Les accusations de la SEC contre Binance

Aujourd’hui, la SEC, sous la direction de son président Gary Gensler, est entrée dans la mêlée en lançant sa propre série d'accusations à l'encontre de Changpeng Zhao, plus connu sous le nom de CZ sur les réseaux sociaux, et de son empire tentaculaire. Cette dernière action en justice contre Binance réitère non seulement les préoccupations de la CFTC concernant les services fournis par Binance à certains clients américains, mais élargit également de manière significative la portée des allégations.

Les treize accusations de la SEC pointent en particulier plusieurs produits, y compris des cryptomonnaies telles que Solana, Matic, Cardano, entre autres, sur la plateforme américaine, les qualifiant de titres, ce qui pourrait intensifier le débat réglementaire qui est déjà tendu entre l’industrie crypto et le régulateur de l’autre côté de l’Atlantique. 

Les accusations portent par ailleurs sur la remise en question de l'autonomie accordée à la filiale américaine - Binance.US - par Binance International, la preuve de la mauvaise gestion des comptes et du détournement des fonds des clients, et la mise en lumière d'activités internes de wash trading et de self-dealing conçues pour augmenter artificiellement les volumes de transactions de Binance.US. Cette dernière accusation, en particulier, brosse un tableau inquiétant des pratiques trompeuses potentielles au sein de l'organisation Binance.

Un élément important de la stratégie de la SEC est l'extension de sa juridiction à Binance International, alors que jusqu'à présent elle se cantonnait à sa filiale américaine, Binance.US.

Binance a d'abord reconnu que le fait de servir des clients américains via Binance.com, et non via Binance.US, constituait “l'exploitation d'une bourse de valeurs mobilières sans licence”, un point que la SEC a allègrement souligné sur Twitter.

Le plan Tai Chi

Pourtant, dans un rapport de Forbes datant de 2020, Binance avait demandé l'avis de plusieurs consultants pour élaborer une stratégie d'atténuation juridique, ce qui a abouti à la proposition du "plan Tai Chi".

L'intention de ce plan était notamment de créer un tampon - Binance.US - qui serait le point focal pour les tensions liées à l'application de la loi américaine, et aussi de "protéger Binance des responsabilités héritées et futures". Cependant, la mise en œuvre de ce plan par Binance a permis à la SEC de contester plus facilement l'indépendance de Binance.US.

Alors que le plan proposait d'éloigner Binance.US de CZ et de l'ensemble de la société, la relation entre les deux reste visiblement extrêmement étroite. En fait, depuis la création de Binance.US, CZ détient pas moins de 81 % des parts des entités qui contrôlent la filiale.

Zhao est partout
SEC

Pour rien arranger, l'ancien PDG de Binance.US, Brian Brooks, a témoigné devant la SEC en exprimant ses inquiétudes quant à la forte dépendance de la liquidité de Binance.US à l'égard de deux teneurs de marché associés à CZ. Il a suggéré que cette dépendance à l'égard de CZ en tant que personne contrôlant la société et en tant que contrepartie économique clé présentait des risques importants.

Plus précisément, les accords de service entre Binance International et sa filiale américaine positionnent la première comme le "dépositaire désigné pour les crypto-actifs déposés, détenus, échangés et/ou accumulés sur la plateforme Binance.US". Un tel arrangement permettait à Binance.com de contrôler largement le transfert des crypto-actifs, y compris ceux de Binance.US.

Les accusations de la SEC indiquent que tous les crypto-actifs détenus sur Binance.US ne sont donc pas sous sa garde exclusive, ce qui suggère que Binance International conserve le contrôle d'une partie des fonds de la plateforme américaine.

Quid de la cryptomonnaie BNB de Binance ? 

La position de la SEC sur le BNB, le jeton natif de Binance, est également claire : elle tente de classer le BNB comme un titre en soulignant que les fonds recueillis auprès des "investisseurs" aideraient l'équipe de Binance à construire une plateforme de cryptomonnaies de premier plan. La SEC souligne en particulier que le succès du BNB en tant qu'investissement est lié à la performance de l'entreprise. En ce qui concerne BUSD, le stablecoin de Binance, la SEC estime que la commercialisation et l'introduction du "BUSD Reward Program" suggèrent que les investisseurs pourraient s'attendre à des bénéfices de la part du stablecoin, et donc pourrait être potentiellement requalifié en tant que titre.

Les programmes “BNB Vault” et “Simple Earn” n'ont pas non plus échappé à l'attention de la SEC. Pour faire simple, ces programmes rassemblent les actifs des utilisateurs pour générer des rendements par le biais de divers mécanismes, y compris la mise en jeu, le prêt et l'utilisation opérationnelle par les groupes internes de Binance, et distribuent des rendements au prorata aux investisseurs. Étant donné que le succès de ces investissements dépend de l'expertise des gestionnaires et des efforts d'autres personnes, ces offres pourraient vraisemblablement être considérées comme des valeurs mobilières en vertu de la législation américaine.

Dans l'ombre de Sam Bankman-Fried ? 

L'allégation la plus préoccupante de la SEC concerne peut-être la mauvaise gestion des fonds. Elle suggère qu'une absence apparente de contrôles internes solides a conduit à une mauvaise utilisation fréquente des fonds des clients, dont certains auraient même été utilisés pour des dépenses personnelles.

Entre octobre 2022 et janvier 2023, CZ aurait reçu personnellement 62,5 millions de dollars de l'un des comptes bancaires de Binance. Malgré le maintien de l'indépendance de Binance.US, "des milliards de dollars de fonds de clients", provenant des entités américaines et internationales, ont été mélangés sur un seul compte contrôlé par une entité de CZ. Les fonds de ce compte ont été transférés à des tiers dans le cadre apparent de l'achat et de la vente d'actifs cryptographiques, selon la plainte.
 
Plus précisément, la SEC souligne le transfert de 190 millions de dollars en 2021 de Binance.US à une autre entité contrôlée par Zhao, Sigma Chain. Le compte bancaire qui a reçu ces fonds de clients a ensuite dépensé 11 millions de dollars pour l'achat d'un yacht. Des manoeuvres qui font écho avec les actions de l'ex-PDG de FTX, Sam Bankman-Fried.

Au final, les poursuites engagées par la SEC contre Binance soulèvent des questions préoccupantes quant au futur paysage réglementaire du secteur des cryptomonnaies chez l'Oncle Sam.