Les cours des matières premières continuent à flamber, un environnement de prix élevés qui est à la hauteur des risques géopolitiques provoqués par la menace russe. A cet égard, il est intéressant de jeter un coup d'oeil à la configuration des prix à terme des principales matières premières (pétrole, cuivre, blé etc.), qui ont pratiquement toutes en commun une structure dite en backwardation, à savoir des prix comptants (échéance courte) supérieurs aux prix à terme (échéance plus longue). Les utilisateurs finaux acceptent par conséquent de payer cher pour être approvisionné tout de suite, ce qui illustre parfaitement les problèmes de disponibilité dans certaines filières du fait du boycott de l'offre russe.

Restons justement dans le registre du boycott avec le pétrole. Les acheteurs sont particulièrement réticents à s'approvisionner en pétrole russe. Cette défiance qui prend l'allure d'une auto-sanction entraîne une chute des prix des références russes par rapport à ceux du Brent (de près de 20 USD), mais même avec ce discount, les acheteurs se font rares. Ce phénomène accentue la pression haussière sur les cours des deux principales références mondiales, le Brent et le WTI, qui se négocient désormais autour de 128 et 125 USD. La pression est montée d'un cran ce week-end après que les États-Unis et l'Europe aient discuté de nouveaux plans visant à restreindre les importations de pétrole brut en provenance de Russie. Il est clair que ces prix font le bonheur des membres de l'OPEP+ (en dehors de la Russie), qui ont pris la décision de s'en tenir à leur feuille de route, à savoir d'augmenter leur production de 400.000 barils par jour en avril tout en évitant le sujet brûlant de la guerre en Ukraine. Enfin, selon certaines sources de marché, un accord serait imminent sur le nucléaire iranien. Toujours dans le registre de l'énergie, un vent de panique souffle sur les prix du gaz en Europe mais également sur le cours du charbon thermique en Asie (la Russie est également un important exportateur de charbon). Les prix ont atteint des sommets, le TTF néerlandais cote 258 EUR/MWh tandis que la référence asiatique du charbon (Newcastle high-quality thermal coal) a inscrit un nouveau record à plus de 400 EUR la tonne.

Au fur et à mesure que l'inquiétude grandit, l'once d'or prend de la hauteur afin de se diriger lentement mais sûrement vers le seuil des 2000 USD. Inflation galopante, frictions géopolitiques et aversion au risque, les planètes s'alignent pour la relique barbare, qui s'offre le luxe de progresser à 1980 USD malgré la hausse du billet vert. Toutefois, la véritable star des métaux précieux n'est autre que le palladium, dont le cours a inscrit un nouveau zénith historique (à plus de 3200 USD). Rappelons que la Russie représente un tiers de la production mondiale de palladium.

Les prix des métaux industriels poursuivent leur ascension. Les frictions géopolitiques et les sanctions occidentales entraînent une perturbation des approvisionnements. Des transporteurs maritimes comme le géant danois Moller-Maersk, suspendent temporairement leurs services vers les ports russes, tandis que certaines exportations sont tout simplement suspendues, c'est par exemple le cas de l'acier de Severstal. Par conséquent, les prix continuent à grimper en flèche. Le cuivre atteint 10.470 USD la tonne, l'aluminium s'échange à 3850 USD et le nickel se négocie à 29.750 USD au LME.

Terminons ce tour d'horizon des matières premières avec les produits agricoles, dont les cours ont connu une hausse fulgurante à Chicago. La situation se détériore en mer Noire, où deux cargos ont été coulés au large d'Odessa, le plus grand port ukrainien. De nombreuses compagnies maritimes ont ainsi suspendu leurs expéditions vers les ports de la mer Noire, ce qui bouleverse les approvisionnements en blé et en maïs. Cette perturbation pousse les principaux importateurs à sécuriser rapidement leurs approvisionnements vers d'autres pays, un choc de demande sans précédent qui alimente d'autant plus la pression sur les prix. Le prix du blé a augmenté de 40% en cinq séances à Chicago, à 1250 cents le boisseau. Rappelons que l'Ukraine et la Russie pèsent ensemble près de 30% des exportations mondiales de blé et environ 15% des exportations de maïs.