Ce fonds DSK créé à la fin des années 90 est géré par Patrice Piadé depuis 2009. Disposant d’un encours de 100 M€ environ, il ne peut acheter que les titres de sociétés capitalisant moins de 150 M€, ce qui l’oblige à investir sur le très long terme dans des affaires de croissance de grande qualité. Avec un doublement de sa valeur sur 5 ans, Amundi Europe Microcaps se situe en tête de notre sélection. Entretien.

Patrice Piadé, votre fonds a vu sa valeur doubler en 5 ans. Comment expliquez-vous ce succès ?

"Les contraintes juridiques du fonds ont finalement constitué plutôt un atout, à savoir qu’en tant que fonds DSK, il est tenu d’être investi au moins à 75 % dans des valeurs de moins de 150 millions d’euros de capitalisation boursière au moment de l’investissement. De fait, ces contraintes nous obligent à nous intéresser à des histoires naissantes au potentiel de croissance important, avec une durée de conservation longue, de trois à cinq ans en moyenne, sauf accident de parcours. En effet, si nous allégeons un titre qui a bien monté, il nous est ensuite impossible de renforcer en baisse, à moins que la capitalisation ne soit repassée sous la barre des 150 M€. Quand j’ai repris le fonds en mains en 2009, le timing était favorable compte tenu de l’effondrement général des capitalisations boursières, et j’ai ainsi pu sélectionner des sociétés comme Trigano ou Nemetschek que j’ai allégées certes, souvent trop tôt d’ailleurs, mais que j’ai toujours en portefeuille 10 ans après. Les contraintes juridiques du fonds ne facilitent pas l’entrée de nouvelles valeurs, si bien que j’entre seulement deux ou trois valeurs par an, en étant très sélectif. Cela nous laisse le temps à l’équipe de rencontrer les entreprises, directement ou à l’occasion de forums dans toute l’Europe."

Le fonds surperforme sa catégorie sur cinq ans. Source : Quantalys

Le fonds surperforme sa catégorie sur cinq ans. Source : Quantalys

A quoi ressemble la valeur idéale Amundi Europe Microcaps ?

"Je recherche des histoires de croissance durable, celles qui s’appuient sur une stratégie et un management solide, tous secteurs confondus hors banques et immobilier, secteurs que les statuts du fonds ne nous autorisent pas. Je regarde donc la valorisation d’un point de vue dynamique et suis capable d’investir dans des sociétés non profitables ou moins rentables dans la mesure où les investissements nécessaires à la croissance plombent leurs résultats à court terme. C’est ainsi que j’ai entré Bigben Interactive ou ECA il y a plusieurs années. Sur cette dernière, il y a eu des passages difficiles mais cela a fini par payer. L’histoire n’est d’ailleurs par terminée. Je pense également à la société allemande LPKF Laser qui a trouvé de nouveaux marchés dans les semi-conducteurs. Plus que la valorisation, je regarde la dérivée seconde de l’évolution des résultats : elle doit être nulle ou positive, sinon il faut se demander si le phénomène n’est bien que temporaire. Enfin, tout comme lors de l’entrée ou de la sortie d’une valeur, le changement de stratégie ou de management jouent souvent le rôle de déclencheur."

Quel est le principal point fort et le principal point faible de deux de vos toutes premières positions du fonds ?

"La première position du fonds est Bigben, un éditeur de jeux vidéo qui a vu juste en intégrant par acquisitions des studios, ce qui leur permet aujourd’hui de créer au moins la moitié des jeux en interne et de maximiser la création de valeur. Le risque est cependant de parvenir à suivre la cadence qu’ils se sont imposés de sortir 12 à 15 jeux par an tout en continuant à améliorer la qualité des jeux.

La deuxième position est Pharmagest Interactive, un éditeur de logiciels historiquement destiné aux pharmacies qui déroule avec succès sa stratégie de conquête d’une nouvelle clientèle dans le secteur des Ehpad et dans le monde médical. Le groupe souhaite devenir un acteur majeur dans la gestion des données médicales et le suivi des patients. Maintenant, dans un secteur en consolidation avec des prix de transactions élevés – comme on a pu le voir sur les opérations concernant Agfa-Gevaert ou Compugroup Medical, qui vient de racheter une partie du portefeuille médical de Cerner - l’enjeu pour Pharmagest est de parvenir à rester consolidateur du marché sans payer trop cher."

Les principales positions du fonds, sur un total de 78 lignes (Source : rapport mensuel du fonds à fin janvier)

Les principales positions du fonds, sur un total de 78 lignes (Source : rapport mensuel du fonds à fin janvier)

Comment avez-vous ajusté le portefeuille en ce début d’année 2020 ?

"Je n’ai quasiment pas touché au portefeuille depuis la fin de l’année 2019. Le retard des petites valeurs est un phénomène propre au marché français car globalement, en zone Euro, les small caps ont très bien performé en 2019. Je suis plutôt confiant sur la classe d’actifs car la croissance des bénéfices par action devrait rester supérieure à ce qui est attendu sur les grandes valeurs, ce qui justifie une prime plus conséquente que celle que l’on constate actuellement. Il faudra néanmoins ne pas décevoir, être attentif à l’impact du coronavirus qui pourrait être significatif pour certaines d’entre elles, et de façon plus fondamentale il faut bien être conscient que valorisation des valeurs de croissance a beaucoup profité de la politique très accommodante des banques centrales. Une franche remontée des taux s’accompagnera très probablement d’un écrasement des valorisations…"

Performance du fonds sur cinq ans : point bleu sur le graphique de droite (Source : Quantalys)

Performance du fonds sur cinq ans : point bleu sur le graphique de droite (Source : Quantalys)