* Des manifestations à travers le pays

* Demande de libération de l'opposant Alexeï Navalny

* Le Kremlin estime que les manifestations sont illégales

par Tom Balmforth, Gabrielle Tétrault-Farber et Andrew Osborn

MOSCOU, 23 janvier (Reuters) - Les forces de l'ordre russes ont arrêté plus de 350 personnes samedi, à Moscou, dans l'Extrême-Orient et en Sibérie, alors que des manifestants, bravant les températures extrêmes et les injonctions du gouvernement, participaient à un mouvement national de mobilisation pour réclamer la libération de l'opposant Alexeï Navalny.

Alexeï Navalny a été arrêté dimanche dernier et emprisonné pour violation présumée de sa liberté conditionnelle, après être rentré en Russie pour la première fois depuis son empoisonnement par un agent neurotoxique.

L'opposant, qui avaient anticipé une probable arrestation, avait exhorté ses partisans avant son retour à participer à des manifestations répétées, dont une samedi.

A Moscou, la police a arrêté au moins une centaine de manifestants avant que la manifestation - prévue à 11h00 GMT (12h00 heure française) - ne commence, en les regroupant dans des vans.

Quelque 1.000 personnes s'étaient rassemblées en fin de matinée. Il était possible d'entendre certains crier : "Poutin est un voleur" et "Honte à vous", alors que la police tentait de dissoudre les attroupements.

La police a notamment interpellé Lyubov Sobol, proche ami d'Alexeï Navalny, selon ce qu'a observé un reporter de Reuters.

Des images vidéo montrent par ailleurs des policiers courir après des manifestants dans les rues de Khabarovsk, plus grande ville de l'Extrême-Orient russe, alors que les températures avoisinaient les -14 degrés Celsius. Il était possible d'entendre les manifestants scander : "Bandits".

369 PERSONNES INTERPELLÉES

D'autres images vidéo montrent des policiers attraper un manifestant par le bras et la jambe et le transporter dans un van, à Yakoutsk, en Sibérie, la ville la plus froide de Russie, où le mercure est descendu ce samedi à -52 degrés Celsius.

Selon le groupe de surveillance OVD-Info, 369 personnes, dont 67 à Novossibirsk, en Sibérie occidentale, ont été arrêtées par les autorités en fin de matinée. L'organisation dénombre des interpellations dans une quarantaine de villes.

L'opposant Dmitry Gudkov a fait savoir que l'ampleur de la mobilisation dans ces régions était inhabituelle.

"Tout le monde doit en avoir assez avec les vols et les mensonges si les régions se sont soulevées comme ça, sans attendre Moscou. Des centaines de personnes, voire des milliers dans de petites villes", a-t-il écrit sur Twitter.

Les autorités ont décrété ces manifestations illégales. Le Kremlin n'a pas souhaité pour l'instant faire de commentaire.

Les services de réseaux téléphoniques et internet ont connu des interruptions samedi, selon le site de surveillance downdetector.ru, une tactique parfois utilisée par les autorités pour rendre les communications et le partage de vidéos entre manifestations plus compliqué.

LES PAYS OCCIDENTAUX CONDAMNENT

Alexeï Navalny, qui accuse le président Vladimir Poutin d'avoir ordonné son exécution, est poursuivi par la justice dans quatre affaires qui, selon lui, sont montées de toutes pièces à des fins politiques, et pour lesquelles il risque des peines de prison se comptant en années, s'il est reconnu coupable. Vladimir Poutin nie toute implication.

Pour rallier la population à sa cause, l'opposant russe et sa fondation ont diffusé mardi une vidéo dans laquelle il dénonce un "palais" dont se serait doté le président russe. Ils ont également publié ce qu'ils disent être des photographies inédites et des visualisations en 3D détaillées des plans du palais.

En 2014, Reuters a rapporté que la propriété, située sur la côte de la mer Noire près de Guelendjik, avait été en partie financée par l'argent des contribuables à partir d'un projet d'hôpital d'un milliard de dollars. A l'époque, un porte-parole de Vladimir Poutine n'avait pas répondu aux questions de Reuters.

Les Nations unies et les pays occidentaux ont condamné la détention d'Alexeï Navalny et demandé sa libération immédiate. Les ministres des Affaires étrangères de l'Unions européenne devraient débattre lundi à Bruxelles de nouvelles sanctions économiques à l'encontre de la Russie.

Les législateurs européens ont déjà adopté jeudi une résolution demandant à l'UE l'arrêt de la construction du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne, en réponse à l'arrestation de Navalny. (avec Polina Ivanova, Maria Tsvetkova, Polina Nikolskaya, version française Caroline Pailliez)