N'DJAMENA, 24 avril (Reuters) - L'armée tchadienne a déclaré samedi avoir bombardé les rebelles du nord pour stopper leur marche vers la capitale N'Djamena, après les funérailles du président Idriss Déby, mort sur le champ de bataille.

La mort d'Idriss Déby lundi, qui venait tout juste d'être réélu à la tête du pays, a provoqué un choc considérable au sein du pays, l'un des alliés les plus solides des Occidentaux dans la lutte menée contre les mouvements islamistes.

Un conseil militaire de transition a été mis en place immédiatement, présidé par le fils du président défunt, Mahamat Idriss Déby. L'opposition tchadienne, qui y voit un coup d'Etat institutionnel, a appelé samedi à des manifestations.

Les insurgés du Front pour le changement et la concorde au Tchad (FACT), un groupe formé en 2016 par des officiers militaires dissidents, ont pénétré le 11 avril dans le nord du Tchad depuis leur base en Libye et avancé vers le Sud.

Ils se trouvaient la semaine dernière à 200-300 kilomètres au nord de N'Djamena, avant d'être repoussés par les forces tchadiennes et de déclarer une trêve pour les funérailles.

Les rebelles du FACT pourraient faire face à une forte résistance près de N'Djamena, où sont basés les quelque 5.100 soldats français qui combattent les djihadistes dans le Sahel dans le cadre de l'opération Barkhane.

Les responsables de la FACT, qui n'a pas de lien avec les djihadistes, ont rejeté la transition militaire, censée durer 18 mois, la qualifiant de "monarchie", et ont appelé au retour de la démocratie.

Le porte-parole Kingabe Ogouzeimi de Tapol a déclaré samedi que les FACT "se préparaient à avancer", sans donner plus de détails.

Toutefois, un porte-parole de la transition militaire, Azem Bermendao Agouna, a estimé que c'était impossible.

"La rébellion n'existe même pas, elle est anéantie", a-t-il déclaré.

Reuters n'a pas été en mesure de vérifier les affirmations des deux parties.

Un deuxième porte-parole de la FACT qui a requis l'anonymat, a déclaré que l'armée de l'air tchadienne avait bombardé leur position "matin et soir" depuis jeudi. Il a ajouté que la France soutenait les raids par une surveillance aérienne.

A Paris, l'état-major des armées (EMA) a déclaré que les forces françaises effectuaient régulièrement des vols de reconnaissance dans la région mais a nié avoir entrepris une "action offensive" contre les rebelles.

La France a contribué dans le passé à lutter contre des insurgés au Tchad, notamment en 2019 lorsque, à la demande d'Idriss Déby, des avions de chasse français avaient bombardé une colonne rebelle en provenance de la Libye.

SOUTIEN FRANÇAIS

Lors des funérailles vendredi, le président français Emmanuel Macron, qui était assis à côté du fils d'Idriss Déby, s'est engagé à défendre le Tchad.

"La France ne laissera jamais personne remettre en cause, ne laissera jamais personne menacer ni aujourd'hui ni demain la stabilité et l'intégrité du Tchad", a déclaré Emmanuel Macron, appelant également à une transition démocratique.

Sur Radio France International, le leader du FACT, Mahamat Mahadi Ali, s'est déclaré ouvert à un cessez-le feu et à une solution politique dans le cadre d'un dialogue national, qui inclurait toutes les composantes politiques tchadiennes.

Les rues de la capitale N'Djamena étaient animées samedi et les marchés ouverts, la présence militaire étant limitée à quelques soldats stationnés aux principaux carrefours.

Tranchant avec ce calme apparent, l'opposition tchadienne a dénoncé un coup d'Etat institutionnel et a appelé à mener une campagne de désobéissance civile, alors qu'un général a déclaré que de nombreux officiers étaient opposés au plan de transition.

Une coalition réunissant des membres de la société civile locale et de l'opposition a appelé à une manifestation pacifique mardi à N'Djamena pour exiger un retour à "l'ordre constitutionnel".

"La France soutient clairement un coup d'État", a déclaré le chef de la coalition, Max Loarngar. Emmanuel Macron "n'a pas répondu une seule fois aux exigences politiques et aux perspectives tracées par l'opposition et la société civile", a-t-il ajouté. (Edward McAllister; rédigé par Hereward Holland et Edward McAllister; version française Jean-Michel Bélot)