Alexandre Narboni, gérant et analyste actions internationales de Comgest, est revenu pour AOF sur sa vision du marché chinois, sur le positionnement de son portefeuille dans la perspective d’une possible récession et sur les valeurs technologiques.

Est ce que les dernières annonces sur l'allégement des mesures anti-Covid19 ont changé votre vision des perspectives de l'économie et des valeurs chinoises ?

Notre vision n'a pas changé. Fin octobre, suite au congrès du parti communiste chinois, nous jugions les valorisations chinoises particulièrement dépréciées, ce qui nous a convaincu de " tenir " les positions chinoises dans Comgest Monde. Le spectaculaire rebond du marché, sur de simples signes d'allègement de leur politique zéro Covid, a confirmé ce jugement. Nous avons cependant observé l'évolution de la gouvernance chinoise des trois dernières années, très centrée autour de Xi Jinping, et également bien plus interventionniste dans l'économie (épisodes dans les secteurs de l'éducation en ligne, du commerce en ligne, des jeux vidéo, ou encore de l'immobilier). Nous ne jetons pas l'éponge sur la Chine, qui reste un grand vivier potentiel de croissance et d'innovation à long terme, mais avec prudence, dans un environnement politique plus incertain et moins lisible que dans nos grandes zones d'investissement : Etats-Unis, Europe et Japon.

Après la baisse des valorisations en 2022, un recul des profits des entreprises sur fond de récession est attendu l'année prochaine. Quels sont vos anticipations et comment orientez vous vos portefeuilles en conséquence ?

Certains ont qualifié, à juste titre, la récession à venir comme l'une des plus attendues des dernières décennies ! Il est vrai qu'elle est sur toutes les lèvres. En revanche, les anticipations de bénéfices des entreprises (des analystes financiers) nous paraissent optimistes (+7% de croissance si l'on exclut les secteurs de l'énergie et des matières premières) et ne semblent pas intégrer de réelle récession. Certaines entreprises vont avoir du mal à maintenir une croissance de chiffre d'affaires, à garder des marges élevées ou encore à se refinancer à un prix raisonnable. Dans un tel scénario, nous sommes convaincus que les entreprises du portefeuille se démarqueront largement de la moyenne de par leur qualité : bilans solides et pas ou peu endettées, croissance structurelle et soutenue, moins corrélée à l'environnement économique que la moyenne, et enfin pricing power leur permettant de répondre à l'inflation des coûts.

Les valeurs technologiques ont connu une année 2022 difficile, mais le secteur reste le plus important du fonds Comgest Monde. Quels sont les segments que vous favorisez au sein de ce secteur ?

Sur le papier, c'est en effet le plus gros secteur du fonds mais il y a une grande diversité au sein de celui-ci : cela va des solutions de paiement électroniques (Adyen, Visa), aux logiciels (Intuit, Microsoft) en passant par les semi-conducteurs (ASML ou encore Analog Devices aux Etats-Unis). Chaque société a sa propre histoire et son propre avenir, et nous sommes optimistes sur chaque potentiel individuel. Les points d'entrée sont clairement meilleurs aujourd'hui qu'il y a un an. En particulier, il y a un fort pessimisme sur le secteur des semi-conducteurs, ce qui a engendré, à notre avis, certaines opportunités pour l'investisseur de long terme que nous sommes. Je citerais également Adyen qui " disrupte " l'écosystème du paiement en ligne avec des solutions bien plus efficaces et transparentes (au niveau de la tarification), mais la société n'a encore capté qu'une toute petite partie de son marché adressable.

Interview réalisée par Christophe Jégu