Alors que le compartiment des petites et moyennes valeurs sous-performe les grandes à Paris, tout en connaissant un renouvellement important à travers les sorties et entrées de cote, nous avons demandé aux spécialistes de la société de Bourse Portzamparc BNP Paribas de faire le point sur la classe d’actifs et de nous faire part de leurs convictions pour le 2e semestre 2021…

Comment expliquez-vous la sous-performance des PME cotées ?

" Il est vrai que le regain d’intérêt de la fin 2020 a tourné court, alors qu’historiquement les phases de reprise du cycle économique sont favorables aux valeurs moyennes. Mais le cycle économique haussier n’en est qu’à ses débuts. En attendant, parmi les éléments d’explication de cette surperformance du CAC 40, la composition de ce dernier n’est pas neutre : les valeurs du luxe/beauté, qui pèsent près du quart de l’indice, ont gagné autour de 30% depuis le début de l’année. A contrario, certains poids lourds de l’indice Mid&Small ont connu une performance à un chiffre. Autre élément d’explication : l’engouement persistant pour la gestion passive, qui exclut les petites capitalisations par manque de liquidité, à comparer au faible intérêt des investisseurs pour les fonds qui sélectionnent les petites capitalisations, et ce depuis maintenant 3 ans alors que leurs performances sont tout à fait correctes dans l’ensemble. "

Les poids lourds des indices, une des explications à la sous-performance de l’indice Mid&Small (source : Portzamparc, données au 29 juin)

Les IPO se multiplient en ce début d’année…Cela va-t-il se prolonger jusqu’à la fin de l’année ? Y a-t-il un risque d’excès compte tenu de la faiblesse de la collecte sur les fonds small caps ?

 " Ce phénomène de retour des IPO était attendu voire espéré depuis plusieurs années mais tardait à se concrétiser, puis la crise sanitaire est venue geler un certain nombre d’opérations. Il s’agit donc en partie d’un phénomène de rattrapage dans le cadre de processus marqués par une certaine inertie. La crise sanitaire et la perspective d’une forte reprise économique ont également pu accélérer les réflexions stratégiques des entrepreneurs, poussant certains à franchir la cap de la Bourse. L’accumulation d’opérations au mois de juin a effectivement été compliquée à absorber par le marché, ce qui encourage la sélectivité. Parmi les thèmes phares, on retrouve les secteurs comme la technologie et la transition énergétique, alors que la santé et les SPAC font l’objet d’un intérêt plus récent. Chez Portzamparc, nous avons accompagné 6 IPO depuis septembre (Alchimie, Ecomiam, Pherecydes, Largo, HRS et HDF) dont 5 affichent une performance positive. La dynamique d’introduction en Bourse continue de manière moins dense en ce mois de juillet, et devrait ensuite reprendre à la rentrée. Cela permet de renouveler la cote car les offres publiques, avec ou sans retrait de cote, restent nombreuses avec des conditions favorables qui se maintiennent : loi Pacte, conditions financières, valorisation raisonnable comparé au non coté, etc. A noter que les primes des dernières opérations ont été plutôt généreuses. Les montants dégagés sur ces opérations peuvent ainsi être replacés sur de nouveaux titres… "

Récapitulatif des dernières IPO (source : Portzamparc au 29/6/21)

Que pensez-vous des niveaux de valorisation actuels de la classe d’actifs ?

 " La hausse des valorisations s’est accompagnée de fortes remontées des prévisions bénéficiaires dans les prochains semestres. Le consensus attend respectivement +35% et +20% en termes de variations médianes des BPA 2021 et 2022. La visibilité est satisfaisante et les révisions d’estimations se font plutôt en hausse, ce qui est caractéristique des phases de reprise et laisse encore de la place aux bonnes surprises. Nous ne sommes donc pas inquiets et raisonnons au cas par cas, considérant qu’il est difficile de porter un jugement sur la valorisation d’une classe d’actifs qui recoupe des situations tellement diverses, ne serait-ce qu’au sein d’un même secteur comme les jeux vidéo où, par exemple, un Don't Nod est difficilement comparable à un Ubisoft. Maintenant, nous pouvons encore déceler du potentiel si l’on regarde les PER médians de 13.9x les résultats nets de 2022e tant que les prévisions à 12 mois ne sont pas remises en question. "

Quelles valeurs pourraient, selon vous, doubler dans les 12 mois ?

 " Nous venons de publier la liste de nos 7 plus fortes convictions pour la 2e partie de l’année. Nous avons retenu : Claranova, Fountaine Pajot, SPIE, SII, Aures Techno, Reworld Media, Pharmagest. Nous avons des cibles intermédiaires moins ambitieuses mais celles qui ont le plus de chance de doubler sont probablement Aures Technologies, Reworld Media et Claranova. "

Claranova et Reworld Media semblent faire partie des mal aimées de la cote, avec des ratios de valorisation qui restent modestes car le bon accueil de leur publications respectives a tendance à tourner court. Y a-t-il des raisons objectives et des risques exagérés ?

" Sur Claranova, la division IOT a suscité beaucoup d’enthousiasme historiquement. Mais cette activité peine à décoller et pèse marginalement dans notre valorisation par parties, de sorte qu’un succès serait la cerise sur le gâteau. Nous pensons que les investisseurs achoppent sur la diversité des activités sans synergies au sein du Groupe, sur l’absence d’actionnaire de référence, et sur la complexité capitalistique avec des minoritaires dans certaines filiales et des risques de dilution qui nous paraissent exagérés. En attendant que d’éventuelles opérations financières viennent réduire ces facteurs de décote, notre calcul d’actif net réévalué fait ressortir une nette sous-valorisation pour un groupe qui affiche plus de 20% de croissance organique annuelle et des marges en constante progression.

Concernant Reworld Media, le positionnement sur la presse peut faire peur, même si le groupe parvient à consolider les résultats de l’activité historique et à valoriser les marques au travers de ses activités digitales et évènementielles. Le titre a souffert d’articles de presse sur ses méthodes de la part d’ex-collaborateurs qui ont su utiliser leur pouvoir de nuisance. Le phénomène devrait maintenant s’atténuer, de même que le risque, connexe, de restrictions du conditionnement des taxes réduites à la presse qui ne concernerait en fait que la presse d’information politiques et générales (IPG). L’année 2021 s’annonce très bonne à la suite de la hausse de 25% de l’audience digitale en 2020 et de la reprise des budgets publicitaires. Sur la base d’un consensus prudent, Reworld mérite beaucoup mieux que les 5.5x l’EBIT attendu cette année. "

Allez-vous reprendre la couverture du titre Solutions 30, dont le cours s’emballe depuis la tenue de l’AG ? 

 " Nous allons continuer de la suivre de près, en commentant la situation de façon très factuelle, mais sans émettre de recommandation. La validation des comptes a en effet servi de catalyseur mais elle ne lève pas les doutes et faute de comptes certifiés, par principe nous nous abstiendrons de donner un objectif de cours. Nous pourrons l’envisager une fois les futurs comptes certifiés par le nouvel auditeur."

Performance absolue du 9/12/20 au 30/6/2021 de la liste convictions du 1er semestre 2021 (source : Portzamparc)