Les marchés boursiers ont fait un second pas en arrière en ouverture du mois de juin, mais comme il avaient fait plusieurs grands pas en avant sur les dernières séances, le bilan récent est plutôt favorable. Hier aux Etats-Unis, les indices ont démarré en hausse mais ils ont clôturé dans le rouge après une statistique manufacturière… plus élevée que prévu. C'est le fameux paradoxe dont je parlais en début de semaine : si l'économie continue à tourner fort, la Fed devra se montrer agressive sur ses hausses de taux, ce qui réduira la quantité de liquidités disponibles, ce qui déplaît aux financiers. Le Nasdaq et le S&P 500 ont perdu un peu plus de 0,7% et le Dow Jones a clôturé en baisse de 0,54%. Plus tôt en Europe, le rouge dominait aussi à la fin de la séance avec un -1,04% pour le STOXX Europe 600. Le delta entre les deux côtés de l'Atlantique s'explique par la hausse du secteur pétrolier à Wall Street, alors que ses représentants ont moins bien tenu sur le vieux continent.

Les forces en présence dans l'épreuve du tir à la corde sont toujours les mêmes : l'équipe rouge se compose du ralentissement économique, de l'inflation, des pénuries, des tensions géopolitiques, de la Chine, du risque de grosse bourde des banques centrales et plus généralement du climat anxiogène. L'équipe bleue compte sur des profits d'entreprises encore élevés, un atterrissage économique en douceur, des valorisations moins démentes, l'incapacité des banques centrales à rester méchantes très longtemps, la Chine et plus généralement sur un miracle qui recréerait les conditions boursières bénies des années 2011/2021. Vous avez probablement remarqué que la Chine tire des deux côtés. C'est parce qu'elle a l'air un peu bipolaire en ce moment. Mais trêve de tir à la corde, changeons un peu de sujet ce matin.

Si vous êtes un tant soit peu habitué à vous perdre dans les méandres de la ligne éditoriale de Zonebourse, vous savez que l'investissement ESG nous intéresse autant qu'il nous perturbe. Pour le dire autrement, je crois que nous avons une seule certitude. Enfin j'ai une seule certitude, il ne faudrait pas embarquer tous mes petit(e)s camarades là-dedans : l'industrie financière se préoccupe beaucoup plus de la façon dont elle parle d'ESG que de savoir si elle fait vraiment avancer la cause environnementale, sociale et de gouvernance. Je généralise à dessein : il y a une minorité de gens qui fait du bon boulot pendant que la majorité essaie d'expliquer pourquoi elle fait du bon boulot.

Les choses ont enfin l'air de bouger depuis quelques semaines. Les régulateurs ont commencé à envoyer leurs limiers fouiller les poubelles des services de com' des intermédiaires financiers. Pas pour vérifier qu'ils trient bien leur carton et leur verre, mais plutôt pour récupérer les gros pots de peinture verte vides qui ont servi à fourguer à une Tata Jeanine pleine de bonnes intentions le dernier produit qui sauvera la planète, nourrira les plus démunis, assainira les océans et lui garantira un retour d'affection. Voire les quatre en même temps pour de modiques frais de gestion de 1,99% si-vous-souscrivez-immédiatement-ma-bonne-dame-signez-ici-siouplaît. Après tout, que sont ces 2% face à la promesse de sauver le monde ? Rien du tout.

Le truc, c'est que les promesses sont trop belles pour être vraies et qu'il n'y a rien du tout non plus derrière la devanture. Les autorités ont commencé à mettre leur nez dans l'envers du décor. Il était temps. La puissante SEC américaine serait proche de sortir ses griffes. En Allemagne, la société de gestion DWS a été perquisitionnée cette semaine dans le cadre d'une enquête pour greenwashing, qui a déjà coûté la tête de son patron. Il y a quelques jours, l'excellent Tom Braithwaite proposait dans le Financial Times de créer un "Bullshit Index". On pourrait traduire ça par "Index du Pipeautage" en français, même si le terme anglosaxon claque comme d'habitude un peu mieux. Personnellement, je rangerai bien dans cet indice les passages exaltés des rapports annuels dans lesquels les entreprises bénissent leur utilisation des énergies vertes à grands renforts de photos d'éoliennes éclatantes dans des champs saturés de couleurs vives. Ça ferait le job pour la partie environnementale. Pour la dimension sociale, on pourrait dégainer n'importe lequel des communiqués de contrition récents d'Orpea après les révélations de Victor Castanet. En ce qui concerne la gouvernance, je crois qu'il faut s'inspirer du Crédit Suisse pour l'ensemble de son œuvre récente.

Braithwaite pense qu'on peut vendre à découvert son "Bullshit Index". Ainsi les investisseurs qui estiment que le baratin sert au mieux à masquer le manque d'idées, au pire à escroquer à grande échelle auront un produit financier à attaquer. Mais certains pourraient au contraire pousser le cynisme à fond en soutenant l'indice, puisqu'au final, le pipeautage se contente de suivre la mode qui rend la forme hautement plus importante que le fond. C'est ce qui marche le mieux depuis des années. Elon Musk manipule les cours comme un vulgaire forumeur du début des années 2000 ? C'est la faute de la SEC, qui n'a rien compris, et de ses opposants politiques, qui sont moins crédibles que des milliardaires. 100 points de bullshit. Cathie Wood promettait l'année dernière 15% annuel à ses actionnaires ? Après -55% cette année, elle surenchérit en leur promettant 50% au lieu de 15%. 200 points de Bullshit. La blockchain va sauver le monde dans les années à venir, mais les cryptomonnaies sucent tellement d'énergie que le minage du seul Bitcoin consomme chaque année autant d'énergie que l'Argentine (dont la quasi-totalité à perte). 300 points de bullshit. La liste est longue et il serait probablement temps de faire le ménage dans tout ce foutoire, même si les régulateurs ont toujours l'air d'avoir un (ou deux) temps de retard.

Je referme cette grosse parenthèse pour ajouter que la Russie éprouverait quelques difficultés à honorer ses dettes, selon le consortium de créanciers qui surveille les paiements du pays. Pendant ce temps en Chine, Pékin exhorte les banques à venir en aide aux promoteurs exsangues pour stabiliser le marché immobilier. Plus près de nous, la Croatie deviendra le 20e pays à utiliser l'euro à compter du 1er janvier prochain et le Royaume-Uni se met au garde-à-vous pour les 70 ans de règne d'Elizabeth II. La Bourse de Londres ne rouvrira que lundi. Enfin, l'OPEP+ doit décider si elle compense la baisse de la production Russe, l'occasion pour l'Arabie Saoudite de se positionner par rapport aux pressions exercées par le bloc occidental pour faire baisser les prix.

Le CAC40 gagne 0,43% à l'ouverture, à 6443 points.

Les temps forts économiques du jour

Grosses journée "macro" aux Etats-Unis avec l'étude Challenger sur les licenciements (13h30), puis l'étude ADP sur l'emploi (14h15) et mes nouvelles demandes d'allocations chômage hebdomadaires (14h30), les commandes industrielles (17h00) et les stocks pétroliers hebdomadaires. Tout l'agenda macro ici.

L'euro recule à 1,0656 USD. L'once d'or reprend un peu de terrain à 1845 USD. Le pétrole s'est calmé avec un Brent de Mer du Nord à 114,24 USD le baril et un brut léger américain WTI à 113 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans remonte à 2,91%. Le bitcoin a rechuté sous la marque des 30 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Alstom : Goldman Sachs reste neutre avec un objectif relevé de 21 à 22 EUR.
  • BigBen : In Extenso reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 17,65 à 19,05 EUR.
  • Cewe : Baader Helvea reste à accumuler avec un objectif de cours réduit de 126 à 100 EUR.
  • Comet : UBS reste à l'achat avec un objectif réduit de 379 à 346 CHF.
  • Straumann : Julius Bär reste à conserver avec un objectif réduit de 160 à 140 CHF.
  • Uniti : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 3,46 à 3 EUR.
  • VAT Group : UBS reste à l'achat avec un objectif réduit de 420 à 380 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Saint-Gobain s'attend à un résultat d'exploitation record au 1er
  • Renault et Managem Group signent un accord pour l'approvisionnement en cobalt marocain.
  • Eurofins se renforce en Arabie Saoudite.
  • Rémy Cointreau réitère sa confiance pour 2022/2023 après des résultats records.
  • Elis signe un nouveau financement au format USPP de maturité 10 ans pour 175 M$.
  • Alain Dinin a acquis 340 000 titres (0,6%) de Nexity auprès de New Port (société des cadres de Nexity) pour qu'elle se désendette.
  • Une 5e génération aux commandes d'Hexaom.
  • Projet de transfert de la cotation des titres Egide sur le marché Euronext Growth à Paris.
  • Lhyfe va développer un écosystème local d'hydrogène vert renouvelable dans une commune allemande.
  • Intrasense signe un partenariat stratégique avec Nurea.
  • Adomos lève 2,3 M€ par émission d'ABSA.
  • Visiomed tient ses délais aux EAU.
  • Saint-Gobain et Neurones tiennent leur assemblée générale.
  • Catana a publié ses comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Hewlett Packard Enterprise a réduit ses prévisions de bénéfice pour 2022, le titre chute de 7% hors séance.
  • AIB Group va payer 5,4 Mds€ à NatWest pour son portefeuille d'hypothèques à remboursement différé en Irlande.
  • Sheryl Sandberg quitte ses fonctions de directrice de l'exploitation de Meta Platforms après 14 ans d'activité.
  • General Motors va électrifier entièrement sa gamme de véhicules Buick d'ici 2030.
  • Toshiba a reçu dix manifestation d'intérêt dans le cadre de sa revue stratégique.
  • Un groupe d'investisseurs étrangers étudie la possibilité d'un rachat de la compagnie aérienne scandinave SAS AB, selon Dagens Industri.
  • Elon Musk lance un ultimatum à ses cadres chez Tesla pour qu'ils reviennent travailler en présentiel.
  • Moody's a relevé la note de dette à long terme d'Holcim à "Baa1", contre "Baa2".
  • Novartis reprend ses activités en Ukraine.
  • Temenos signe un contrat avec la banque vietnamienne MSB.
  • Roche signe un accord de licence avec Repare Therapeutics.
  • Mowi, Deutsche Wohnen, D'Ieteren et Bechtle tiennent leurs assemblées générales.
  • Principales publications du jour : Costco, Meituan, Fast Retailing, Lululemon, Rémy CointreauTout l'agenda ici.

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