KKR, Blackstone, The Carlyle Group, TPG, EQT, CVC Capital Partners, Apollo Global Management… Tous les grands acteurs de l’investissement non coté sont durement sanctionnés en Bourse depuis deux mois. En cause : la forte baisse des transactions déjà soulignée ces derniers trimestres et qui pourrait être intensifiée par les effets des décisions de l’administration Trump.
En fin de semaine dernière, le plus grand acteur du secteur, Blackstone, a présenté ses chiffres pour le premier trimestre de son exercice décalé. Ils sont globalement bons et même légèrement supérieurs aux attentes. En revanche, le groupe ne s’estime pas épargné par la crise. Blackstone a mentionné que la volatilité des marchés pourrait inciter les investisseurs institutionnels nord-américains à “ralentir leur prise de décision” en termes d’allocation de fonds à cause de la baisse des rendements.
En effet, le private equity, ou capital-investissement, consiste à investir dans des entreprises non cotées en Bourse, souvent via des rachats financés par de la dette, dans le but de les développer, d’en augmenter la valeur, puis de les revendre avec une plus-value. Or, si le nombre de transactions recule, il devient difficile pour les sociétés de rembourser leurs clients — des fonds de pension, fonds institutionnels et des grandes fortunes pour la plupart.
Une analyse de Moody’s Ratings rapporte que le montant des plus-values latentes atteint des niveaux records et que, justement, le faible nombre de transactions empêche de lever de nouveaux capitaux puisque les montants sont difficilement retournables aux clients. Avec l’application des barrières douanières, la pression serait plus forte. Le Wall Street Journal évoque comme exemple la chaîne de fournitures de bureau Staples, qui fut rachetée par Sycamore Partners en 2017 pour 7 Mds $. La société importe une grande partie de ses stocks d’Asie, où se situe sa production. Sa compétitivité et son développement seraient directement touchés.
Hugh MacArthur, président de la division private equity chez Bain & Co, a même un discours très pessimiste : “Nous ne sommes même pas encore en récession et nous sommes déjà dans une situation extrêmement difficile. Les clients sont de moins en moins disposés à réaliser de nouveaux investissements et les levées de fonds pour les rachats avaient chuté de près de 25 % l’année dernière.”
Les financiers détestent l’incertitude et le manque de visibilité sur l’avenir. La période actuelle rend justement la planification de l’avenir particulièrement compliquée. Mais ces sociétés disposent toutefois de leviers pour faire face à une éventuelle crise d’ampleur du Private Equity dans les mois à venir. Par exemple, Blackstone a des activités diversifiées dans la gestion immobilière, les assurances, la gestion de fortune ainsi que la dette privée, qui est, en période de désordre économique, un solide relais de croissance lorsque les banques réduisent leur activité de prêteur. De son côté, KKR vise de plus en plus large dans ses investissements, avec par exemple la prise de participation dans le fournisseur de matériel médical Henry Schein qui est coté en bourse. KKR en devient ainsi le premier actionnaire hors fonds indiciels. Avec le même élan stratégique, Elliott Investment Management est entré au capital de HP pour 1,5 Md $.
Pour l’heure, l’administration Trump a annoncé une suspension de 90 jours pour les droits de douane annoncés lors du “Liberation Day”, à l’exception de ceux sur la Chine. Mais une suspension ne signifie pas une annulation. La confiance des marchés financiers reste érodée, même si l’administration Trump a annoncé la nuit dernière qu’une désescalade avec la Chine devrait arriver et que le président de la Fed, Jerome Powell, ne sera pas viré. L’exact inverse avait été annoncé la veille.
Le redressement du secteur du Private Equity dépend fortement du rétablissement de la confiance dans l’avenir. Cela suppose notamment une meilleure visibilité sur les décisions économiques, politiques et géopolitiques prises par l’administration Trump.
En l’absence de clarté et dans un contexte instable, les “deals” resteront limités. Il est donc pour l’instant l’heure de faire le dos rond et de limiter la casse pour les acteurs concernés grâce aux activités connexes. Du moins, pour ceux qui n’ont pas tout miser sur le Private Equity. Une revue à la baisse des objectifs des analystes pour les prochains trimestres ne serait pas illogique.
