La chaîne de parfumerie du groupe LVMH, qui compte près de 2.000 points de vente dans le monde et en ouvre une centaine par an, serait une des premières grandes enseignes occidentales de cosmétiques à s'installer dans le pays.

"Ils sont en train de finaliser leurs discussions avec un partenaire (...). Ils espèrent ouvrir plusieurs magasins à partir de 2016", a indiqué une de ces sources, tandis que, selon une autre, "Sephora est bien avancée dans ses discussions avec les distributeurs".

Sephora s'est refusé à tout commentaire.

Depuis la signature, en juillet, de l'accord de Vienne sur le programme nucléaire de Téhéran et la perspective d'une levée des sanctions internationales d'ici à l'été 2016, le marché iranien attise toutes les convoitises.

La population est nombreuse (80 millions d'habitants), jeune, urbaine et éduquée. Surtout, l'appétit pour les produits de luxe est immense.

"Téhéran compte une des plus grosses concessions de Porsche du Moyen-Orient", souligne Michel Makinsky, directeur général du cabinet de conseil Ageromys International.

Le marché des cosmétiques et des soins du corps est évalué à 3,5 milliards de dollars par Euromonitor, deuxième de la région derrière l'Arabie saoudite, et pourrait tripler en cinq ans.

Le maquillage a, de tout temps, eu une très grande place dans le rituel de beauté des Iraniennes qui peuvent utiliser jusqu'à trois tubes de rouges à lèvre et un mascara par mois.

"Culturellement, les femmes iraniennes sont très à cheval sur leur apparence. Elles ne sortent jamais sans maquillage. C'est une question de dignité", explique Zahra Azmoudeh-Giacomini, présidente de l'agence CosmopoliStan.

Même dans les familles traditionnelles, le maquillage des jeunes filles est de plus en plus accepté.

LE PARFUM EN VEDETTE

Les Iraniennes sont aussi très portées sur le parfum, qui représente le tiers du marché, avec une consommation moyenne de 23 flacons par an (dont les cadeaux), contre trois en France.

"On estime que les femmes consacrent jusqu'à un tiers de leur salaire à la beauté", précise Reza Miremadi, distributeur exclusif des produits grand public de L'Oréal (L'Oréal Paris, Maybelline, Garnier) en Iran.

Les cosmétiques, comme d'autres produits de consommation courante, n'ont pas été concernés par l'embargo international et nombre de marques sont vendues en Iran, comme Lancôme, YSL et Armani (groupe L'Oréal), Clarins ou Dior (LVMH).

Mais leur distribution, qui passe par des parfumeries spécialisées encore peu développées, reste limitée par des circuits financiers complexes - bureaux de change passant par Dubaï - faute de transactions avec les banques internationales.

La PME toulousaine Graine de Pastel a été la première à franchir le pas. En attendant son enregistrement, elle s'apprête à ouvrir une boutique en franchise sur l'île de Kish, zone franche au sud du pays.

"Le marché iranien du soin de la peau est encore assez peu développé et c'est une formidable opportunité pour nous", a déclaré à Reuters la cofondatrice de la marque, Carole Garcia.

Le marché de la dermo-cosmétique a aussi un brillant avenir, avec une demande explosive de produits de comblement des rides, auprès d'une population qui a massivement recours à la chirurgie esthétique du nez, hommes compris.

LA PRUDENCE DE CHANEL

Aujourd'hui, une poignée de griffes comme ST Dupont ou Swarovski ont une boutique à Téhéran, tandis que Rolex, Cartier (Richemont) ou Bulgari (LVMH) sont vendues chez des détaillants multimarques.

Si certaines comme Louis Vuitton, Dior ou Bulgari, s'apprêtent à faire le voyage de Téhéran, les incertitudes politiques et le manque d'infrastructures adaptées font de l'Iran un objectif de moyen terme.

Chanel, Christian Dior Couture, Hermès ou Kering, propriétaire de Gucci, tous disent leurs intérêt mais aussi leur réserve, à court terme du moins.

"Nous sommes très prudents. Ce n'est pas une chose à laquelle nous avons pensé (...) Il existe encore un certain décalage et l'ouverture du pays est très récente", a déclaré à Reuters Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel, qui ne distribue pas non plus ses parfums dans le pays.

Pour Sidney Toledano, PDG de Christian Dior Couture, "il faut voir comment les choses évoluent sur le plan politique et aussi avoir des infrastructures adaptées".

"Ce n'est pas du court terme, mais les choses peuvent évoluer relativement vite, a-t-il cependant ajouté.

Hermès affirme ne pas avoir de projet en Iran et Kering dit donner la priorité aux marchés où il est déjà présent.

Les obstacles restent en effet importants dans un pays où les procédures administratives sont lourdes et où les circuits parfois opaques obligent à trouver un partenaire local fiable.

Pour des marques pour lesquelles l'image est primordiale, les infrastructures (rues, malls) doivent aussi offrir un environnement adapté.

"Pas moins de 300 projets de 'malls' sont programmés dans les deux ans qui viennent", note Daniel Cressis, consultant auprès de NPHI, propriétaire de Safir, première chaîne de parfumeries du pays. Dans le nord de Téhéran, près des quartiers résidentiels, plusieurs d'entre eux sont en construction et ont vocation à se positionner sur le haut de gamme.

La formation est cruciale et le recrutement n'est pas simple. "Il y a un vrai besoin de formation aux techniques de ventes et de service", note Reza Miremadi.

Des droits de douane prohibitifs constituent aussi un obstacle. Dans les cosmétiques, les taxes à l'entrée (d'environ 50%) dopent le marché parallèle. Importations illégales et produits contrefaits, écoulés dans les bazars, représentent environ la moitié du marché, selon Reza Miremadi.

(Edité par Jean-Michel Bélot)

par Pascale Denis et Astrid Wendlandt