Paris (awp/afp) - Écarté à la surprise générale la semaine passée, le patron de Soitec, une des rares stars françaises des semi-conducteurs, a promis jeudi une "transition en douceur", après la courte crise de gouvernance qui a secoué l'entreprise et son cours de Bourse ces derniers jours.

"Avec le comité de direction, je ferai bien sûr tout ce qui est en mon pouvoir pour assurer une transition douce" avec le futur directeur général, a expliqué devant des analystes financiers Paul Boudre, candidat malheureux à sa propre succession.

"Je respecte pleinement la décision du conseil d'administration" de nommer Pierre Barnabé (l'un des dirigeants actuels du groupe informatique français Atos, NDLR), a ajouté M. Boudre, qui présentait les résultats trimestriels de l'entreprise en présence d'Éric Meurice, le président du conseil d'administration.

Soitec fabrique des matériaux sur lesquels ses clients peuvent ensuite graver des semi-conducteurs. Son produit vedette, le silicium sur isolant, est présent dans tous les smartphones dans le monde.

L'annonce de l'arrivée de M. Barnabé à la fin du mandat de M. Boudre (en juillet prochain) avait surpris analystes financiers et autres experts du secteur la semaine passée.

Ceux-ci s'attendaient à une reconduction, au moins transitoire, de M. Boudre, qui a mené en quelques années un brillant retournement de situation dans cette entreprise de près de 2.000 salariés, passée tout près du dépôt de bilan en 2015 mais désormais en pleine croissance et très rentable.

Fait exceptionnel, le comité exécutif de l'entreprise s'est dissocié de la décision du conseil d'administration et lui a demandé de revenir dessus, dans une lettre transmise à la presse.

"Je suis désolé" que la nomination "non attendue" de M. Barnabé, et "l'émotion" suscitée en interne, "aient conduit à cette surréaction", a déclaré M. Meurice.

"Nous présentons nos excuses de ne pas avoir clarifié" le fait que plusieurs candidatures étaient examinées pour succéder à M. Boudre à l'expiration de son mandat, a-t-il ajouté.

Chute en Bourse

Depuis l'annonce de ce départ et la publication dans la presse du "coup de gueule" du comité de direction, l'action Soitec a plongé de plus de 20% à la Bourse de Paris.

Jeudi après-midi, elle valait 165,50 euros, loin de son cours antérieur à la crise (205 euros le 19 janvier).

Les raisons du divorce entre M. Boudre et le conseil d'administration restent difficiles à décrypter. Son président a invoqué la nécessité de nommer un nouveau directeur général, alors que l'entreprise entre dans des dimensions nouvelles.

Soitec prévoit dans son plan stratégique d'arriver à un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars d'ici à 2025-2026, contre 237 millions d'euros en 2015-2016, au moment M. Boudre amorçait le redressement de l'entreprise.

Cette progression des ventes reposerait notamment sur une nouvelle production de substrats à base de carbure de silicium, appelés à jouer un rôle clef dans les semi-conducteurs utilisés par les véhicules électriques.

L'entreprise doit construire une nouvelle usine, pour laquelle la France est en concurrence avec Singapour.

"Une localisation a clairement été identifiée. Nous annoncerons notre décision d'ici la fin de cet exercice", soit le 31 mars 2022, a indiqué jeudi M. Boudre.

Soitec a annoncé mercredi soir un bénéfice record de 208 millions d'euros pour le troisième trimestre de son exercice décalé 2021-2022. La société s'attend à une croissance de 45% de son chiffre d'affaires sur cet exercice, à environ 975 millions de dollars.

afp/rp