La Maison Blanche, par l'un des raccourcis dont elle a le secret, a estimé que "les entreprises aéronautiques américaines ont perdu des centaines de milliards de dollars de revenus sur les 15 ans du contentieux". L'USTR a annoncé qu'une enveloppe annuelle de 7,5 Mds$ de produits importés d'Europe sera taxée à compter du 18 octobre. Tous les pays européens sont concernés pour certains produits, mais le cœur des sanctions va peser sur l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Espagne, les partenaires du programme Airbus. Ainsi, une surtaxe de 10% sera appliquée aux avions de transport civils produits par l'industriel européen.

En ce qui concerne la France, d'autres produits sont concernés par une surtaxe de 25%. Il s'agit, dans les grandes lignes, de :

  • Différentes catégories d'Olives.
  • Vins autres que le Tokay, dont le degré d'alcool ne dépasse pas 14° et dans des conditionnements ne dépassant pas 2 litres.
  • Certaines pâtes à tartiner de substitution au beurre.
  • Fromage fondu.
  • Jambons, épaules, abats de porc, préparés ou non.
  • Les yaourts, plusieurs sortes de fromages, mais pas le Roquefort.
  • Fruits dont agrumes (clémentines, citrons, oranges) et cerises.
  • Coquillages.

Les produits de luxe du monde de la mode ne sont pas concernés. En revanche, Washington surtaxera l'industrie textile britannique de la laine et de la soie ou les outils et machines-outils allemands. La liste complète est ici.

Focus sur les vins et spiritueux

"Je suis surpris que le Cognac, le Champagne et les liqueurs soient omis de la liste", souligne ce matin l'analyste Edward Mundy, de Jefferies. Nous sommes également étonnés car ces produits emblématiques avaient régulièrement été cités, récemment (les liqueurs allemandes, italiennes, britanniques, espagnoles et irlandaises sont par exemple surtaxées). Mundy note également que le statut des whiskies n'est pas vraiment clair. Les écossais et irlandais sont inclus dans la liste, mais s'ils sont produits au Royaume-Uni, donc en Ulster, mais pas en République d'Irlande, ce qui semble protéger le Jameson de Pernod Ricard. Dans la même veine, certaines formulations sont ambigües : les single malts produits au Royaume-Uni sont inclus, mais la description précise semble exclure les scotchs produits avec du grain et du malt, typiquement le Johnny Walker (Diageo).

Globalement, Jefferies redoutait un impact de 2% sur l'Ebit de Pernod, il devrait se limiter à 0,3%, tandis que Rémy Cointreau ne serait affecté qu'à hauteur de 0,1% contre 7% estimé initialement. Il faut dire que les rumeurs initiales avaient évoqué 100% de taxation sur les alcools. In fine, Pernod Ricard devrait subir des surtaxes sur The Glenlivet, Aberlour, Royal Salute et Scapa (mais pas sur le best-seller Jameson si Jefferies a bien analysé la situation), soit 199 M€ de revenus annuels. Rémy Cointreau ne devrait être concerné que pour Bruichladdich (soit 6 M€ annuels).

Une épée de Damoclès

Il faut toutefois rester vigilant. L'USTR a bien précisé que le droit international lui permet de taxer jusqu'à 100% les produits et qu'elle peut décider à tout moment de changer le taux ou l'assiette des barrières. En septembre, la rumeur avait circulé que l'exécutif américain réfléchissait à instaurer un système de taxe tournante, qui passerait d'un secteur à l'autre au fil du temps, pour montrer qu'aucune industrie européenne n'est à l'abri du courroux de Washington. En attendant, les entreprises françaises ne se tirent pas si mal de ce premier round. 

L'UE espère pouvoir engager une discussion avec les Etats-Unis, pour éviter l'entrée en vigueur des sanctions dans deux semaines. Mais le temps imparti semble très court pour parvenir à un compromis.