A l'issue d'une réunion à la Maison blanche avec des dirigeants du secteur, le président américain s'est engagé à "rebâtir les industries de l'acier et de l'aluminium" aux Etats-Unis.

Les opposants à cette initiative craignent au contraire qu'elle n'ait au bout du compte aucun effet sur l'emploi aux Etats-Unis et qu'elle déclenche une guerre commerciale avec la Chine.

L'annonce de Donald Trump a fait grimper les actions des entreprises du secteur sidérurgique à Wall Street, telles AK Steel, US Steel et Nucor, mais la Bourse de New York a globalement mal réagi en raison des inquiétudes sur un renchérissement des coûts pour le reste de l'industrie américaine, comme l'avionneur Boeing ou le secteur pétrolier par exemple.

Cette mesure a été décidée après ce qu'une personne ayant une connaissance directe des débats a qualifié de "nuit de chaos" à la Maison blanche, tant les responsables de l'administration ont régulièrement changé d'avis.

Elle a été rapidement critiquée jusque dans les rangs républicains.

"Chaque fois que vous faîtes une chose pareille, vous subissez des représailles. L'agriculture est la cible numéro un. Je pense que c'est terriblement contre-productif pour l'économie agricole", a réagi Pat Roberts, président de la commission de l'Agriculture au Sénat.

La Chine a déjà menacé de réduire ses importations de soja américain tandis que l'Union européenne a prévenu qu'elle réfléchirait elle aussi à des mesures en cas de droits de douane sur l'acier. Le représentant de la Chine sur les questions commerciales, Lui He, se trouve actuellement à Washington pour des entretiens.

GAINS DE PRODUCTIVITÉ

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a "vivement regretté" une "ingérence flagrante" qui vise, dit-il, à protéger l'industrie domestique américaine sans justification de sécurité nationale et a ajouté que l'UE réagirait avec fermeté.

Le Canada a jugé pour sa part que ces droits de douane seraient "inacceptables".

L'administration Trump affirme que cette mesure répond à une promesse de campagne du président américain de défendre l'emploi aux Etats-Unis. Elle avance aussi des arguments de sécurité nationale en affirmant que les Etats-Unis doivent fabriquer leurs chars et leurs navires avec de l'acier américain.

La Chine ne représente que 2% des importations américaines d'acier mais l'essor massif de son secteur sidérurgique a provoqué une surabondance de l'offre mondiale et une baisse des cours.

Les tensions commerciales n'ont cessé de croître entre les Etats-Unis et la Chine depuis l'arrivée au pouvoir à Washington, début 2017, de Donald Trump, qui martèle sa volonté de s'attaquer aux déficits commerciaux américains en dénonçant les accords de libre-échange.

Trois quarts des emplois ont disparu entre 1962 et 2005 dans l'industrie sidérurgique américaine mais une étude réalisée par l'American Economic Association a conclu que cette évolution était essentiellement due au progrès technologique qui a permis de multiplier la productivité par cinq.

Econofact, un réseau d'universitaires indépendants, a abondé dans ce sens dans un document publié la semaine dernière: "Même si une protection commerciale conduit à une augmentation de la production intérieure, les gains en termes d'emplois pourraient être beaucoup moins importants que ce que beaucoup espèrent."

Ces économistes soulignent en outre que deux millions d'emplois aux Etats-Unis se trouvent dans des secteurs consommant "de manière intensive" de l'acier, comme l'automobile, l'électroménager, le matériel agricole ou les équipements pétroliers.

(Wilfrid Exbrayat et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Henri-Pierre André)

par Steve Holland et Ginger Gibson