Paris (awp/afp) - Le Vieux Continent fait de la résistance: après plusieurs années où les Etats-Unis étaient devenus le point central pour les investisseurs, y compris européens, 2022 a inversé la donne et cette tendance se prolonge début 2023.

L'an dernier, pour limiter les pertes sur les actions, mieux valait miser sur l'Europe que sur les Etats-Unis. Les indices des pays européens ont limité les pertes, inférieures à 10%, quand le marché de référence américain, le S&P 500, a été lui en baisse de près de 20%.

L'écart de performance a continué lors des premières semaines de 2023, avec 4,7% de gains pour le S&P 500, tandis que Paris et Francfort tournent à ce jour autour des 8% de progression.

Sur le plan économique, "la configuration prend les pessimistes à l'envers", explique Sophie Chauvellier, gérante chez Dorval AM.

Plusieurs nouvelles ont pu donner davantage de souffle aux entreprises européennes, à commencer par la réouverture à grande vitesse de la Chine, un marché bien plus important pour elles que pour les multinationales américaines. A Paris, c'est notamment le cas pour les géants du luxe, poids lourds de la cote.

Par ailleurs, "on s'éloigne de la récession avec l'énergie qui n'est plus un enjeu, grâce aux économies de consommation qui ont été consenties", et aux températures plus douces, permettant au stock de gaz de rester haut, poursuit Mme Chauvellier.

La banque Richelieu observe aussi un "retournement de perception" favorable à l'Europe: les indicateurs économiques sont ressortis meilleurs qu'attendu au dernier trimestre 2022 dans la zone euro, au contraire des Etats-Unis.

Actions moins chères

D'autres raisons financières viennent soutenir cette tendance. Pour les investisseurs institutionnels, le début d'année marque "la fin de l'allocation refuge" des fonds vers la zone perçue comme la plus sûre dans un contexte incertain: les Etats-Unis et son dollar, selon Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique de Saxo Banque.

"On observe un net redéploiement des capitaux", qui va "bénéficier aux principaux indices européens", note-t-il.

La remontée de l'euro face au dollar, après que la monnaie commune européenne a touché son point bas en 20 ans fin septembre, contribue à rendre le placement d'argent en zone euro plus attractif. Le redressement de l'euro est soutenu par l'anticipation d'une politique monétaire plus stricte à la Banque centrale européenne par rapport à la Réserve fédérale américaine.

Malgré la hausse récente, les actions européennes apparaissent aux gérants encore moins chères que les américaines. Pour établir ce constat, ils comparent les bénéfices des entreprises avec leurs valorisations boursières: plus les deux chiffres sont éloignés, plus le cours en Bourse d'une entreprise est jugé onéreux, ce qui freine les achats.

"Aux Etats-Unis, on est certes revenu sur des valorisations un peu plus proches des moyennes historiques, mais on reste au-dessus: le marché n'a peut-être pas suffisamment corrigé", interprète Raphael Thuin, responsable des stratégies de marchés de capitaux chez Tikehau Capital.

"C'est un peu moins vrai en Europe, les valorisations sont en dessous des moyennes historiques, même si on n'a pas atteint de plus bas", compare-t-il.

Même constat chez Oddo BHF AM, où l'on considère que "l'Europe semble mieux armée face à la hausse des taux, notamment car les primes de risque des actions américaines" sont "peu généreuses", selon le gestionnaire d'actifs.

Mais beaucoup de ces différences sont liées à "la composition des indices" nuance Mikael Jacoby, responsable du courtage continental chez Oddo. Les marchés américains sont très marqués par la présence des entreprises technologiques, qui se payent chères en Bourse et dont des fleurons, comme Meta, Alphabet ou Tesla, ont d'ailleurs dévissé en 2022.

"La différence entre les deux zones tient beaucoup au comportement de la technologie" et il est "difficile de prévoir" si la tendance restera la même, estime-t-il.

afp/lk