Aux Etats-Unis, les détaillants de la distribution alimentaire sont nombreux. Le pays est grand et le niveau de vie, les mentalités et l’endroit où l'on se trouve ont beaucoup d’influence sur la façon de consommer. Par conséquent, il y a de nombreux acteurs présents à l'échelle régionale. On peut citer Ingles Markets qui exploite environ 200 supermarchés dans la région des Appalaches, Weis Markets et Village Super Markets dans le Nord-est. SpartanNash a une forte présence dans le Midwest, H-E-B est dans le Texas et WinCo Foods dans l’Ouest. 

Mais au pays de la consommation, ces acteurs restent relativement petits par rapport aux mastodontes du secteur. Nous pouvons diviser ces derniers en quatre grandes familles : les détaillants généraux, les clubs-entrepôts, les enseignes à bas prix et les détaillants de proximité et de spécialité.    

1/ Les détaillants généraux 

Walmart est le premier détaillant mondial. Il figure aussi parmi les plus grandes entreprises du monde, tout secteur confondu, en termes de revenus. Les chiffres sont impressionnants :  10 500 magasins, 2,1 millions d’employés et environ 255 millions de clients desservis à travers le monde. Les ventes se font majoritairement aux Etats-Unis (69%) et Walmart opère à l'international dans 18 pays, ainsi qu’à travers Sam’s Club, dont nous reparlerons un peu plus loin. 

Walmart figure parmi les distributeurs les mieux valorisés avec un PER qui côtoie, voire dépasse 30 fois les profits. C’est élevé mais cela se justifie autant par le solide statut de numéro un et tout ce que cela implique (avantage pour négocier les prix, référence du marché, excellente chaîne logistique, programme de fidélité bien développé, etc) ainsi que par les performances. Walmart connaît une croissance lente mais pérenne. En l’espace d’une décennie - depuis 2014 - les revenus ont grimpé de 33% et les marges sont restées stables mais supérieures à la moyenne du secteur. Les importants rachats d’actions de ces dernières années ont grandement contribué à la performance de l’action.

Quelques chiffres pour l’an dernier : 

  • Chiffre d’affaires : 642,6 Mds$ 
  • CAGR chiffre d’affaires 5 ans : 4,7 %
  • Marge nette : 2,4 % 
  • Endettement net : 37 Mds$
  • ROE : 18,4 %
  • Capitalisation : 633,5 Mds$

Kroger exploite 2 722 supermarchés sous divers noms de bannières locales et dessert environ 62 millions de foyers par an dans 35 États américains. L’entreprise s’est spécialisée dans les “combo stores”, à savoir les magasins regroupant des produits d’alimentation et de pharmacie. Kroger compte aussi beaucoup sur la distribution de carburant puisque les stations-essence représentent 11,1% du chiffre d’affaires. 

Kroger a connu un cycle plutôt équivalent à Walmart avec des ventes qui ont augmenté de 38,3% depuis 2014 et des marges légèrement inférieures. Pourtant, le groupe basé à Cincinnati est valorisé à peu près deux fois moins bien que son compatriote. Déjà, on l’a compris, Kroger n’a pas l’envergure de Walmart, à la fois en termes de taille et d’aura. Les résultats sont aussi plus instables. La régularité de métronome que recherchent les investisseurs sur ces dossiers à faible marge, notamment pour ce qui est de la profitabilité, est moins visible chez Kroger. Enfin, les perspectives sont assez timides. Les analystes anticipent une normalisation des résultats. 

  • Chiffre d’affaires : 150 Mds$
  • CAGR 5 ans : 4,2 %
  • Marge nette : 1,4 %
  • Endettement net : 12 Mds$
  • ROE : 20,1 %
  • Capitalisation : 37,2 Mds$

Exclusivement présent aux Etats-Unis, Target emploie 415 000 personnes et réalise 107 Mds$ de chiffre d’affaires. Target exploite 1 956 magasins et est très présent sur la branche digitale qui représentait l’an dernier 18,3 % des ventes. C’est sa principale plus-value par rapport à ses pairs. 

Target est dans la lignée de ces deux concurrents mais la croissance du chiffre d’affaires est plus rapide (hausse des revenus de 47,9% depuis 2014) et les marges sont plus bien stables que Kroger en grande partie grâce au positionnement sur des segments à plus forte valeur ajoutée tels que la beauté et les matériaux essentiels ménagers (30% des ventes), le mobilier et les objets de décor (17%) ainsi que les appareils et accessoires (15%). 

  • Chiffre d’affaires : 107,4 Mds$
  • CAGR 5 ans : 7,3 %
  • Marge nette : 3,8 %
  • Endettement net : 12,2 Mds$
  • ROE : 33,5 %
  • Capitalisation : 67,2 Mds$
  • Albertsons Companies 

Albertsons exploite 2 269 magasins et emploie 285 000 personnes dans 34 États américains sous plus de 20 enseignes comme Albertsons, Safeway, Vons, Pavilions, Randalls, Tom Thumb, Carrs, Jewel-Osco, Acme, Shaw’s, Star Market, United Supermarkets, Market Street, Haggen, Kings Food Markets et Balducci’s Food Lover's Market. Albertsons Companies est aussi très présent sur le segment des pharmacies avec 1 725 unités en exploitation. 

Par les chiffres, Albertsons semble se confondre à peu de choses près à Carrefour. L’entreprise réalise près de 80 Mds$ de recettes pour une capitalisation de 10,5 Mds$. Les marges du groupe sont parmi les plus faibles du secteur. Ces derniers trimestres, les résultats publiés n'ont pas été à la hauteur des attentes. Albertsons va devoir relever la pente pour regagner des parts de marché. 

  • Chiffre d’affaires : 79,2 Mds$
  • CAGR 5 ans : 5,5 %
  • Marge nette : 1,6 %
  • Endettement net : 7,9 Mds$ 
  • ROE : N/A
  • Capitalisation : 10,7 Mds$ 

2/ Les clubs-entrepôts 

Costco est l’acteur américain de la grande distribution dont la valorisation est la plus élevée. Le modèle d’affaires consiste à ne permettre l’accès aux magasins qu’aux clients qui détiennent une adhésion. En échange de cette cotisation annuelle, les clients ont accès à des prix défiant la concurrence et à un certificat de récompense atteignant 2% des montants dépensés annuellement.  Costco a 133,9 millions de membres si l’on additionne les membres de chacun des trois programmes de fidélité (Executive, Gold Star et Business). Le taux de renouvellement dépasse les 90%, signe que le modèle plait. L’enseigne exploite 890 magasins.

Costco est une véritable entreprise de croissance. Les ventes ont plus que doublé en 10 ans pour atteindre 242,3 Mds$ l’an dernier, soit un peu plus que Kroger et Albertsons Companies réunis. Les marges évoluent positivement et cela devrait continuer. En effet, Costco se fixe pour objectif de relever le prix des frais d’adhésion tous les 5 ou 6 ans. Jusque là, ces hausses ont été bien acceptées par les clients. Costco a une trésorerie nettement excédentaire et toutes les variables financières sont au vert. 

  • Chiffre d’affaires : 242,2 Mds$
  • CAGR 5 ans : 11,3 %
  • Marge nette : 2,6 %
  • Endettement net : -7,2 Mds$
  • ROE : 27,5 %
  • Capitalisation : 399,2 Mds$ 

Concentré sur la moitié est des Etats-Unis, BJ’s Wholesale est le petit outsider montant. L’entreprise dispose de 264 clubs-entrepôts et 174 stations-service réparties dans 21 Etats américains. BJ's Wholesale a fait sa place en Nouvelle-Angleterre surtout, une région ou il exploite trois fois plus de magasins que Costco. Pour élargir son offre, le groupe s'appuie sur deux marques distributeur, Wellsley Farms et Berkley Jensen. L’entreprise a environ 7 millions de membres. 

BJ’s Wholesale Club a vu ses revenus être multipliés par 1,6 fois depuis son introduction en bourse en 2018. Les marges sont stables et côtoient - voire dépassent - celles de Costco. La génération de liquidités est déjà forte et, combinée à un endettement maîtrisé, permet de combiner les investissements nécessaires à la croissance et les retours aux actionnaires sous forme de rachats d’actions. Enfin, bien que le cours ait presque quadruplé en quatre ans, la valorisation est toujours très nettement inférieure à celle de Costco. 

  • Chiffre d’affaires : 20 Mds$ 
  • CAGR 5 ans : 8,9 %
  • Marge nette : 2,6 %
  • Endettement net : 2,8 Mds$ 
  • ROE : 41,8 %
  • Capitalisation : 10,4 Mds$ 
  • Sam’s Club (Walmart) 

Propriété de Walmart, Sam’s Club opère dans 44 États américains avec près de 850  magasins. L’entreprise a réalisé 86,2 Mds$ de ventes l’an dernier, soit 13% de l’ensemble du chiffre d’affaires de Walmart. Le groupe a deux programmes d’adhésion. 

3/ Les enseignes à bas prix 

Dollar Général est le plus grand détaillant à prix réduits des Etats-Unis avec 20 022 magasins répartis sur tout le territoire (48 Etats couverts). L'objectif de l’enseigne est de proposer des prix généralement inférieurs à 10$. Depuis 2023, Dollar General s’est attaqué à l’international, en commençant par le Mexique. 

Dollar General a récemment averti sur ses résultats en revoyant ses objectifs annuels à la baisse. Le groupe qui réalise 38,7 Mds$ de chiffre d’affaires invoque la concurrence accrue, notamment de Walmart, une présence limitée dans le domaine du commerce électronique et les pressions rencontrées par sa clientèle à faible revenu qui se contente de n’acheter que les produits considérés comme essentiels. 2024 est désormais considéré comme une “année de réinitialisation”. 

  • Chiffre d’affaires : 38,7 Mds$
  • CAGR 5 ans : 8,6 %
  • Marge nette : 4,3 %
  • Endettement net : 6,5 Mds$ 
  • ROE : 27 %
  • Capitalisation : 17,7 Mds$ 

Dollar Tree réalise  30,7 Mds$ de revenus et exploite 16 774 magasins de détail à prix bas sous deux marques : 

  • Dollar Tree, 8 415 magasins, propose un assortiment de marques , dont les produits sont pour la majorité vendus à 1,25$. 
  • Family Dollar, 8 359 magasins, est orienté sur des marchandises dans une fourchette de prix généralement comprise entre 1$ et 10$. Il s’agit de magasins plus petits que Dollar Tree. 

Grand concurrent de Dollar General, Dollar Tree rencontre des problèmes similaires et a aussi dû abaisser ses prévisions annuelles. 

Pourtant, il y a encore quelques trimestres, les actions des deux concurrents côtoyaient des sommets et l’on pouvait penser que le contexte inflationniste allait profiter à ces acteurs. Mais le contexte a sans doute trop duré et les consommateurs doivent désormais faire des arbitrages sur leurs achats. Les cours des deux sociétés sont retombés à leurs niveaux d’avant la pandémie. 

  • Chiffre d’affaires : 30,6 Mds$
  • CAGR 5 ans : 6 %
  • Marge nette : N/A
  • Endettement net : 2,7 Mds$  
  • ROE : N/A
  • Capitalisation : 14,3 Mds$ 

4/ Les détaillants de proximité et de spécialité

Cette entreprise exploite 2 658 magasins de proximité dans 17 États américains dont plus de la moitié dans l’Iowa, le Missouri et l’Illinois. Près de trois quarts des magasins sont situés dans des zones où vivent moins de 20 000 habitants. Conjointement aux magasins, des services de stations-essence sont proposés. Le carburant représente d’ailleurs 63,3 % des revenus, le reste étant majoritairement des produits alimentaires. Casey’s est aussi la cinquième plus grosse chaîne de pizza des Etats-Unis L’entreprise emploie 20 935 personnes.  

En dépit d’évoluer sur un marché a priori ingrat, Casey’s fait figure d'exception. Le cours de bourse a été décuplé en 10 ans et en le regardant, on pourrait aisément le confondre avec celui d’une entreprise technologique de la Silicon Valley. 

Casey’s a su, depuis de nombreuses années déjà, trouver un rythme de croissance qui lui va à merveille. Ni trop vite car les capitaux dépensés sont cohérents avec les capacités de l'entreprise sans avoir un recours massif à l’endettement. Ni trop lentement, pour réussir à tenir un rythme satisfaisant chaque année. Par conséquent, le nombre de magasins augmente proportionnellement année après année. Les chiffres publiés sont globalement bons. Surtout, Casey’s commence à posséder un MOAT, un avantage concurrentiel indéniable, celui d'être en train de se constituer un petit empire avec une bonne partie des stations-services en plein centre des Etats-Unis.

  • Chiffre d’affaires : 14,8 Mds$
  • CAGR 5 ans : 12,2 %
  • Marge nette : 3,4 %
  • Endettement net : 1,6 Md$
  • ROE : 17,7 % 
  • Capitalisation : 13,8 Mds$ 

Basée à Phoenix, cette enseigne de 407 magasins est spécialisée dans l’alimentation biologique et les produits adaptés à différents modes de vie tels que le sans-gluten, les produits végan et sans-OGM ainsi que ceux à base de plantes. L’entreprise cible une clientèle d’acheteurs sélectifs qui donne de l’importance au bien être alimentaire. Sprout Farmers investit beaucoup dans le marketing car dans ce secteur de niche, l’histoire racontée par la société au sujet des bienfaits de ses produits est primordiale pour attirer la clientèle. 

La croissance est forte. Les revenus ont été multipliés par 2,3 fois en 10 ans et la profitabilité nette est désormais stable, un peu en deçà des 5%. On soulignera les importants rachats d’actions dont l’effet est directement lié à la croissance des bénéfices par action. L’entreprise est toutefois chèrement valorisée. La croissance future devrait être confirmée pour assumer de tels multiples de valorisation. 

  • Chiffre d’affaires : 6,8 Mds$ 
  • CAGR 5 ans : 5,6 %
  • Marge nette : 3,8 %
  • Endettement net : -67 M$
  • ROE : 23,6 %  
  • Capitalisation : 10 Mds$