La Cour suprême des États-Unis s'est prononcée sur une série de dossiers liés aux décrets signés par le président Donald Trump et aux actions de son administration depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Ces affaires concernent notamment les expulsions de migrants, la restriction de l'accès à la citoyenneté par le droit du sol, le licenciement de fonctionnaires et de responsables d'agences, la réduction de subventions pour la formation des enseignants, ainsi que le paiement d'organisations d'aide internationale.
Voici un tour d'horizon de ces dossiers.
EXPULSION DE VÉNÉZUÉLIENS
Le 19 avril, la Cour suprême a temporairement interdit à l'administration Trump d'expulser des hommes vénézuéliens placés en rétention, après que leurs avocats ont alerté sur un risque imminent d'expulsion sans le contrôle judiciaire précédemment imposé par les juges. L'administration présente ces Vénézuéliens comme membres du gang criminel Tren de Aragua, désigné organisation terroriste étrangère par le Département d'État, une affirmation contestée par les familles et les avocats des migrants.
Les avocats de l'American Civil Liberties Union (ACLU) ont déposé des demandes urgentes dans plusieurs tribunaux, y compris la Cour suprême, soulignant que certains hommes avaient déjà été embarqués dans des bus en vue de leur expulsion. L'ACLU dénonce l'utilisation par l'administration d'une loi de 1798, l'Alien Enemies Act, traditionnellement réservée aux temps de guerre, pour expulser ces hommes sans leur offrir une véritable possibilité de contester leur renvoi, contrairement à ce qu'exigeait la Cour suprême. Trump a invoqué cette loi dans le cadre de sa politique migratoire stricte.
Le 7 avril, la Cour suprême avait autorisé l'administration à expulser des migrants vénézuéliens en vertu de l'Alien Enemies Act, tout en précisant que "les intéressés doivent être informés en temps utile et selon des modalités leur permettant de solliciter effectivement un recours en habeas corpus devant la juridiction compétente avant toute expulsion". L'habeas corpus permet aux détenus de contester la légalité de leur détention, un droit fondamental du droit américain.
EXPULSION ERRONÉE D'UN SALVADORIEN
Le 10 avril, la Cour suprême a ordonné à l'administration de faciliter le retour aux États-Unis d'un Salvadorien que le gouvernement américain reconnaît avoir expulsé par erreur vers le Salvador. Le ministère de la Justice avait demandé l'annulation d'une ordonnance du 4 avril de la juge de district Paula Xinis, exigeant que l'administration "facilite et effectue" le retour de Kilmar Abrego Garcia. Cette décision faisait suite à une plainte d'Abrego Garcia, migrant salvadorien résidant dans le Maryland, détenant un permis de travail depuis 2019, et de sa famille contestant la légalité de son expulsion.
La Cour a estimé que l'ordonnance de la juge exigeait à juste titre du gouvernement qu'il "facilite" la libération d'Abrego Garcia de la détention au Salvador et veille à ce que son dossier soit traité comme s'il n'avait pas été expulsé à tort. Toutefois, elle a demandé à la juge Xinis de préciser la portée de l'obligation "d'effectuer" son retour, en tenant compte de la marge de manœuvre laissée à l'exécutif en matière de relations extérieures.
Abrego Garcia avait été arrêté le 12 mars par les services d'immigration et interrogé sur une supposée affiliation au gang MS-13, désigné organisation terroriste étrangère par le Département d'État. Ses avocats nient tout lien avec ce gang. Il a été expulsé le 15 mars lors d'un vol comprenant aussi des migrants vénézuéliens. Le président salvadorien Nayib Bukele a indiqué lors d'une rencontre avec Trump, le 14 avril, ne pas prévoir de renvoyer Abrego Garcia aux États-Unis.
CITOYENNETÉ PAR LE DROIT DU SOL
La Cour suprême a accepté d'entendre, le 15 mai, les arguments sur la volonté de Trump d'appliquer largement son décret restreignant la citoyenneté automatique par le droit du sol, un pilier de sa politique migratoire. La Cour n'a pas immédiatement répondu à la demande de l'administration Trump de limiter la portée de trois injonctions nationales, prononcées par des juges fédéraux, qui bloquent l'application du décret en attendant l'issue des procédures.
Le décret de Trump ordonne aux agences fédérales de ne pas reconnaître la citoyenneté des enfants nés aux États-Unis si aucun de leurs parents n'est citoyen américain ou résident permanent légal. Plusieurs plaintes, déposées par des procureurs démocrates, des associations de défense des droits des immigrés et des femmes enceintes, soutiennent que ce décret viole le 14e amendement de la Constitution, ratifié en 1868, qui garantit la citoyenneté à toute personne née sur le sol américain.
INTERDICTION DES PERSONNES TRANSGENRES DANS L'ARMÉE
L'administration a demandé, le 24 avril, à la Cour suprême d'autoriser l'application du décret interdisant aux personnes transgenres de servir dans l'armée américaine, l'une des nombreuses mesures de Trump visant à restreindre les droits des personnes transgenres. Le ministère de la Justice a sollicité la levée de l'injonction nationale imposée par le juge fédéral Benjamin Settle, basé à Seattle, qui empêchait l'armée de mettre en oeuvre la politique de Trump pendant l'examen du recours.
Le juge Settle a estimé que le décret de Trump violait probablement le droit à la protection égale garanti par le cinquième amendement de la Constitution. Le ministère de la Justice affirme que Settle a outrepassé les prérogatives de l'exécutif, dirigé par Trump, pour déterminer qui peut servir dans l'armée, et que le Pentagone mérite une "large déférence" pour ses "jugements professionnels militaires".
Dans cette affaire, sept militaires transgenres en activité, un homme transgenre souhaitant s'engager et une association de défense des droits civiques ont attaqué l'interdiction. Dans une autre affaire, la juge Ana Reyes a également prononcé une injonction nationale bloquant la mesure de Trump pendant la procédure.
RESPONSABLES DES INSTANCES DU TRAVAIL
Le 9 avril, la Cour suprême a autorisé temporairement Trump à révoquer des membres démocrates de deux instances fédérales du travail, suspendant des ordonnances judiciaires qui les protégeaient contre leur limogeage. Elle a gelé les décisions de deux juges fédéraux qui bloquaient le renvoi de Cathy Harris du Merit Systems Protection Board et de Gwynne Wilcox du National Labor Relations Board avant la fin de leur mandat. Cette mesure, dite de "sursis administratif", laisse à la Cour le temps d'examiner la demande formelle de l'administration de bloquer ces ordonnances durant la procédure.
Ce litige constitue un test important des efforts de Trump pour placer sous sa coupe des agences fédérales que le Congrès voulait indépendantes du pouvoir présidentiel. Il pourrait aussi amener la Cour à limiter ou annuler un précédent de 1935 garantissant la protection de l'emploi de certains responsables d'agences. L'enjeu concerne également l'indépendance de la Réserve fédérale américaine.
SUBVENTIONS À LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
Le 4 avril, la Cour suprême a permis à l'administration Trump de poursuivre des coupes de plusieurs millions de dollars dans les subventions à la formation des enseignants, dans le cadre de sa lutte contre les initiatives de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI). Elle a suspendu l'ordonnance du juge Myong Joun du 10 mars, qui exigeait du ministère de l'Éducation le versement de subventions à huit États dirigés par des démocrates pendant la procédure. Selon la Cour, l'administration a "de bonnes chances de prouver que le tribunal de première instance n'avait pas compétence pour ordonner le paiement", comme ce fut le cas ici.
Les États avaient saisi la justice après l'annonce par le ministère de l'Éducation d'une coupe de 600 millions de dollars dans des fonds destinés à des programmes promouvant des "idéologies clivantes" telles que la DEI.
Les programmes Teacher Quality Partnership et Supporting Effective Educator ont été créés pour soutenir les institutions qui recrutent et forment des enseignants, en particulier dans les zones rurales ou défavorisées.
PAIEMENTS AUX ORGANISATIONS D'AIDE INTERNATIONALE
Le 5 mars, la Cour a refusé à l'administration la possibilité de suspendre le paiement d'organisations d'aide internationale pour des travaux déjà réalisés pour le gouvernement, alors que Trump cherche à mettre fin aux projets humanitaires américains à travers le monde. Elle a confirmé l'ordonnance du juge Amir Ali, qui imposait à l'administration de débloquer rapidement les fonds destinés aux prestataires et bénéficiaires de l'USAID et du Département d'État pour les travaux antérieurs.
Les ONG accusent Trump, dans plusieurs recours, d'avoir outrepassé ses pouvoirs en démantelant de fait l'agence fédérale indépendante USAID et en annulant des dépenses autorisées par le Congrès.
LICENCIEMENTS DE FONCTIONNAIRES FÉDÉRAUX
Le 8 avril, la Cour suprême a suspendu une ordonnance judiciaire imposant à l'administration de réembaucher des milliers de fonctionnaires licenciés, dans le cadre d'un litige sur la réduction des effectifs fédéraux voulue par Trump. Elle a gelé l'injonction du juge William Alsup du 13 mars, qui exigeait de six agences fédérales la réintégration de milliers d'agents en période d'essai pendant l'examen de la légalité des licenciements. Cette décision concernait les ministères de la Défense, des Anciens Combattants, de l'Agriculture, de l'Énergie, de l'Intérieur et du Trésor. Les agents en période d'essai ont généralement moins d'un an d'ancienneté dans leur poste, bien que certains soient des fonctionnaires chevronnés nommés à de nouvelles fonctions.
REVOI DU CHEF D'UNE AGENCE DE CONTRÔLE
Le 21 février, la Cour a refusé de permettre à Trump de limoger immédiatement le chef d'une agence fédérale de contrôle, après qu'une juge avait temporairement bloqué sa décision. Elle a reporté sa décision sur la demande du ministère de la Justice de lever l'ordonnance de la juge Amy Berman Jackson (12 février), qui interdisait provisoirement à Trump de démettre Hampton Dellinger, directeur de l'Office of Special Counsel, pendant la procédure. Dellinger a mis fin à son recours le 6 mars, après que la cour d'appel du district de Columbia a validé la décision de Trump. L'agence indépendante protège les lanceurs d'alerte au sein du gouvernement.