PARIS/WASHINGTON/CANBERRA, 17 septembre (Reuters) - La France est entrée dans une crise diplomatique sans précédent après avoir rappelé vendredi ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie pour consultations après l'annulation par Canberra du contrat de fourniture de sous-marins français au profit d'un partenariat stratégique avec Washington et Londres.

"Cette décision exceptionnelle est justifiée par la gravité exceptionnelle des annonces effectuées le 15 septembre par l’Australie et les Etats-Unis", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian dans un communiqué.

"L’abandon du projet de sous-marins de classe océanique qui liait l’Australie à la France depuis 2016, et l’annonce d’un nouveau partenariat avec les Etats-Unis visant à lancer des études sur une possible future coopération sur des sous-marins à propulsion nucléaire, constituent des comportements inacceptables entre alliés et partenaires, dont les conséquences touchent à la conception même que nous nous faisons de nos alliances, de nos partenariats et de l’importance de l’Indopacifique pour l’Europe", a ajouté Jean-Yves Le Drian.

A Washington, un responsable de la Maison blanche a déclaré que les Etats-Unis regrettaient cette décision et s'emploieraient ces prochains jours à régler leurs divergences avec Paris.

C'est la première fois qu'un ambassadeur de France à Washington est ainsi rappelé, dit-on de source diplomatique française.

Le communiqué de Jean-Yves Le Drian ne mentionne pas le Royaume-Uni mais une source diplomatique française précise que la France considère que Londres a accompagné cette opération de "manière opportuniste".

"Nous n'avons pas besoin de consultations à Paris avec notre ambassadrice (à Londres) pour savoir ce qu'en penser et quelles conclusions en tirer", ajoute cette source.

L'annonce, dans la nuit de mercredi à jeudi, de l'annulation de la commande de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle passée auprès de Naval Group, qualifiée de "contrat du siècle", a provoqué la stupeur et la colère des dirigeants français. Jean-Yves Le Drian a dénoncé un "coup dans le dos" de la part de l'Australie.

Vendredi, le Premier ministre australien, Scott Morrison, a reconnu les dommages infligés aux relations entre l'Australie et la France mais a dit avoir informé en juin Emmanuel Macron que l'Australie avait revu sa position sur l'accord et qu'elle pourrait être amenée à prendre une autre décision.

La ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, qui s'exprimait devant l'American Enterprise Institute à Washington vendredi, a dit "absolument comprendre la déception" de Paris, ajoutant qu'il ne faisait "aucun doute" que la France était un allié de valeur aux yeux de Canberra.

Dès jeudi, Jean-Yves Le Drian avait dénoncé un "coup dans le dos" de la part de l'Australie, estimant que la relation de confiance avec Canberra avait été "trahie".

Les relations entre la France et l'Australie sont du coup tombées à leur plus bas depuis 1995. A cette époque, Canberra avait dénoncé la reprises des essais nucléaires français dans le Pacifique Sud et rappelé son ambassadeur en France. (Reportage John Irish, David Brunnstrom, Colin Packham, rédigé par Jean-Stéphane Brosse)