New York (awp/afp) - La Banque centrale américaine est intervenue en urgence mardi et mercredi sur le marché monétaire pour éviter un emballement des coûts d'emprunts à court terme pour les banques et les entreprises. Une opération qui est loin d'être anodine.

A quoi sert le marché monétaire ?

Les institutions financières et les entreprises viennent sur le marché monétaire pour prêter ou emprunter de l'argent sur des durées très courtes, d'un jour à un an. Généralement considéré comme très sûr, c'est un outil essentiel au bon fonctionnement de l'économie.

Sur ce marché sont échangés divers instruments, comme des bons du Trésor émis par les gouvernements, des billets de trésorerie émis par des entreprises privées ou des pensions sur titres (repo ou repurchase agreement en anglais).

Ces dernières sont utilisées par les entreprises ou les banques dans le but d'emprunter ou de prêter des fonds à très court terme avec, en hypothèque, des titres très sûrs comme les bons du Trésor. Le jour suivant, les emprunteurs remboursent l'argent plus les intérêts.

Les taux utilisés sont généralement proches de ceux fixés par la Fed, actuellement entre 2% et 2,25%.

Les emprunteurs s'assurent ainsi d'avoir, à un faible coût, suffisamment d'argent pour faire face à leurs obligations au jour le jour et pour maintenir un niveau suffisant de réserves.

Les prêteurs ayant à leur disposition beaucoup de liquidités peuvent faire un peu de bénéfices sans prendre beaucoup de risques.

Cet instrument est beaucoup utilisé par les banques, qui calculent chaque soir leurs besoins de financement.

Pourquoi la Fed est-elle intervenue ?

Les taux d'intérêt sur le marché monétaire américain ont bondi lundi et mardi, jusqu'à 10% pour certains emprunts, surprenant les courtiers.

Les raisons exactes de cette envolée, qui traduit un manque soudain de liquidités, ne sont pas très claires.

Plusieurs observateurs avancent le fait que lundi était la date limite pour le versement trimestriel des impôts de nombreuses entreprises, qui ont dû en conséquence retirer de l'argent de leurs comptes, et que la Banque centrale a procédé récemment à des ventes massives sur le marché des bons du Trésor.

Plus généralement, les réserves des banques ont beaucoup baissé depuis que la Fed qui, après la crise financière de 2008, a injecté massivement des liquidités sur les marchés financiers en abaissant les taux d'intérêt à près de zéro et en rachetant des titres sur les marchés, a décidé de ralentir son soutien monétaire.

"Il semble que beaucoup de cash soit sorti du système ces derniers jours et que la demande en dollars était plus importante que le nombre de dollars en circulation", résume Gregori Volokhine, de Meeschaert Financial Services.

Pour calmer les marchés et éviter que les taux ne s'emballent trop, la Fed a décidé d'intervenir en apportant de l'argent frais via des pensions de titres, à hauteur de 53 milliards de dollars mardi et de 75 milliards mercredi.

Est-ce inquiétant?

Les investisseurs se demandent si la soudaine envolée des taux sur le marché monétaire est un problème mécanique et temporaire ou si elle révèle des dysfonctionnements plus profonds dans le système financier.

Le spectre de la crise financière de 2008 plane: les banques, craignant que leurs homologues ne fassent soudainement faillite, ne se prêtaient alors plus d'argent entre elles.

Pour Kit Juckes, analyste à la Société Générale, "il s'agit bien plus d'un problème de plomberie causé par un changement soudain dans les dynamiques d'offre et de demande en bons du Trésor que le symptôme d'une menace fondamentale pour le système ou l'économie mondiale" comme c'était le cas en 2007/2008.

"Mais la seule façon pour la Fed de reprendre le contrôle (des taux) va être de prendre des mesures pour s'assurer qu'il y a suffisamment de liquidités disponibles à court terme", ajoute-t-il.

"La grosse question est de savoir pourquoi la Fed n'a-t-elle pas vu venir cette situation", remarque pour sa part Gregori Volokhine.

Le patron de l'institution, Jerome Powell, a tenté de rassurer en affirmant mercredi que les interventions d'urgence de la Fed n'avaient "aucune implication pour l'économie ou la politique monétaire" et en soulignant que la Fed "disposait des outils nécessaires pour faire face aux tensions".

afp/rp