Mardi dernier, j'écrivais ici même, au lendemain d'une séance boursière assez agitée, que les marchés avaient pris un bon bourre-pif. Vendredi, c'était plutôt la batte de baseball qui était de sortie, ou une combo légendaire dans Street Fighter. Le Nasdaq 100 a perdu 4,1%, avec quelques fessées mémorables comme ce -9% pour Nvidia. Deux rescapés en hausse seulement dans l'indice : Electronic Arts, qui serait dit-on convoité par Amazon, et Workday, un éditeur de logiciels de RH dont je découvre le nom (la honte) et qui a publié de bons trimestriels. Pendant ce temps, le S&P500 a perdu 3,4% et le Dow Jones 3% (sans aucune hausse pour le vieil indice américain).

Pourquoi tant de haine ? Parce que les investisseurs pensaient que le symposium de Jackson Hole (mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?) serait l'occasion pour la banque centrale américaine d'arrêter d'être méchante avec eux et de reprendre la posture pro-hausse-des-actions qu'elle cultive depuis 15 ans. Les économistes taquins appellent ça la politique Boucle d'Or : un peu mièvre, c’est-à-dire ni trop chaude, ni trop froide, juste parfaite, comme dans l'histoire des trois ours. Le problème, c'est que vendredi, Boucle d'Or était plutôt du genre à avoir une sulfateuse. Et sans la chevelure blonde et sage, mais plutôt avec la tête de Jerome Powell, le patron de la Fed. Powell qui a été très clair dans son discours : l'inflation ne va pas disparaître d'un coup de baguette magique et il y aura des dégâts. "Notre route est droite, mais la pente est forte et on va ramer", pour détourner une raffarinade (si tu es jeune et que tu lis ça, sache que Jean-Pierre Raffarin a gouverné la France, qu'il existe encore et qu'il nous a gratifié de quelques citations d'anthologie).

La banque centrale américaine s'est servie du symposium de Jackson Hole pour rappeler deux choses. La première, c'est que les expériences précédentes ont montré qu'on ne sort pas de ces périodes hyper-inflationnistes avec un sourire, de la bonne volonté et de l'auto-persuasion. La seconde, c'est que les marchés financiers se fourvoient en pensant que la détermination de la Fed est fluctuante. Evidemment, ça n'a pas fait tellement plaisir aux investisseurs, qui pensaient revoir Boucle d'Or et qui se retrouvent nez-à-nez avec Papa Ours. La probabilité d'une nouvelle hausse de taux de 75 points de base lors de la réunion prévue les 20 et 21 septembre est passée de 47% il y a une semaine à 74,5%, selon l'outil FedWatch du CME.

En Europe aussi, ça s'agite sur le front monétaire. Les membres de la BCE sont de plus en plus nombreux à appeler à une hausse de taux vigoureuse à l'issue du conseil des gouverneurs du 8 septembre. Je rappelle que sur le vieux continent, le pic d'inflation n'a a priori pas encore été atteint (les données d'août seront publiées mercredi) et que les efforts monétaires n'ont pas démarré aussi tôt qu'au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Malgré les amortisseurs naturels de l'Europe, il ne faudrait pas imaginer que la région triomphera de l'inflation avec la méthode Coué. Et pas besoin d'être un économiste de génie pour imaginer la tempête parfaite que représente la conjonction d'une crise énergétique historique avec un arrêt des politiques monétaires de soutien et un cycle de hausse de taux. Je n'ai pas l'âme d'un grand pessimiste, mais là on a quand même vraiment l'air dans la mouise.

Parmi les autres éléments à connaître pour démarrer la semaine :

  • La Bourse de Londres sera fermée aujourd'hui pour le jour férié qui précède la rentrée, Summer Bank Holiday.
  • La vice-présidente de la Fed, Laeal Brainard, doit prononcer une allocution dans le cadre d'un atelier de la Fed. Elle ne devrait pas dire autre chose que son patron vendredi, mais son intervention sera probablement scrutée de près. Elle aura lieu après la clôture des marchés européens, autour de 20h15.
  • J'en parlais juste au-dessus, l'inflation européenne d'août est attendue mercredi (le consensus est à 9% pour l'inflation annuelle, dont 4,1% pour la partie sous-jacente). Elle sera complétée par les chiffres de l'emploi dans la zone euro jeudi. De quoi alimenter la réflexion de la BCE pour la réunion de la semaine suivante.
  • En France, le première ministre Elisabeth Borne n'a pas écarté la taxation des superprofits des entreprises énergétiques, mais préfère qu'elles baissent leurs prix pour les consommateurs.

L'ambiance est lourde en Asie Pacifique ce matin, en réaction à la baisse de Wall Street vendredi soir. Le Nikkei 225 japonais chute de 2,7% pendant que l'ASX 200 australien perd près de 2%. Les marchés chinois continuent à ne rien faire comme les autres et tiennent mieux : -0,7% à Hong Kong et en Chine continentale. Les indicateurs avancés sont fortement baissiers en Europe. Les "futures" américains aussi, mais il reste pas mal de temps avant l'ouverture. Le CAC40 perdait 0,8% à 6222 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Il n'y aura pas d'indicateur majeur aujourd'hui. Tout l'agenda macro ici.

L'euro recule à 0,9918 USD. L'once d'or a reperdu du terrain à 1721 USD. Le pétrole reprend de l'altitude avec un Brent de Mer du Nord à 101,76 USD le baril et un brut léger américain WTI à 94,16 USD. Les rendements américains sont en hausse sur les échéances longues et en baisse sur le 6 mois et le 3 mois. La dette américaine à 10 ans est rémunérée 3,12%, tandis que celle à 2 ans touche un nouveau pic sur le cycle actuel à 3,47%. Le bitcoin est repassé sous la barre des 20 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Bâloise : Credit Suisse reste à surperformance avec un objectif de cours réduit de 180 à 155 CHF.
  • Dätwyler : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 374 à 337 CHF.
  • Formycon : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif relevé de 75 à 91 EUR.
  • SFS : Julius Bär reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 135 à 105 CHF.
  • Orior : Credit Suisse reste neutre avec un objectif de cours réduit de 94 à 84 CHF.
  • Straumann : Julius Bär reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 140 à 130 CHF.
  • Valiant : UBS passe de neutre à achat en visant 104 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • TotalEnergies, Equinor et Shell signent un accord avec Yara pour la séquestration de CO2 du projet Northern Light.
  • Valneva fait état de nouvelles données porteuses de phase III pour l'immunogénicité son vaccin covid, et de premières indications positives comme rappel hétérologue.
  • Sercel (CGG) signe un second contrat "majeur" pour un système OBN fond de mer.
  • Affluent Medical lance une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription à 2,32 EUR l'action, pour lever 6,3 M€ et éviter la crise de liquidités.
  • Dekuple a publié son chiffre d'affaires.
  • On dirait que personne n'a jugé bon de réveiller les entreprises françaises ce matin.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Moderna accuse Pfizer/BioNTech de violation de brevet sur le vaccin contre le covid.
  • Aker BP dévoile des projets de développement de 15 Mds$ sur le plateau continental norvégien.
  • Dell met fin à toutes ses activités en Russie.
  • Olympus va vendre son unité de microscopie à Bain pour 3 Mds$.
  • Honda Motor envisage de construire une usine de batteries aux États-Unis avec LG Energy Solution.
  • Walmart ra racheter les minoritaires de Massmart pour 62 ZAR par action.
  • Novartis obtient une homologation en Europe contre la leucémie.
  • Ems-Chemie publie un bénéfice net en légère au hausse au S1.
  • Le Crédit Suisse s'interroge sur ses ambitions en Chine dans le cadre de sa refonte, selon Bloomberg.
  • Meta Platforms négocie une extinction des poursuites moyennant finance dans le scandale Cambridge Analytica aux Etats-Unis.
  • Blackstone envisage de déposer une demande d'introduction en bourse pour un portefeuille de centres commerciaux d'une valeur de 2,5 Mds$.
  • Principales publications du jour : BYD, Pinduoduo, … Tout l'agenda ici.

Lectures