Les tests de résistance, "stress tests" pour les anglo-saxons, ont été généralisés par les grandes banques centrales en réaction à la crise financière de 2008. Pour éviter un effet domino en cas de défaillance d'un acteur financier majeur (jurisprudence Lehman), la Fed, la BCE ou la BoE conduisent régulièrement des simulations pour s'assurer de la solidité financière des banques. La méthode revient à appliquer un scénario de crise sévère à ultra-sévère aux établissements d'importance systémique, pour s'assurer qu'ils tiendront le choc en cas de tempête économique. Si de mauvais élèves émergent, ils doivent se mettre en règle sous la supervision des banquiers centraux et/ou des régulateurs.

La théorie et la pratique

Aux Etats-Unis, la campagne de tests se déroule en deux temps. Une phase quantitative d'abord, qui s'attache à appliquer des scénarios de tension économique aux établissements concernés, 35 en l'occurrence. Les résultats du millésime 2018 avaient été publiés le 21 juin : tous avaient franchi l'écueil. Les choses se sont un peu compliquées hier avec l'arrivée des résultats de la phase qualitative, qui portait sur une liste plus restreinte de 18 banques. L'approche "qualitative" consiste à intégrer dans les tests des éléments plus corrélés à chaque établissement, notamment leurs projections de résultats à moyen terme et les anticipations de rémunération des actionnaires soit par dividende soit par rachat d'actions. 
 

Les banques testées aux Etats-Unis (Source: Fed, CCAR 2018: Assessment Framework and Results, June 2018)

Les stress tests de la Fed sont réputés pour leur sévérité, notamment par rapport à ceux de l'Autorité Bancaire Européenne. L'émanation de la BCE a toutefois durci ses règles pour la campagne en cours, en estimant que son scénario se situe entre les deux hypothèses testées par les Américains (dits "scénario adverse" et "scénario extrêmement adverse").

Fuite des capitaux ?

A ce petit jeu, la Deutsche Bank a été retoquée, comme cela avait déjà été le cas en 2015 et en 2016. Quatorze autres banques, dont BNP Paribas USA, ont franchi l'écueil. Quant aux trois restantes (Goldman Sachs, Morgan Stanley et State Street), elles ont été bridées par la Fed mais ont décroché le sésame. GS et MS doivent revoir en baisse leurs, généreux, plans de rémunération, tandis que SS aura à plancher sur la gestion de son risque de contrepartie. En examinant les tableaux de ratios prudentiels produits par BNP et DB, on constate que l'exercice tourne a priori à l'avantage de la banque allemande, dont les ratios faciaux sont plus élevés. Mais en situation très tendue, la situation se dégrade fortement pour la DB, à qui la Fed reproche des zones de faiblesse dans la distribution de capitaux et dans ses hypothèses, ainsi que des lacunes dans le contrôle du risque.

Le 'Financial Times' affirme dans son édition du 29 juin que la Fed a notamment recalé la banque allemande sur son projet de transférer des fonds de sa division américaine vers sa branche européenne. Si l'information se confirme, les plans de réallocation d'actifs de la DB, en pleine restructuration, pourraient être contrariés, souligne ce matin UBS.
 

A gauche, les ratios de BNP actuels et en scénario "extrêmement adverse". A droite, deux de DB. Cliquer pour agrandir (Source Fed, CCAR)

BNP Paribas USA, business as usual

Pour en revenir à BNP Paribas, il s'agit de la seule banque française à figurer dans le test, compte tenu de son importance sur le marché aux Etats-Unis. "Notre plateforme américaine est bien positionnée pour accompagner la croissance de nos clients entreprises, institutionnels et individuels", s'est réjoui, post-résultats des tests, Jean-Yves Fillion, qui dirige les opérations de BNP Paribas USA. Même dans le scénario le plus adverse examiné par la Fed, BNP Paribas USA (y-compris les divisions Bank of the West et First Hawaiian) affiche des ratios prudentiels adéquats. Au 31 décembre dernier, BNP Paribas USA affichait 139,1 milliards de dollars d'actifs logés au sein de ses deux filiales directes, BancWest Corporation (BWC, la maison-mère de Bank of the West et First Hawaiian) et BNP Paribas US Wholesale Holdings Corporation (WHC). Les tests menés par la banque centrale américaine intègrent les projections de résultats pour les neuf prochains trimestres.