Début mai, Elon Musk indiquait sur son compte Twitter que le cours de l'action Tesla était trop élevé, alors que le titre s'échangeait à 701$. De toute évidence, les investisseurs n'ont pas tenu compte de ce message puisque le titre a bondi de 43% clôturant ainsi au-delà de 1000$.

Tesla n'est pas un cas isolé en la matière puisque de plus en plus de constructeurs de véhicules électriques (VE) voient leur capitalisation boursière exploser alors que leurs revenus n'adoptent pas encore la même trajectoire. Parmi les pure players du VE, vous trouverez Nio, une entreprise chinoise basée à Shanghai mais cotée au New-York Stock Exchange qui produit des SUV électriques allant de 45 000€ à 70 000€. Son cours de bourse a flambé de 97% depuis le début de l'année. Le troisième acteur du VE, c'est Nikola Corp, spécialisé sur les camions à batterie et à hydrogène et les véhicules de sport motorisés. Son action s'envole de 538% sur 2020 ! Pour l'anecdote, Nikola et Tesla tirent chacun leur patronyme de l'inventeur Nikola Tesla.

Pour effectuer notre analyse, nous avons donc sélectionné trois constructeurs clés de VE (Tesla, Nikola, et Nio) dont leur capitalisation boursière est proche de trois constructeurs traditionnels (Toyota, Ford et Renault). Ci-après, vous trouverez le graphique avec la capitalisation boursière et le chiffre d'affaire de ces six constructeurs. Par souci de simplification, nous avons converti les données en euros au 19 juin 2020.

Electric car revenues

Si Tesla n'a pas encore dépassé la capitalisation boursière de Toyota, on peut tout de même observer que Ford a un CA 6,3 fois plus important que celui de la société d'Elon Musk alors que sa capitalisation est 7,5 fois moins élevée.

Le constat est encore plus flagrant avec Nikola qui affiche une capitalisation boursière de plus de 21 milliards d'euros alors que la société n'a pas vendu un seul véhicule.

De même avec Nio qui est valorisée environ 1,5 Mrds € de plus que Renault, alors que la marque au losange réalise un total de ventes 55 fois supérieur.

Dans un second graphique, nous avons divisé la capitalisation boursière par le chiffre d'affaire des différents constructeurs. Pour Nikola, nous obtenons un ratio de 0 puisque l'américain n'a pas encore enregistré de revenu.

Ratio CA/capi electric car

Clé de lecture : les investisseurs de Tesla et Nio sont prêts à payer plus de 7,50€ pour 1€ de chiffre d'affaire. A l'inverse, les investisseurs de Renault ou Ford achètent 1€ de CA pour moins de vingt centimes.

Dans une approche value investing, plus le ratio est bas et plus l'investissement est censé avoir un potentiel de hausse important. A contrario, un ratio élevé pourrait laisser penser que l'entreprise est surévaluée. C'est vrai en théorie, mais ce serait oublier que le marché cherche à anticiper les mégatendances susceptibles de transformer le monde dans lequel on vit, et qui offre un potentiel élevé à terme.

Or, le marché des véhicules électriques présente des perspectives de croissance très importantes. Sur la base des données S&P Capital IQ que possède Zonebourse, le CA de Nio est estimé à près de 4 Mrds € en 2022 et celui de Tesla à 43,8 Mrds €, soit des taux de croissance respectifs de 308% et 99% comparé aux données de 2019. Dans le même temps, les estimations de CA pour les trois constructeurs traditionnels sont en baisse sur le même horizon.

Cette distorsion de valorisation se justifie par conséquent par les perspectives de croissance. Tout porte à croire que les constructeurs de VE sont davantage valorisés comme des valeurs technologiques que comme des constructeurs automobiles traditionnels. Mais de nombreux paramètres sont à prendre en compte et ne sont pas nécessairement intégrés dans les cours. L'enjeu est donc de savoir quelle prime de risque l'investisseur est prêt à payer pour s'exposer à ces perspectives.