*Par Christophe Barraud, Chief Economiste et Stratégiste chez Market Securities

D’après les données de TrackInsight, les investisseurs ont récemment augmenté leur exposition aux ETFs répliquant la performance des obligations américaines si bien que le montant des entrées nettes (cumulées) a atteint un plus haut depuis le début de l’année. La tendance s’est accélérée au cours des derniers jours, les intervenants tablant sur une réduction imminente des taux fixés par la Réserve fédérale des Etats-Unis.

Dans un contexte où l’incertitude mondiale a cru de manière importante (guerre commerciale/technologique entre la Chine et les États-Unis ; crise migratoire entre les États-Unis et le Mexique ; tensions commerciales entre l’Inde et les États-Unis) et où les anticipations d’inflation aux États-Unis se sont fortement affaiblies depuis fin avril, les spéculations autour d’une potentielle baisse des taux de la Fed se sont intensifiées, aiguisant l’appétit des investisseurs pour les obligations américaines.

D’après le « priceur » du CME, la probabilité de voir au moins trois réductions de taux d’ici la fin de l’année a dépassé les 55% (contre 2% il y a un mois). De plus, la première de ces trois réductions a maintenant plus de 50% de chance de se produire dès la réunion du 31 juillet (contre 16% il y a un mois). Et ce malgré le fait que la réunion ne sera pas suivie par une mise à jour des prévisions de la banque centrale américaine.

Même si juillet me semble être un peu prématuré, plusieurs facteurs pourraient rapidement accroître la probabilité d’une baisse imminente des taux en raison de la détermination des membres de la Réserve fédérale à supporter la croissance. À noter que plus tôt dans la semaine, son président, Jerome Powell, a préparé le terrain en déclarant que la banque centrale américaine réagira de manière “appropriée” aux risques nés des tensions commerciales mondiales ou liés à d’autres événements récents.

Par conséquent, les investisseurs scruteront l’évolution des disputes commerciales à court terme. Pour rappel, afin de “sécuriser” sa frontière sud, l’administration Trump envisagerait d’imposer des droits de douanes sur tous les produits importés depuis le Mexique (à partir du 10 Juin) pouvant aller jusqu’à 25% d’ici le 1er octobre (si il n’y a pas de solution concrète). Parallèlement, dès le 16 juin, l’Inde pourrait elle aussi instaurer des sanctions en réponse aux tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium mis en place l’année dernière. Enfin, l’administration Trump a déclaré que la Chine pourrait faire face à des tarifs douaniers sur toutes ses exportations vers les États-Unis. Cette nouvelle salve ne devrait toutefois pas prendre effet avant fin juin. Pour rappel, le sommet du G20 se tiendra le 28 et 29 juin.

En ce qui concerne les données macroéconomiques, deux rapports mensuels sur l’emploi (mai et juin) seront publiés avant la réunion du 31 juillet (le premier vendredi et le second le 5 juillet). A souligner que le dernier rapport de l’emploi d’ADP a montré qu’en mai, les embauches dans le secteur privé ont progressé au rythme le plus faible depuis plus de neuf ans. En parallèle, il est aussi intéressant de noter que la première estimation du PIB du second trimestre sera publiée quelques jours avant la réunion de la Fed de juillet. À ce sujet, les attentes restent limitées puisque le modèle de la Fed d’Atlanta indique une hausse de 1.3% en rythme trimestriel annualisé (contre 3,1% au T1 2019).   

En résumé, le marché obligataire est susceptible de rester très sensible aux nouvelles liées aux conflits commerciaux et aux données macroéconomiques américaines dans les semaines à venir. Une succession de chiffres décevants pourraient alors pousser la Fed à baisser ses taux dès le mois de juillet.

 

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