On attaque la phase pénible pour les scribouillards matinaux des marchés financiers comme moi, parce qu'il faut se coltiner des palanquées de résultats d'entreprises aux quatre coins du monde. Vous m'excuserez donc par avance de ne pas être exhaustif dans la seconde partie de cette chronique, celle qui est consacrée aux actualités des sociétés. Ceci dit, il n'est pas toujours utile d'avoir une vue pointilleuse et analytique de la totalité du marché pour en sucer la substantifique moëlle. Hier, les solides recrutements d'abonnés de Netflix au 4e trimestre 2023 et les copieuses entrée de commandes d'ASML en fin d'année dernière ont contribué à entretenir le scénario préféré des investisseurs, selon lequel le secteur technologique continue à faire feu de tout bois et va conserver son immense force de traction. Et tant pis si les acteurs industriels et de la consommation sont en panne de croissance, après tout c'est l'ancien monde. Kimberly-Clark, DuPont de Nemours, Alstom, Baker Hughes, Puma… toutes ces entreprises ont coulé en bourse hier après leurs résultats. Mais elles ne font pas le poids face à la force de la narration de l'IA et de la baisse des taux.

La belle histoire sera d'ailleurs mise à l'épreuve aujourd'hui par Tesla et la BCE. Le constructeur automobile est un peu le maillon faible des "sept magnifiques" depuis quelques temps. Contrairement au reste de la camarilla, Tesla évolue sur un marché bien plus concurrentiel, composé à la fois des dinosaures qui se partageaient le marché automobile il n'y a pas si longtemps et de nouveaux acteurs aux dents longues, dont beaucoup sont chinois. L'action Tesla perdait 6% hier hors séance après la publication de ses résultats 2023. Ils sont marqués par une chute de la marge brute et par des prévisions 2024 relativement prudentes, puisque le groupe table sur un rythme de croissance "notablement" inférieur à celui de 2023 (qui s'établit à 38%, ce qui laisse quand même de la marge pour croître). Là aussi, on est dans une problématique narrative : il va devenir de plus en plus difficile pour Tesla de tout réussir. Et la magie s'évapore un peu. Par exemple, on ne peut pas lancer une guerre des prix sans dégâts. Tesla reste largement bénéficiaire, avec 7,9 Mds$ de profits en 2023. Mais 5,9 Mds$ proviennent d'une carotte fiscale exceptionnelle. Le bénéfice net ajusté est lui en baisse de 39%. En outre, le groupe reste à la pointe de l'innovation, mais il n'a plus l'avance dont il disposait jusque-là. Sa valorisation généreuse est peu compatible avec une rentrée dans le rang. Elon Musk a donc tenté de noyer le poisson en donnant des détails sur la prochaine génération de véhicules et en évoquant les diversifications technologiques dans la robotique ou l'intelligence artificielle. Ça n'a pas suffi à convaincre le marché hier. D'ailleurs le secteur automobile est moins fringant depuis un moment. Les résultats publiés ce matin par STMicroelectronics le confirment. Je ne suis pas un spécialiste de ce compartiment, mais il me semble que les signaux de prudence se multiplient.

L'autre événement du jour, au milieu de plein de publications de résultats donc, c'est la décision de la BCE sur ses taux en début d'après-midi. Lagarde & Co vont maintenir les taux inchangés, c'est presque une certitude. Mais quelle sera la teneur du discours de la présidente ? Le marché pense que la banque centrale pourrait commencer à baisser ses taux en juin, mais il n'existe pas de certitude que cela sera le cas. Les paroles de Madame Lagarde seront donc scrutées de près. Je rappelle que si la BCE et la Fed ont l'air bien parties pour réduire leurs taux, les deux institutions doivent gérer des situations différentes. La première craint une reprise de l'inflation même si l'économie est faible, alors que la seconde redoute une reprise de l'inflation parce que l'économie est vigoureuse. Les indicateurs PMI de janvier publiés hier l'illustrent très bien. Ils étaient un peu minables partout en Europe, c’est-à-dire en zone de contraction pour adopter un langage plus professionnel. A l'inverse, aux Etats-Unis les PMI des services et de l'industrie sont en zone d'expansion et sont ressortis supérieurs aux attentes. Si la BCE ne baisse pas un peu la garde (quel mauvais jeu de mots), le marché risque d'accuser le coup devant tant de rigueur. A contrario, les investisseurs de la zone euro pourraient apprécier un ton un peu plus ouvert sur le calendrier de l'assouplissement monétaire.

Histoire de pimenter un peu le tout, il y aura une grosse série d'indicateurs macroéconomiques américains dans l'après-midi.

Côté société, j'ai déjà parlé de Tesla mais j'ajoute qu'IBM a publié hier soir de bons résultats. Ce matin en Europe, beaucoup de monde au portillon, dont STMicroelectronics, Publicis, Nokia, Givaudan ou Atlas Copco, en attendant LVMH ce soir.

Sur les marchés d'Asie Pacifique, la fête se poursuit en Chine où les investisseurs se demandent si le point bas n'a pas été atteint. C'est l'ixième fois en cinq ans que cela se produit, mais peut-être est-ce la bonne ? Personne ne le sait, mais les mesures en cours de déploiement par les autorités laissent penser que Pékin s'est enfin emparé du problème. Après les rumeurs d'utilisation de la trésorerie des entreprises d'Etat pour alimenter un fonds de soutien aux actions, la PBOC a annoncé une réduction du ratio de réserves obligatoires pour les banques et a laissé planer l'éventualité du déploiement d'autres mesures. Le Hang Seng reprend encore 2,1% pendant que le CSI300 est en hausse de 1,9%. Les deux indices ne sont pas toujours au diapason mais c'est le cas cette semaine. Ailleurs, le Japon et la Corée du Sud terminent à l'équilibre, pendant que l'Inde souffre (-0,8%). L'Australie se comporte bien avec un ASX200 en progression de 0,5% à Sydney. Les indicateurs avancés européens sont plutôt baissiers. Le CAC40 perd 0,2% à 7442 points à l'ouverture. Le SMI recule de 0,35% à 11 158 points. Le Bel20 cède 0,2% à 3624 points.

Les temps forts économiques du jour

Dans la catégorie climat des affaires, il y aura la France (8h45) et l'Allemagne avec l'indice Ifo (10h00). Puis la BCE suivra avec sa décision de politique monétaire (14h15), suivie de la conférence de présentation. Aux Etats-Unis, l'indice d'activité nationale de la Fed de Chicago, les commandes de biens durables, le PIB annualisé, les nouvelles demandes d'allocations de chômage et les stocks de grossistes seront disponibles dès 14h30, avant à 16h00 les ventes de logements neufs. Tout l'agenda ici.

L'euro se négocie 1,0877 USD. L'once d'or recule à 2015 USD. Le pétrole remonte, avec un Brent de Mer du Nord à 79,99 USD le baril et un brut léger américain WTI à 75,45 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans s'établit à 4,15%. Le bitcoin recule à 40 040 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Airbus Se: Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 168 à 174 EUR. Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 152 à 165 EUR.
  • Aramis Group: Morgan Stanley maintient sa recommandation de pondération de marché avec un objectif de cours relevé de 4,90 à 5 EUR.
  • Asml Holding N.v.: Wolfe Research maintient sa recommandation de surperformance et relève l'objectif de cours de 730 à 930 EUR.
  • Castellum Ab: Arctic Securities passe de acheter à conserver avec un objectif de cours relevé de 145 SEK à 150 SEK.
  • Euronext N.v.: BNP Paribas Exane maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 68,50 à 79 EUR.
  • Gjensidige Forsikring Asa: Carnegie Group passe de conserver à vendre avec un objectif de cours réduit de 200 NOK à 170 NOK.
  • Grainger Plc: HSBC démarre le suivi à l'achat avec un objectif de cours de 2,95 GBP.
  • Gsk Plc: Morgan Stanley démarre le suivi avec une recommandation de pondération égale et un objectif de cours de 44 USD.
  • L'oréal: Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 450 à 460 EUR.
  • La Française Des Jeux: BNP Paribas Exane passe de neutre à surperformance avec un objectif de cours relevé de 40 à 43 EUR.
  • Nexans: Société Générale maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 100 à 105 EUR.
  • Nurminen Logistics Oyj: Inderes passe d'acheter à accumuler avec un objectif de cours relevé de 1,25 EUR à 1,40 EUR.
  • Pihlajalinna Oyj: Inderes améliore sa recommandation d'alléger à accumuler avec un objectif de cours de 8 EUR.
  • Puma Se: Jefferies passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 65 EUR à 40 EUR.
  • Sartorius Stedim Biotech: Bernstein démarre le suivi à surperformance avec un objectif de cours de 271 EUR.
  • Veolia Environnement: Citigroup reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 25,70 à 27,90 EUR.

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Crit termine 2023 sur un chiffre d'affaires de 2,54 Mds€, en hausse de 3,5% en données comparables.
  • ID Logistics enregistre un chiffre d'affaires annuel de 2,75 Mds€ (+7,2% en comparable).
  • Publicis dégage 6,3% de croissance organique en 2023, au-dessus de l'objectif relevé en octobre.
  • STMicroelectronics publie des résultats du T4 légèrement en-deçà du point médian des prévisions, à cause de l'automobile. L'activité et les résultats vont baisser en 2024.
  • Vusiongroup (ex SES-imagotag) dégage 801,4 M€ de revenus annuels (+29%).

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres, sauf pour les échanges post-séance aux Etats-Unis, qui reflètent normalement bien la tendance)

  • Givaudan publie un bénéfice conforme aux prévisions et confirme ses objectifs pour 2025.
  • Fevertree prévoit un bénéfice de base inférieur à ses prévisions.
  • IBM bondit de 8% hors séance après ses résultats.
  • Nokia annonce un bénéfice net en chute de 84% en 2023, et redoute un marché encore "difficile" début 2024.
  • Tesla chute de 6% hors séance après avoir annoncé que la croissance de ses volumes va marquer le pas cette année.
  • Tod's a enregistré en 2023 une croissance de 12 % de ses revenus, à 1,13 Md€.

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures