Depuis un peu plus de deux semaines, la politique de Donald Trump a créé d’importants remous sur les marchés et remis en cause nombre de certitudes pour les investisseurs. A commencer par la façon de raisonner. Car habituellement, les financiers raisonnent toujours à partir d’un scénario central – le base case. Un scénario auquel on peut accorder une probabilité assez élevée et à partir duquel on peut construire une stratégie d’investissements. Et du coté des entreprises, la logique est un peu la même lorsqu’elles établissent leurs prévisions de résultat pour les trimestres à venir.

Désormais, l’incertitude est telle qu’il n’y a plus de scénario central. Car les investisseurs sont toujours partagés entre l’idée que la politique tarifaire va créer d’importants impacts négatifs pour l’économie mondiale, et l’espoir que l’administration Trump reviendra à une posture plus raisonnable. Ou que la Fed sauvera tout le monde. Ou les deux. D’où des mouvements de marché violents à chaque annonce de potentielles négociations ou de droits de douane additionnels. Dans un tel contexte, on ne peut plus raisonner qu’avec deux hypothèses : un scénario haussier et un scénario baissier.

C’est également ce que l’on commence à voir du côté des entreprises. Alors que la saison des résultats vient de commencer, et que nous nous attendions à ce que les entreprises retirent leurs prévisions, celles-ci pourraient finalement privilégier une autre approche. A l’image de United Airlines cette semaine. Lors de la présentation de ses résultats du premier trimestre, la compagnie aérienne a donné deux versions pour ses projections de bénéfices (un scénario optimiste et un scénario pessimiste). Pour faire un parallèle avec le vocabulaire financier, cela rappelle un peu les deux scénarios pour l’économie américaine : le soft landing (atterrissage en douceur) et le hard landing (atterrissage brutal). Une comparaison d’autant plus pertinente qu’il s’agit ici d’une compagnie aérienne.

Pour les entreprises, l’environnement actuel est un flou artistique et cela rend impossible l’objectif de l’administration actuelle de relocalisation de la production. Car en théorie les droits de douane doivent inciter les entreprises qui veulent avoir accès au marché américain à investir aux Etats-Unis, pour produire localement. Mais compte tenu de la durée nécessaire pour développer des capacités de production, et de règles du jeu qui ne sont pas claires, les entreprises ne se précipitent pas dans cette voie. Au contraire, cela pousse plutôt à geler les dépenses d’investissement.

La politique tarifaire de Donald Trump a créé un chaos sans précédent. Ce qui est paradoxal, c’est que celui qui promettait la dérégulation à tout va est en train de créer un enchevêtrement de règles incompréhensibles. Pour le dire autrement, le chantre de la dérégulation est devenu le créateur d’une usine à gaz, faite d’exemptions, de deadlines sans cesse décalées et de négociations aux objectifs flous. La seule certitude, c’est que tant que la politique économique et le cadre d’investissement seront aussi mouvants, la volatilité restera élevée sur les marchés financiers.