Alors que les investisseurs regardent de plus en plus du côté des petites valeurs et des sociétés mal valorisées au sortir de la crise sanitaire, nous avons demandé aux analystes de Portzamparc BNP Paribas de faire le point sur la classe d’actifs et de nous faire part de leurs convictions pour 2021. Entretien.

Quelle fin d’année 2020 pour les petites et moyennes capitalisations ! Les investisseurs sont-ils déconnectés de la réalité du terrain ?

"Au-delà des perturbations de court terme qui vont vraisemblablement se prolonger quelques mois, les marchés et l’économie finiront par se rejoindre. Les contacts que nous avons avec les dirigeants indiquent qu’ils ont très bien négocié ce confinement de fin d’année. Ils se montrent par ailleurs optimistes pour les prochains mois et encore plus pour les prochaines années. Au fond, les marchés anticipent déjà au-delà de 2021. En ce qui concerne les niveaux de valorisation, le maintien de taux d’intérêt bas par les banques centrales a mécaniquement un effet sur les multiples de valorisation des sociétés et des sociétés de croissance en particulier."

Les attentes de rebond de BPA sont de quel ordre pour 2021 pour les petites et moyennes valeurs ?

"Le consensus, peut-être un peu optimiste alors que le premier semestre 2021 devrait rester contraint par des barrières sanitaires, prévoit à date un rebond de 31% des bénéfices par action en 2021 pour les sociétés du CAC Mid&Small. Au-delà de la reprise d’après crise sanitaire, on pourra à coup sûr compter, pour les sociétés françaises en particulier, sur une baisse de la fiscalité : baisse des taux d’IS en 2021 et 2022 et baisse de la CVAE, qui sera divisée par 2 en 2021."

Surperformance

2021 confirmera-t-elle le regain d’intérêt actuel pour les plus petites capitalisations ?

"Nous sommes plutôt optimistes car la classe d’actifs nous semble plutôt moins chère compte tenu de la dynamique de profits plus soutenue, notamment par l’adoucissement de la fiscalité que nous évoquions plus haut. Par ailleurs, deux indicateurs techniques devraient venir en soutien : le retour, encore timide certes, de la collecte, et la hausse des volumes échangés. Ce sont des marques de regain d’intérêt intéressantes après deux ans de sous performance entre la fin 2018 et la mi-2020."

La liste des offres publiques recensées en 2020 est longue (source : Portzamparc BNP Paribas)

La liste des offres publiques recensées en 2020 est longue (source : Portzamparc BNP Paribas)

2021 :  OPA ou IPO ?

"Les deux ! Sur les OPA, les effets de la loi Pacte (NDLR : le seuil permettant un retrait obligatoire de la cote a été abaissé de 95% à 90%) et la quantité d’argent à investir du côté des fonds devraient continuer de favoriser les opérations, souvent en partenariat avec les managers des sociétés cotées. Quant aux IPO, après une année 2020 atone, nous devrions observer un retour à la normale avec des opérations dès le début 2021. De nombreux projets d’introduction ont été lancés ou relancés avec la perspective d’une sortie de crise, avec une relative variété des secteurs d’appartenance des candidats à l’entrée en Bourse : technologie, énergie, santé (medtech et biotech). A noter qu’Euronext Growth, plus adapté aux sociétés de taille modeste car moins encadré par une réglementation croissante, devrait être privilégié, comme en 2020. Même si ce n’est pas obligatoire sur ce segment, nous encourageons les dirigeants à être transparents en matière de rémunération et de performances extra-financière, sujets sur lesquels les investisseurs sont de plus en plus regardants."

Plus courte est la liste des introductions en Bourse recensées en 2020 (Performances au 15/12/2020 - source : Portzamparc BNP Paribas)

Plus courte est la liste des introductions en Bourse recensées en 2020 (Performances au 15/12/2020 - source : Portzamparc BNP Paribas)

Quelles valeurs pourraient, selon vous, doubler en 2021 ?

"Doubler, cela sera difficile… mais nous avons il y a quelques jours remanié notre liste de convictions à l’achat en mettant en avant Haulotte, Hexaôm, Lacroix, Linedata, Reworld, Vilmorin, Rubis et Wavestone. Nous vous avions parlé de ces deux dernières valeurs lors de notre entretien en mai dernier. Elles ont traversé la crise sans trop de dommages et leur valorisation a injustement baissé. Sur Rubis, la crise aura in fine peu d’effets significatifs sur les résultats et nous attendons même une bonne surprise à l’occasion de la publication des annuels. Par ailleurs, des dossiers d’acquisitions devraient se concrétiser. Enfin, la société fait des efforts en matière de gouvernance en alignant ses intérêts avec ceux des actionnaires via un changement du mode de rémunération des dirigeants qui a pu être excessif dans le passé (jusqu’à 10% du résultat net) à travers l’instauration d’un high-water mark. De plus, un programme de rachat d’actions pouvant aller jusqu’à 250 M€ vient d’être voté en AG, avec une mise en place très prochainement. Tous ces éléments font que la décote actuelle de 30% de l’action Rubis par rapport à ses ratios historiques n’est pas justifiée. Sur Wavestone, 3 leviers de revalorisation devraient s’actionner au cours des prochains trimestres : le retour de la croissance organique tout d’abord. Le relance de la croissance interne peut s’appuyer sur la confirmation d’une dynamique commerciale de mieux en mieux orientée et sur une capacité de recrutement intacte. Ensuite, la société a encore une importante capacité d’amélioration de son taux d’activité et donc de sa marge opérationnelle. Enfin, une reprise des acquisitions, aux Etats-Unis notamment, est dans les tuyaux."

Peu consensuel, vous êtes également passés à l’achat sur le fabricant de nacelles élévatrices Haulotte ?

"Il est vrai que la plupart des analystes sont restés négatifs sur le dossier. Prudents depuis quelques temps (Vente depuis octobre 2019, Conserver depuis mars 2020), nous sommes passés à l’achat avec un objectif de 7€. Ce qui a changé depuis peu, c’est le message positif des grands loueurs qui comptent investir massivement en 2021 après un coup d’arrêt en 2020. Au-delà de la reprise conjoncturelle, ces investissements sont rendus nécessaires par le besoin de remplacement de flottes matures. Le cycle d’utilisation des machines dure 8 ans et nous sommes probablement au début d’une vague de renouvellement. De plus, Haulotte pourra s’appuyer sur une nouvelle usine en Chine pour répondre directement aux besoins locaux. Les capacités de production vont se remplir et l’effet de levier opérationnel jouera à plein à partir de 2022. A 0,7x CA et 0,7x les fonds propres, la valorisation est sur ses bas de cycle."

Pour finir, un mot sur "l’affaire" Solutions 30 ?

"En tant qu’analyste externe, nous n’avons pas accès aux informations suffisantes pour vérifier les allégations contre la société, ce qui demandera un audit. Autant certains éléments sont peu crédibles, autant certains points, notamment ceux repris par Muddy Waters dans ses lettres, posent question. La gravité des accusations, même si elles sont infondées, ne pouvait qu’impacter le titre alors qu’il venait de franchir de nouveaux records et que la valorisation devenait tendue. On peut également se demander pourquoi Muddy Waters n’a pas pris une position vendeuse plus importante s’il est convaincu qu’il y a une fraude... Nous nous gardons de prendre position tant que la lumière ne sera pas complètement faite sur cette affaire."

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