Guillaume Demulier, Roche Bobois a vu son carnet de commandes, son chiffre d’affaires et ses résultats exploser depuis 2 ans. Cependant, le volume d’affaires du 3e trimestre montre une inflexion. La baisse des résultats en 2023 attendue par les analystes est-elle inéluctable ?  

"Certainement pas. L’environnement ambiant, négatif et anxiogène, pèse déraisonnablement sur leurs projections. A ce stade, après un été pendant lequel le volume d’affaires, traditionnellement faible à cette saison, a pâti d’un effet de base difficile lié à la crise Covid, nous constatons depuis septembre une très bonne dynamique d’affaires qui nous assure une croissance des ventes au 1er semestre 2023. Je rappelle que nous n’avons pas de stock et que nous faisons produire en Europe, à la commande, ce qui crée un décalage de 4 mois en moyenne entre la prise de commande et l’enregistrement du chiffre d’affaires lors de la livraison. Compte tenu d’un portefeuille de commandes restant à livrer au 30 septembre 2022 de 162,1 M€ (+26 M€ sur un an) et de l’absence de problèmes de production, nous sommes à l’aise avec nos objectifs annuels, à savoir plus de 385 M€ de CA pour un EBITDA en forte hausse." 

(source : société)  

 

L’inflation et les problématiques de pouvoir d’achat vous touchent-elles ? 

"Notre clientèle, diversifiée géographiquement, est relativement épargnée. De plus, l’importance de l’aménagement intérieur reste une problématique forte post Covid et s’inscrit un peu plus dans la durée en ce qui concerne notre clientèle. Nous avons augmenté nos prix de 6 à 8% au fur et à mesure des hausses des matières premières subies par nos fournisseurs, sans que cela ne dégrade nos volumes. Notre marge brute s’est même améliorée au 1er semestre (+0,9 point à 60,3%) grâce à l’augmentation des volumes vendus, au poids croissant de l’Amérique du Nord où notre positionnement est proche du luxe et à la hausse du dollar américain. Depuis, nous constatons une accalmie sur les prix, stabilité que nous retrouvons dans nos derniers prix d’achat, et les phénomènes qui ont porté notre marge brute au S1 restent présents au S2." 

Répartition géographique du CA 9 mois (source : société)  

Roche Bobois est présent aux Etats-Unis depuis 1974 et y réalise une partie importante de ses résultats. A quoi attribuez-vous le succès sur ce territoire difficile à conquérir pour les détaillants européens ? Quelle est votre ambition dans cette région ? 

"Notre présence depuis très longtemps sur la zone Amérique du Nord a permis d’installer notre marque au point que Roche Bobois est la 2e marque européenne de meuble aux Etats-Unis après Ikéa et figure dans le top 60 des marques de meuble outre-Atlantique. Les emplacements premium que nous y occupons depuis les 1970/1980 y sont pour quelque chose. Nous venons de racheter un franchisé important sur ce territoire puisqu’il réalise 11,6 M$ de CA en 2021 à travers les 3 magasins que nous détiendrons en propre et que nous avons vocation à rénover et agrandir. Avec 43 magasins dont 37 détenus en propre, la zone US/Canada est aujourd’hui notre premier marché en CA et en EBITDA. Nous comptons poursuivre les ouvertures sur cette zone à un rythme de 3 magasins par an. Le rachat des franchises sur tous les territoires où nous avons fait nos preuves et où nous faisons des volumes importants fait partie de notre stratégie. A ce titre, la Chine, compte tenu de l’énorme potentiel de vente qu’elle représente, pourrait rapidement entrer dans cette logique. Notre volume d’affaires via la franchise en Chine a ainsi doublé entre 2019 et 2021." 

Comment le prix de rachat des franchisés est-il défini et quelle création de valeur obtenez-vous de ce type d’opération ? 

"Le prix reste confidentiel mais le retour sur investissement est très rapide compte tenu de notre pouvoir de négociation. En effet, comme nous n’avons aucune obligation de reconduire les contrats de franchise qui arrivent à terme tous les trois ans, nos franchisés n’ont pas intérêt à exiger des prix de vente déraisonnables." 

Roche Boboisrachète ses propres actions en Bourse et vient de verser un acompte sur dividende ce 6 décembre. Quelle est votre stratégie d’allocation du capital sachant que le flottant est faible ? 

"Le groupe rachète des actions à bon compte sur le marché afin, à ce stade, de couvrir les plans d’actions gratuites. Les actionnaires actuels, que ce soient les familles ou le fonds italien coté Tamburi Investment Partners, ont peu vendu depuis l’IPO, mais elles pourraient à l’avenir opérer des sorties partielles et organisées en fonction des opportunités. En attendant, le flottant reste limité, ce qui pénalise notre valorisation. Concernant notre politique financière, nous profitons de la très forte génération de cash actuelle pour augmenter le retour à l’actionnaire via la distribution d’un dividende en hausse. A ce titre, le groupe a versé début décembre un acompte sur dividende ordinaire de 1€ par action au titre de l'exercice 2022 en cours. Nous allons poursuivre le remboursement de notre dette et placer notre trésorerie excédentaire à des taux devenus plus attractifs." 

Les familles fondatrices détiennent 54,3% du capitaldu groupe et restent impliquées dans la gouvernance. La direction générale du groupe a-t-elle vocation à redevenir familiale ? 

"Ce n’est a priori pas le sens de l’histoire. Le management n’est plus familial depuis la fin des années 2000. De plus, la structure du capital (deux familles en concert, un fonds d’investissement côté à Milan et notre propre cotation) plaide pour un management capable d’accorder toutes les parties en présence. Cet équilibre, au conseil de surveillance et au directoire, est aujourd’hui l’une des grandes forces de Roche Bobois." 

Actionnariat du Groupe (source : société)  

Bref portrait de Guillaume Demulier, Président du Directoire 

Agé de 49 ans, Guillaume Demulier a rejoint le Groupe en 2011. Il débute sa carrière chez Ernst & Young en 1996 avant de rejoindre la société Louis Vuitton en 1999 où il est resté 10 ans, d’abord en tant que responsable du département contrôle interne & organisation, puis en tant que directeur financier de la zone Amérique Latine et Afrique du Sud. Il devient ensuite directeur financier du groupe Marithe & François Girbaud jusqu’à son arrivée au sein du Groupe Roche Bobois en 2011 en tant que Directeur Financier avant de devenir Président du Directoire en juillet 2019. Guillaume Demulier est diplômé d’HEC. 

 

L'auteur est actionnaire de l'entreprise.