Commençons par représenter les rendements journaliers de notre cher indice du CAC40 sur les 20 dernières années (depuis le 11 juin 2002).

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Distribution des rendements journaliers du CAC40 depuis 20 ans. Source : Zonebourse

Sans surprise, les rendements semblent se répartir de manière équilibrée autour de 0 (tout de même très légèrement décalé vers la droite en réalité). Cette répartition nous rappelle étrangement une loi statistique bien connue, la loi normale ! Mais restons sur nos gardes…

La largeur de la cloche qui semble se dessiner nous donne une information capitale très surveillée des financiers et des scientifiques : plus la cloche est large, plus la capacité du cours à varier dans les extrêmes est importante. On appelle cela la volatilité, caractérisée par l’écart-type de la série temporelle des rendements. 

Certains estiment qu’un investisseur long terme ne doit pas se soucier de la volatilité mais seulement la vivre et faire preuve de patience, pour autant, elle a un impact considérable sur la précision des projections que l’on peut engendrer.

 

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Mise en valeur du concept de volatilité. Source : Zonebourse

Revenons à nos moutons. L’objectif du calcul de la VaR (Value at Risk), autrefois utilisée massivement par les hedge fund (nous verrons qu’une version améliorée existe), est d’appréhender la perte maximale que le fonds doit être en mesure d’absorber dans un scénario pessimiste. Cela lui permettra entre autres de définir le niveau de levier auquel il peut avoir recours, nous verrons ça avec un exemple.

Reprenons notre premier graphique. Comptons le nombre de séances sur lesquelles le CAC40 a réalisé une performance inférieure à -8%. Ne vous fatiguez pas, je l’ai fait pour vous, il y en a 5. 5 séances sur un total de 5122 séances (notre échantillon). Ce qui correspond à une probabilité d’occurrence d’environ 0.1% (on appelle ça un événement de queue). Dit autrement, en investissant sur le CAC40, vous avez 99.9% de chances de réaliser une performance journalière supérieure à -8% si l’on en croit les historiques. On pourrait alors dire que la VaR(99.9) = -8%.

 

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Distribution des rendements journaliers du CAC40 depuis 20 ans. Source : Zonebourse

Il est possible de répéter l’exercice pour des seuils de confiance différents. La VaR(95) =-2.2% (262 séances sur 5122) et la VaR(99)=-4.2% (54 séances sur 5122).

Cependant, il s’agit d’historiques et les financiers se reportent la plupart du temps sur des modèles. Ils se servent sans arrêt de données historiques (puisque c’est la seule chose qu’ils ont à leur disposition) pour faire des projections sur le futur, mais font souvent face à un problème majeur : la discontinuité des données. Si l’échantillon n’est pas assez grand, il est fort probable que la VaR calculée sur les historiques bruts ne soit pas assez représentative de ce qui peut se passer dans le futur. Être capable de “fitter” une loi normale sur notre histogramme nous permettrait d’avoir une distribution continue des rendements et donc décrire l’ensemble des possibilités de manière cohérente. Pour se faire, on a besoin de l’écart-type et de la moyenne de notre série temporelle ainsi que d’un simple tableur Excel.

 

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Distribution des rendements journaliers et loi normale. Source : Zonebourse

Calculer la VaR ne consiste plus à sommer les fréquences d’apparitions de nos évènements, il s’agit maintenant de calculer des aires sous une courbe. Une VaR(95) se calcule alors de la même manière que l’on calculait un intervalle de confiance au lycée sauf que l’on s’intéresse uniquement à l’extrémité inférieure de l’intervalle qui correspond à nos scénarios pessimistes. On a donc VaR(95) = -1.96 x écart-type, soit -2.79% pour la loi normale avec laquelle on modélise la distribution du CAC40 (l’écart-type des rendements du CAC40 en données journalières sur les 20 dernières années est de 1.42%). Vous noterez que le résultat est différent de celui que l’on obtient avec les données brutes justement parce que la distribution n’est pas tout à fait identique (nous reviendrons sur ce point dans les limites). Avec la même méthodologie, on trouve que la VaR(95) du S&P500 est de -2.42% sur la même période. A l’évidence, cette différence s’explique cette fois-ci par le nombre de valeurs incluses dans l’indice, qui stabilise ce dernier (l’écart-type des rendements du S&P500 en données journalières sur les 20 dernières années est de 1.23%).

Notons que nous sommes aussi capables de calculer la VaR sur un plus grand intervalle de temps et ne pas se contenter d’un scénario qui se ramène à une seule séance catastrophique. La VaR 10jours (95) correspond par exemple au résultat d’un scénario comprenant 10 journées médiocres consécutives. Pour obtenir la VaR Xjours (95), il suffit de multiplier VaR(95) par Racine(X), X étant le nombre de journées consécutives souhaité : VaR 10jours (95) = -1,96 x écart-type x racine (10).

Prenons maintenant le cas d’un hedge fund (un fond alternatif spéculatif qui utilise le levier de l’endettement pour parier sur différentes variables) qui souhaite constituer un actif de 100 Md€. Pour savoir comment structurer le financement de cet actif, il peut s’appuyer sur la VaR 10jours (99) par exemple. L’équipe de gestion se base sur ce scénario pessimiste pour savoir de combien de fonds propres elle va avoir besoin pour ne pas faire faillite dans le cas où il se réalise. Typiquement si la VaR10 jours (99) = -11.6%, le fonds va lever un minimum de 11.6 Mds€ de capitaux propres auprès d’investisseurs et 88.4 Mds€ de dettes. Son levier (totalité des actifs par rapport à la quantité d’argent provenant des investisseurs) sera donc de 11.6.

 

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Calcul du levier d'un fond hypothétique en fonction de la 10j-VAR(99). Source : Zonebourse

Vous l’aurez compris, cette méthodologie de calcul de la VaR a ses limites. En réalité, la distribution des rendements des indices ne suit pas tout à fait une loi normale. L’amortissement de la courbe aux environs de la moyenne est plus doux dans le cas des données réelles. Cette remarque est très importante puisque cela signifie que le modèle ne décrit pas correctement les queues de la cloche sur lesquelles on se base pour calculer notre VaR. A ce propos, les hedge fund utilisent aujourd’hui une version améliorée de la VaR que l’on appelle l’Expected Shortfall (ES), Average Value at Risk (AVaR) ou encore Conditional Value at Risk (CVaR). Cette métrique est plus sensible à la forme des queues de la loi de distribution.

De même, l’utilisation d’une loi statistique suppose que l’on fasse l’hypothèse que les rendements des séances boursières successives sont indépendants les uns des autres. Or en période de crise, un cercle vicieux peut se mettre en place. Une séance boursière catastrophique amène les investisseurs à vendre, ce qui entraîne à nouveau une baisse le jour suivant. Il suffit de regarder le cours d’un indice pour comprendre qu’il chute généralement plus rapidement en période de stress qu’il ne monte lorsque la visibilité est meilleure. Encore une fois, pour compenser cette limite, les gérants développent des batteries de stress tests plus développées que le simple calcul d’une VaR. Mais chaque nouvelle crise apporte son lot de surprises et présente des caractéristiques différentes. Un fond ne pourra jamais se protéger de tous les scénarios possibles.

Disclaimer :

Evidemment, l'ensemble des concepts présentés dans cet article ne peuvent pas vous permettre d'évaluer avec précision combien vous pouvez perdre sur les marchés financiers. L'objectif est simplement de vous présenter l'un des multiples outils que les financiers utilisent dans la gestion du risque.