Même si ce résultat peut être synonyme d'instabilité politique et est susceptible de provoquer une sortie brutale du Royaume-Uni de l'Union européenne, la hausse de la monnaie britannique s'explique par le fait que certains jugent que le rejet est tellement net qu'il pourrait obliger l'exécutif et le législateur à rechercher d'autres solutions.

Toutefois, les analystes se gardent de surinterpréter ce rebond car la défaite de mardi ouvre la voie à bien des implications et l'une d'elles est la motion de censure déposée par le leader travailliste Jeremy Corbyn, dont le vote aura lieu mercredi à 19h00 GMT.

La Chambres des Communes a rejeté le texte par 432 voix contre 202, ce qui représente la plus sévère défaite d'un gouvernement britannique dans l'histoire récente du pays.

Nombreux sont les parlementaires du propre camp de la Première ministre - que ce soit des partisans du Brexit ou au contraire des avocats du maintien dans l'UE - se sont regroupés pour que le texte ne franchisse par l'obstacle parlementaire.

La livre, qui perdait jusqu'à 1,2% face au dollar avant le résultat du vote, a brièvement porté sa perte à 1,5% avant de rebondir et se stabiliser à 1,2875 dollar, la rapidité du rebond témoignant de l'existence de grosses positions à découvert sur le marché des changes.

"Le rebond du sterling pourrait simplement s'expliquer par des rachats de découverts car il y a encore une incertitude énorme sur les actifs britanniques", commente ainsi Eric Stein (Eaton Vance).

LIMITER L'EXPOSITION AU ROYAUME-UNI

"Le sterling s'est retourné à la hausse après le vote parce que les investisseurs savent maintenant que le Brexit n'aura pas lieu en mars", a dit Naeem Aslam, analyste de Think Markets UK.

"Si nous terminons au-dessus de 1,28 dollar aujourd'hui, alors cela voudra dire que les 'bargain hunters' auront fait la meilleure affaire du jour", a-t-il ajouté.

"Nous pensons toutefois que la pression restera considérable sur le sterling (...) Sur le marché boursier britannique, le mouvement sera très intéressant pour les actions domestiques; les entreprises vont beaucoup souffrir à cause de cela".

Sur ce chapitre, UBS Global Wealth Management a recommandé aux investisseurs de limiter leur exposition aux actifs britanniques car, explique-t-il, la volatilité du marché ne s'apaisera pas tant qu'une conclusion concrète à la procédure du Brexit ne se sera pas manifestée.

"Nous ne recommandons pas aux investisseurs d'avoir des opinions arrêtées sur le sterling, les gilts ou les actions britanniques tant que cette absence de clarté est autant manifeste", dit l'intermédiaire financier.

"Au sein des portefeuilles existants, les investisseurs seraient bien avisés de limiter leur exposition britannique à des niveaux 'benchmarks'".

La banque américaine Citi estime qu'il y a à présent une probabilité "très élevée" que le Brexit soit repoussé au-delà de la date prévu du 29 mars.

L'agence de notation Moody's juge elle que le vote est synonyme d'incertitude accrue et de hausse des risques pour les émetteurs britanniques.

Toute extension de l'Article 50, invoqué voici presque deux ans pour lancer la procédure du Brexit, aurait des implications de crédit négatives à court terme car elle augmenterait l'incertitude et serait une entrave à l'activité des entreprises.

Les fortes fluctuations de sterling ont également alimenté la volatilité des fonds indiciels à base britannique. Le fonds américain MSCI UK ETF a ainsi gagné jusqu'à 0,5%.

(Saikat Chatterjee, avec Josephine Mason, Andy Bruce; Wilfrid Exbrayat pour le service français)