque année, les compagnies sont contraintes de déprécier la valeur des actifs tout en investissant des sommes colossales pour réussir leur transition énergétique. Or, rien ne dit que ces majors réussissent leur révolution verte et certaines pourraient gaspiller des milliards en pure perte.

Autre exemple, ces dernières semaines, les valeurs de loisirs ont bénéficié à plein de la réouverture des économies. Pour autant, elles ne peuvent connaître structurellement un taux de croissance aussi élevé sur le long terme. Le temps de loisirs des ménages, comme leur pouvoir d'achat, n'est pas infini.

L'accélération de l'inflation aux Etats-Unis pourrait-elle contraindre la Fed à modifier sa stratégie plus rapidement que prévu ?

Une partie de la hausse des prix observée ces dernières semaines s'explique par des goulots d'étranglement aux niveaux des chaines d'approvisionnement et des effets de base. Ces facteurs vont s'estomper et l'inflation globale devrait revenir à un niveau plus conforme à l'objectif de la Fed dès l'an prochain. En revanche, la demande va rester élevée pour certains biens et services, notamment ceux liés directement ou indirectement au climat et au digital.

A date, la priorité de la Fed est de maitriser les anticipations inflationnistes sans freiner la reprise ni surtout surprendre défavorablement les marchés. La politique monétaire de la Fed est une chronique très annoncée. Je conseille aux investisseurs qui souhaitent se protéger de l'inflation d'investir dans des secteurs soutenus par des tendances séculaires et de ne pas négliger les obligations indexées sur l'inflation.

Propos recueillis par Pierre-Jean Lepagnot