S'exprimant sur France 2, Bruno Le Maire a défendu la création de cette structure d'investissement et de solidarité à la veille d'un conseil européen des ministres des Finances où le clivage entre pays du Nord et du Sud risque de se manifester une nouvelle fois.

"Demain (mardi) à l'occasion de la réunion des ministres des Finances européens, il doit y avoir un paquet global qui comprend à la fois des mesures immédiates et également ce fonds de solidarité, ce fonds d'investissement de long terme qui marquera à la fois la solidarité des pays européens et notre capacité à relancer l'économie après la crise", a dit Bruno Le Maire.

S'efforçant de déminer par avance les objections de l'Allemagne, des Pays-Bas ou encore de la Finlande, par principes tous hostiles à la mutualisation de la dette des Etats, le ministre a assuré que le fonds qu'il appelle de ses voeux était un "instrument nouveau" et non une mutualisation de la dette passée.

"Nous faisons simplement un emprunt au niveau de la Commission européenne qui va financer les dépenses futures (...) pour un temps limité, cinq à dix ans, et nous le faisons uniquement pour des dépenses d'investissement."

"Imaginez demain qu'après une crise d'une violence qui n'est comparable qu'à celle de 1929, vous ayez des Etats qui redémarrent très vite parce qu'ils en ont les moyens et d'autres qui redémarrent très lentement (...). L'Europe ne résistera pas à cela, elle explosera si elle ne fait pas preuve de solidarité."

Il retrouvera mardi ses homologues européens pour un conseil des ministres des Finances au terme duquel ils devront s'accorder sur des mécanismes de soutien à l'économie européenne, quasiment à l'arrêt depuis l'instauration de mesures de confinement et qui s'achemine vers une récession sévère.

TROIS AXES

"Les ministres devraient dresser une listes d'idées à transmettre à leurs dirigeants afin que ces derniers en discutent et fassent leur choix", a déclaré vendredi un haut responsable de la zone euro.

"Les trois idées qui bénéficieront probablement du plus fort soutien sont celles qui proposent le recours au mécanisme européen de stabilité (MES) et à la Banque européenne d'investissement (BEI) ainsi que le projet d'extension des mesures de chômage partiel proposé par la Commission européenne."

La ligne de crédit disponible à puiser dans le MES pourrait représenter jusqu'à 2% du PIB du pays qui la sollicite, être disponible pendant une durée de 12 à 24 mois avec une maturité de 5 à 10 ans.

Son octroi serait cependant conditionné au respect d'un certain nombre de critères liés à la pandémie de coronavirus et son emploi pourrait aboutir au rachat illimité d'obligations par la Banque centrale européenne si les rendements venaient à exploser.

Le deuxième axe de réflexion tourne autour de garanties accordées à la BEI, autour de 25 milliards d'euros, ce qui lui permettrait de fournir jusqu'à 200 milliards d'euros de prêts supplémentaires aux petites et moyennes entreprises.

La troisième piste à l'étude est celle que défend la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et qui consiste à proposer au maximum d'entreprises le recours à des mesures de chômage partiel pour éviter qu'un nombre considérable de salariés se retrouvent au chômage.

Ce mécanisme européen s'inspire de dispositifs existants en Allemagne ou en France, par exemple, et qui prévoient que les finances publiques prennent en charge une partie des salaires afin de dissuader les entreprises de procéder à des licenciements.

Pour le financer, la Commission emprunterait sur les marchés en se servant de sa note de crédit maximale - le triple A qui lui assure des prêts aux taux les plus bas - et prêterait à son tour ces sommes à des conditions avantageuses aux Etats-membres, dont beaucoup ne peuvent se prévaloir d'une notation aussi avantageuse et n'ont donc pas accès aux meilleurs taux.

(Nicolas Delame, avec Jan Strupczewski à Bruxelles, édité par Jean-Michel Bélot)