* Réunion des ministres des Affaires étrangères mardi

* Une liste de noms d'individus et de sociétés peut-être établie

* Réunion des chefs d'Etat et de gouvernement fin août

* Sanctionner l'énergie handicaperait certains pays européens

par Barbara Lewis

BRUXELLES, 22 juillet (Reuters) - Malgré leurs discours de fermeté, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne qui se réunissent mardi à Bruxelles ne devraient pas sanctionner la Russie au-delà d'une accélération des sanctions individuelles déjà décidées.

La sévérité des sanctions pourrait tenir à l'attitude des Pays-Bas, qui ont subi les plus lourdes pertes dans l'accident du Boeing 777 de la Malaysia Airlines, qui s'est écrasé jeudi dernier alors qu'il survolait le sud-est de l'Ukraine.

Après le crash, le président américain Barack Obama a poussé l'Europe a réagir de manière plus sévère contre Moscou, ce à quoi les principales puissances européennes, la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne, se sont dites prêtes.

Mais, témoin de la difficulté pour les Vingt-Huit à accorder leurs violons, la France et le Royaume-Uni se sont affrontés verbalement à propos de la décision de Paris de poursuivre ses livraisons de bâtiments de guerre à la Russie.

Pour le Premier ministre britannique David Cameron, partisan d'une plus grande fermeté vis-à-vis de la Russie, le contrat pour la livraison de porte-hélicoptères Mistral à la Russie, qui embarrasse la France depuis le début de la crise en Ukraine, est "impensable".

"Il nous faut faire pression, avec tous nos partenaires, pour dire que nous ne pouvons continuer à faire des affaires comme à l'accoutumée avec un pays qui se comporte de cette façon", a dit le chef des Conservateurs britanniques lors d'un discours à la Chambre des communes.

"ll est temps de faire sentir notre pouvoir, notre influence et nos ressources", a dit David Cameron, estimant que le temps était venu de passer au "stade trois" des sanctions, une série de mesures visant des secteurs spécifiques de l'économie russe.

ACCORD SUR LES PERSONNES

"La Russie ne peut pas s'attendre à continuer à bénéficier de l'accès aux marchés européens, au capital européen, à la connaissance et au savoir-faire technique européens alors qu'elle alimente le conflit chez l'un de nos voisins européen", a-t-il ajouté en écho à ses propos dans le Sunday Times.

Lundi soir, François Hollande a souligné que la livraison d'un second porte-hélicoptères Mistral à la Russie dépendrait de l'attitude de Moscou dans le dossier ukrainien.

On explique de source française que seules des sanctions décidées par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne pourraient en empêcher la livraison.

La réunion de mardi à Bruxelles, indiquent des diplomates, ne devrait pas aller beaucoup plus loin qu'un accord sur les personnes, et éventuellement les sociétés, à toucher par des gels d'avoirs dans le cadre plus énergique décidé la semaine dernière. Auparavant, il avait été dit que la liste serait établie fin juillet.

Les dirigeants européens ont décidé le 16 juillet de sanctionner les "entités, notamment de la Fédération russe, qui supportent matériellement ou financièrement des actions affaiblissant ou menaçant la souveraineté ukrainienne".

Selon certains diplomates, un nouveau renforcement des sanctions économiques ne pourra être décidé que par les chefs de gouvernement et le prochain Conseil européen est prévu le 30 août. Certains dirigeants pourraient toutefois appeler à une réunion extraordinaire avant cette date.

MANDAT MORAL

L'attitude des Pays-Bas, qui ont perdu 193 ressortissants dans le crash, sera cruciale, indiquent des diplomates.

"L'impulsion doit être donnée par La Haye, car ils ont le mandat moral pour réclamer une réaction ferme et résolue", considère un diplomate européen ayant requis l'anonymat.

"Les événements devraient accélérer la mise en place des sanctions, commente un autre diplomate, mais tant qu'il n'y a pas de nouvelle réunion du Conseil européen, les ministres ne peuvent pas aller plus loin, même s'ils le voulaient."

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a déclaré lundi que l'Union européenne imposerait de nouvelles sanctions à la Russie si la responsabilité directe ou indirecte de Moscou dans l'accident du Boeing 777 était prouvée.

Les Etats-Unis et l'Ukraine accusent les séparatistes pro-russes d'avoir abattu l'avion avec l'aide de Moscou. La Russie a nié être impliquée.

Les sanctions prises contre la Russie devraient peser lourdement sur les économies de certains pays d'Europe parmi les plus pauvres, soulignent certains diplomates.

La question du secteur de l'énergie est particulièrement sensible, tant pour Moscou que pour l'Union européenne, qui importe un tiers de son gaz de Russie.

"Des sanctions sur l'énergie pourraient porter atteinte au fragile redressement de l'économie européenne et pourraient même mener à un effondrement de l'économie de certains Etats membres", selon un diplomate.

Alors que certains Etats tels que la Grande-Bretagne ne dépendent pas du gaz russe, d'autres n'ont d'autre fournisseur. En volume, l'Allemagne et l'Italie sont les plus exposés.

Si l'Union européenne décidait de sanctionner le secteur de l'énergie, les différents Etats membres auraient à se mettre d'accord pour se partager le fardeau, dit-on de mêmes sources. (Agathe Machecourt et Danielle Rouquié pour le service français)