* Hassan Rohani l'emporte avec 57% des voix

* La participation élevée a favorisé sa réélection

* Le président a prononcé le nom du réformateur Khatami

* Il défie ce faisant une interdiction de la justice (Edité avec détails, corrige mastics)

par Parisa Hafezi et Babak Dehghanpisheh

DUBAI/BEYROUTH, 20 mai (Reuters) - Le président iranien, Hassan Rohani, dès sa réélection, s'est engagé à ouvrir son pays au reste du monde et à accorder plus de liberté aux citoyens, dans un discours en forme de défi à l'adresse de ses opposants conservateurs.

Longtemps considéré comme un produit, prudent et modéré, de l'establishment, Hassan Rohani s'est réinventé en champion des réformes durant la campagne électorale qui a débouché sur sa victoire, dès le premier tour, avec plus de 57% des voix.

Son principal adversaire, le conservateur Ebrahim Raisi, protégé de l'ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême de la Révolution, a obtenu un peu plus de 38% des suffrages.

Pour son premier discours après l'annonce des résultats samedi, Hassan Rohani a semblé défier ouvertement les juges conservateurs en faisant l'éloge du chef spirituel du camp réformiste, l'ancien président Mohammad Khatami, au pouvoir de 1997 à 2005. Citer ou évoquer le nom de Mohammad Khatami, qui aura 74 ans en septembre, est interdit par la justice.

"Le message de notre pays dans cette élection a été clair : la nation iranienne a choisi le chemin de l'interaction avec le monde, loin de la violence et de l'extrémisme", a déclaré Hassan Rohani, promettant d'être le président de tous les Iraniens.

Les pouvoirs du président en Iran sont limités par ceux du Guide suprême de la Révolution, qui a rang sur lui.

Mais l'ampleur de la victoire de Hassan Rohani, 68 ans, donne au camp réformiste son mandat le plus solide depuis une douzaine d'années pour mener à bien le changement que les conservateurs refusent depuis des décennies.

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre de Téhéran pour célébrer la victoire de Hassan Rohani. Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrent de jeunes gens criant : "nous t'aimons Hassan Rohani, nous te soutenons."

REVERS POUR LES GARDIENS

Ebrahim Raisi, considéré comme un successeur potentiel à Ali Khamenei, qui aura 78 ans en juillet, fut l'un des quatre juges islamiques qui avaient ordonné l'exécution de plusieurs milliers de prisonniers politiques en 1988. Sa défaite laisse les conservateurs sans porte-drapeau évident.

La participation était une des inconnues du scrutin, le camp modéré redoutant que les difficultés économiques qui pesaient sur le bilan du président sortant (pouvoir d'achat, chômage) ne défournent des urnes une partie des électeurs qui l'avaient porté au pouvoir il y a quatre ans.

A 73%, elle est comparable à celle du scrutin de 2013.

Sa réélection devrait garantir la pérennité de l'accord encadrant le nucléaire iranien conclu en juillet 2015 avec les grandes puissances. Cet accord a permis de sortir l'Iran de son isolement et de lever la plupart des sanctions internationales qui frappaient le pays.

Sa réélection est aussi un revers pour les Gardiens de la révolution, corps d'élite des forces de sécurité qui contrôlent des pans entiers de l'économie iranienne et avaient apporté leur soutien à Raisi.

Pour autant, le président réélu va devoir composer avec les mêmes limites qui ont réduit sa capacité à transformer l'Iran lors de son premier mandat et ont avant lui entravé Khatami. Le Guide suprême peut opposer son veto à toutes les politiques et dispose du contrôle ultime sur les forces de sécurité.

Mais, en remerciant publiquement "mon cher frère, Mohammad Khatami", dans son discours de victoire, le président Rohani a semblé vouloir relever le défi face aux autorités religieuses chiites, qui ont interdit Khatami de vie publique pour son soutien à d'autres réformateurs assignés à résidence.

Pendant la campagne, Hassan Rohani a brisé plusieurs tabous en s'en prenant aux élites conservatrices et en dénonçant le bilan de la théocratie en matière de droits de l'homme.

Lors d'un meeting, il a ainsi évoqué les ultraconservateurs comme "ceux qui coupaient les langues et cousaient les bouches".

RELATION DÉLICATE

De nombreux experts sont toutefois sceptiques sur la marge de manoeuvre d'un président en Iran.

"L'histoire des élections présidentielles des deux dernièers décennies se résume à quelques jours d'euphorie suivis de longues années de désillusion", rappelle Karim Sadjadpour, chercheur associé au Carnegie Endowment et spécialiste de l'Iran. "En Iran, la démocratie n'est autorisée à fleurir que quelques journées tous les quatre ans, tandis que l'autocratie est, elle, à feuillage persistant".

Le corps des Gardiens de la révolution islamique pourrait aussi être tenté de faire capoter tout nouveau rapprochement avec l'Occident par des interventions de ses troupes d'élite au Moyen-Orient, estime Meir Javedanfar, chercheur israélien né en Iran au Centre interdisciplinaire de Herzliya.

"Depuis la révolution de 1979, chaque fois que les tenants de la ligne dure ont perdu une bataille politique, ils ont essayé de marquer des points. Je redoute une politique plus hostile des Gardiens de la révolution dans le Golfe persique et une politique plus hostile vis-à-vis des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite", dit-il.

Hassan Rohani devra aussi mener une relation délicate avec les Etats-Unis, où la nouvelle administration entretient le doute sur l'accord de 2015, que Donald Trump considère comme "l'un des plus mauvais accords jamais signés". (Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser)