(Actualisé avec les déclarations de James Clapper)

par Dustin Volz et Patricia Zengerle

WASHINGTON, 5 janvier (Reuters) - Le Directeur du renseignement national américain, James Clapper, a exprimé jeudi sa certitude que la Russie avait lancé une cyberattaque contre le Parti démocrate pendant la campagne pour l'élection présidentielle du 8 novembre dernier, en dépit du scepticisme affiché par Donald Trump.

"Notre évaluation est aujourd'hui encore plus inébranlable qu'elle ne l'était" le 7 octobre quand le gouvernement a pour la première fois accusé publiquement la Russie, a déclaré James Clapper devant la Commission des forces armées du Sénat.

Donald Trump ayant dit douter de l'ingérence russe, les responsables américains du renseignement doivent faire un point sur la question vendredi pour le futur président, qui doit entrer en fonction le 20 janvier.

Dans son témoignage devant les sénateurs, James Clapper a souligné que Moscou avait "une longue histoire d'ingérence dans les élections", en Russie-même et dans d'autres pays, mais que les Etats-Unis n'avaient jamais rencontré une intervention aussi forte que celle détectée en 2016.

"Je ne pense pas que nous ayons jamais rencontré une campagne plus agressive ou directe pour s'ingérer dans notre processus électoral (...)", a dit James Clapper.

Il n'est pas allé jusqu'à qualifier l'intervention prêtée à la Russie d'"acte de guerre", en expliquant qu'une telle initiative ne relevait pas de ses fonctions.

Dans un rapport préparatoire à ce témoignage et remis jeudi au président sortant Barack Obama, James Clapper, et deux autres responsables de la communauté du renseignement américain, Marcel Lettre, sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement, et l'amiral Michael Rogers, directeur de l'Agence nationale de sécurité (NSA), déclarent que la Russie constitue une menace majeure en raison de "son programme d'attaque informatique hautement perfectionné".

"La Russie est un acteur cybernétique à part entière qui pose une menace majeure pour le gouvernement, l'armée, la diplomatie et les infrastructures commerciales et stratégiques américaines", disent-ils dans ce document.

Fin 2016, plus de 30 pays avaient en développement des systèmes de cyberattaque, a déclaré James Clapper.

UN GAMIN DE 14 ANS

Cette question de la menace que représente la Russie dans le domaine informatique s'est installée au centre du débat politique aux Etats-Unis depuis le piratage des serveurs du Comité national du Parti démocrate (DNC) lors de la campagne présidentielle américaine.

Dans un premier rapport en décembre, la CIA estimait que des pirates informatiques proches des services de sécurité russes étaient responsables de ces intrusions et avaient eu notamment accès à la messagerie électronique de John Podesta, le président de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton.

Ces attaques informatiques étaient, selon la CIA, destinées à diffuser ensuite à la presse, via le site WikiLeaks, des informations embarrassantes pour la candidate démocrate et favoriser ainsi son adversaire républicain Donald Trump.

Ces évaluations de l'agence centrale du renseignement ont ensuite été corroborées par d'autres rapports d'organismes fédéraux, dont le FBI.

Face à cette ingérence, Barack Obama a pris des mesures de rétorsion, ordonnant notamment fin décembre l'expulsion de 35 diplomates russes en poste aux Etats-Unis.

Cette décision, a expliqué James Clapper, reflétait "une position de consensus entre les agences" fédérales américaines. Le patron du renseignement américain a par ailleurs estimé que le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, avait mis en danger la vie de ressortissants américains.

L'audition de James Clapper devant la Commission des forces armées était organisée à l'initiative de son président, le républicain John McCain, qui a précisé ne pas chercher à remettre en cause le résultat de l'élection présidentielle.

Dans une bordée de messages sur son compte Twitter mercredi, le président élu a de nouveau contesté l'implication de la Russie dans ces "fuites", tout en accusant le Parti démocrate de négligence quant aux protocoles de sécurité de ses serveurs.

"Julian Assange dit qu'un gamin de 14 ans aurait pu pirater Podesta. Pourquoi le DNC a-t-il été aussi imprudent ?" a-t-il écrit sur Twitter.

Toutefois, dans un nouveau message diffusé jeudi, il a souligné qu'il n'était pas contre les agences de renseignement et qu'il n'était pas d'accord avec Julian Assange. (Avec Mark Hosenball à Washington, Pierre Sérisier et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser)