Mais quelques mots pour commencer sur les investisseurs, qui continuent à s'interroger sur la trajectoire des taux d'intérêts, surtout depuis que des statistiques d'inflation moins favorables que prévu ont commencé à fleurir en Europe en plus de celles déjà entrevues aux Etats-Unis. Symbole de ce regain de tension, le rendement des obligations d'Etat américaines à 10 ans a repassé le cap des 4% pour la première fois depuis la mi-novembre. Le marché dit qu'il redoute désormais un pic de taux à 5,5%, avec un risque à la hausse. Il n'y a pas si longtemps, il s'était auto-persuadé que ce pic ne dépasserait pas 5%. Tout cela pèse sur le moral des troupes avec une baisse des actions cycliques et technologiques aux Etats-Unis hier. L'Europe avait aussi perdu du terrain. A propos de terrain, on va parler football ce matin. Pour être clair, je n'aime pas trop le foot, même si j'imagine qu'on va m'en rabâcher les oreilles ce matin au bureau à Annecy, après un match de coupe de France gagné contre Marseille. Mais je vais quand même en parler sous le prisme de la valeur des clubs, notamment de ceux qui sont cotés en bourse.

En réalité, c'est le Financial Times qui a fait lundi un intéressant exercice de valorisation sur Manchester United. Le club de football britannique a été mis en vente par son propriétaire, la famille Glazer. Les rumeurs évoquent un montant de transaction qui pourrait se situer entre 6 et 7 milliards de dollars. Ce montant appelle deux remarques liminaires. D'une part, quand vous voyez des rumeurs de prix qui sortent dans la presse, c'est parce que les conseils des vendeurs les ont laissées filtrer sciemment pour tester le marché ou pour dissuader les gueux qui étaient prêts à proposer moins. D'autre part, Manchester United est cotée en bourse à New York depuis un peu plus de dix ans, ce qui explique le montant en dollars. C'est aussi ce qui nous permet d'avoir une base de valorisation, ou plus précisément une valeur de marché. Wall Street valorise actuellement "MU" 4 milliards de dollars en "valeur d'entreprise", c'est-à-dire en cumulant la capitalisation (3,4 milliards de dollars) et la dette (670 millions de dollars).

En réalité, le bidule valait 4,5 milliards de dollars il y a encore quelques jours, jusqu'à ce que l'équipe de Lex, du Financial Times, publie son petit exercice basique. A savoir : si MU était une entreprise cotée "normale", combien la valoriserait-on ? Et la réponse est 1,6 milliard de dollars. On peut bien sûr épiloguer sur ce montant, ce que fait d'ailleurs le FT en rappelant que la valorisation dépend de plein de critères, pas seulement purement financiers. Mais l'objectif n'était pas de faire chuter le titre (qui a quand même perdu 10% au passage), mais plutôt de montrer qu'en appliquant des hypothèses raisonnables de croissance de l'activité et des résultats, il est compliqué de justifier 6 à 7 Mds$ de prix de cession.

Ce qui est marrant, c'est que le marché n'y croit pas trop non plus puisqu'il n'a pas hissé l'action aux portes de la valorisation colportée par la rumeur. Bref, mais le propos du jour n'est pas de polémiquer sur la valeur de MU mais bien de rappeler qu'il existe, au-delà de l'analyse financière pure, des éléments plus ou moins subjectifs qui rentrent en ligne de compte dans la valorisation d'une société. En l'occurrence, on retrouve dans le prix du club anglais son histoire, la puissance de sa marque, sa rareté, l'épaisseur et la fidélité de sa communauté de supporters, l'écosystème qui l'entoure comme les paris sportifs, etc. etc. Plus ces ingrédients sont forts, plus la surcouche de valorisation est épaisse. Mais ce n'est pas l'apanage des clubs sportifs. Le raisonnement vaut aussi pour d'autres entreprises très bien valorisées. Prenez Hermès par exemple. Le sellier est une entreprise rare, avec une histoire à raconter, ses client(e)s sont fidèles, l'écosystème du luxe est porteur… Et en plus, les résultats sont au rendez-vous.

Ce qui n'est pas le cas de MU, qui est plutôt un puits sans fond soumis aux aléas habituels du monde du football, notamment sur la valeur marchande des joueurs. Mais le propriétaire sait qu'il ne va probablement pas faire la meilleure affaire de sa vie. C'est là qu'il faut ajouter la couche de convoitise, qui pousse les grosses fortunes du monde à vouloir posséder ces actifs qui déclenchent la ferveur populaire. C'est en quelque sorte la "hype" des milliardaires qui explique la décorrélation entre la valeur comptable et la valeur réelle d'un actif comme Manchester United. Un engouement frénétique que l'on retrouve finalement aussi à l'autre extrémité du monde de l'investissement, chez les particuliers qui se prennent de passion collective pour des actifs sans intérêt comptable, comme AMC Entertainment et toutes les actions mèmes aux Etats-Unis ou ailleurs. Pour conclure, dans l'investissement, il faut garder à l'esprit que cette couche non-rationnelle existe avec une pérennité plus ou moins discutable : il y a sans doute moins de risques à miser à long terme sur Hermès et, paradoxalement, Manchester United, que sur AMC et consorts.

La séance du jour sera marquée par la publication de l'inflation de février dans la zone euro à 11h00. Il y a pas aussi pas mal de résultats d'entreprises depuis hier soir. Notons que le géant américain des logiciels Salesforce flambait de 16% hors séance après des chiffres manifestement séduisants. En Europe ce matin, Veolia, Merck KGaA, Technip Energies, Hapag-Lloyd et toute une ribambelle d'autres sociétés ont communiqué leurs performances 2022.

En Asie Pacifique, le Nikkei japonais est à l'équilibre à la clôture, pendant qu'en Australie, l'ASX grappille quelques points. Et si le marché coréen gagne 0,5%, le marché indien perd autant. En Chine, le Hang Seng reperd 0,8% en séance après ses copieux gains de la veille et le CSI300 abandonne 0,2% à Shanghai. Le CAC40 a démarré la séance en baisse de 0,8% à 7175 points.

Les temps forts économiques du jour

L'inflation européenne de février (11h00) et les inscriptions hebdomadaires au chômage américain (14h00) seront les deux temps forts de la journée. Tout l'agenda ici.

L'euro se renforce à 1,0644 USD. L'once d'or est ferme à 1832 USD. Le pétrole remonte, avec un Brent de Mer du Nord à 84,35 USD le baril et un brut léger américain WTI à 77,79 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans est remonté à 4,02%. Le bitcoin évolue autour de 23 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adevinta : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 105 NOK.
  • Alcon : Société Générale passe de vendre à conserver en visant 66,90 EUR.
  • Ambu : DNB Markets passe de conserver à acheter en visant 140 DKK.
  • Babcock : Citigroup passe d'acheter à neutre en visant 370 GBp.
  • Beiersdorf : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 144 à 142 EUR.
  • BioMérieux : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 92,50 à 91,20 EUR.
  • Croda : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 84 à 80 EUR.
  • CVS Group : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 2060 à 1940 GBp.
  • D'Ieteren : Barclays démarre le suivi à surpondérer en visant 220 EUR.
  • DiaSorin : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 153 à 139 EUR.
  • Drax : Liberum reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 966 à 952 GBp.
  • Georg Fischer : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 71 à 75 CHF.
  • Interpump : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 55 à 60 EUR.
  • Puma : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 82 à 70 EUR.
  • Qiagen : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 54,60 à 56,90 EUR.
  • Solaria Energia : Renta 4 passe de sousperformance à conserver en visant 18 EUR.
  • Spie : Portzamparc reprend le suivi à l'achat fort en visant 31,50 EUR.
  • Stratec : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 125 à 77 EUR.
  • Tomra : Barclays démarre le suivi à surpondérer en visant 205 NOK.
  • Wolters Kluwer : Exane BNP Paribas passe de sousperformance à neutre en visant 105 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Technip Energies : les résultats 2023 seront affectés par le retrait de la Russie.
  • Scor : le réassureur va payer un coupon de 1,40 EUR au titre de 2022, malgré une perte nette de 301 M€.
  • Vallourec : prévoit une nouvelle hausse de son RBE et une réduction de sa dette en 2023.
  • Veolia : après un exercice historique en 2022 par le niveau des bénéfices, la progression des résultats devrait continuer cette année.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • STMicroelectronics chutait de 7% à l'ouverture du marché parisien, a priori à cause des annonces de Tesla hier lors de sa réunion investisseurs, au sujet d'un moindre recours à la sous-traitance sur certains semiconducteurs, pour privilégier ses solutions internes.
  • TotalEnergies acquiert les actifs amont de CEPSA à Abu Dhabi.
  • Saudi Aramco a signé une lettre d'intention avec Renault et le chinois Geely pour rejoindre leur coentreprise de moteurs essence et de technologies hybrides.
  • Stellantis se renforce en Turquie via la coentreprise Tofas.
  • Orange obtient un prêt de 500 M€ de la BEI pour déployer la 5G en France.
  • Unibail-Rodamco-Westfield ne sera plus coté à Amsterdam à compter du 28 avril.
  • Atos discute d'une cession de ses activités d'infogérance à Daniel Kretinsky, selon plusieurs sources.
  • Icade désigne Nicolas Joly pour remplacer Olivier Wigniolle comme directeur général.
  • Robertet, en marge de ses résultats, annonce l'acquisition d'Aroma Esencial.
  • Un groupe de créanciers non sécurisés d’Orpea a déclaré être en mesure de s'opposer à l'accord conclu entre le groupe de maisons de retraites, un groupe d'investisseurs mené par la CDC et d'autres créanciers.
  • Valneva continue à soumettre des études positives sur son vaccin Covid 19, mais confirme que le laboratoire n'investira pas dans de nouveaux essais sans partenariat.
  • Lacroix choisi par Engie pour un projet à Chalon-sur-Saône.
  • Freudenberg e-Power Systems signe un accord stratégique avec Roctool pour de nouvelles applications de piles à combustible.
  • Ils ont publié aussi / ils sont sur l'agenda : Robertet, Manitou, Plant Advanced Technologies, Broadpeak, CGG, Groupe Flo, SergeFerrari, Global Bioenergies

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Anheuser-Busch Inbev : l'Ebitda devrait progresser de 4 à 8% cette année, là où le marché attend 7,5%.
  • Evonik : prévoit une baisse des bénéfices en 2023.
  • Haleon : prévoit une croissance des revenus de 4 à 6% en 2023.
  • Merck KGaA : le laboratoire prévoit une baisse de son bénéfice en 2023 en raison de la diminution de la demande liée au covid.
  • Salesforce : le titre s'envole de 16% hors séance après la publication de ses trimestriels.

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures