La ligne dure adoptée mercredi dernier par l’administration Trump en matière de droits de douane a provoqué un véritable cataclysme de confiance dans les milieux économiques, qui anticipent des conséquences désastreuses. La Maison Blanche a confirmé, au cours du weekend, son mantra récent : ce sera douloureux à court terme, mais nécessaire pour la prospérité future des Etats-Unis. Les financiers n’adhèrent pas à cette analyse, la jugeant trop aléatoire, même s’ils se rallient à d’autres des principes défendus par Donald Trump, comme l’allègement du bloc administratif fédéral, la déréglementation ou un meilleur partage international des dépenses de soutien au développement et à la sécurité.

On est reparti pour la sémantique de l'exceptionnel en bourse. L'exceptionnellement affreux, puisque les marchés actions ont subi une semaine abominable : -8,4% pour l'indice Stoxx Europe 600, -8,7% pour le Nikkei 225 japonais, -9,1% pour le S&P 500 américain, -9,8% pour le Nasdaq 100 américain lui aussi. La séance de vendredi s'est mal passée en Europe, où les indices ont lourdement décroché (-4,3% pour le CAC40, -5,1% pour le SMI). Mais le pire restait à venir. Wall Street était déjà KO debout à l'ouverture, imitant en cela le vieux continent. Mais ce fut encore pire en clôture : -6% pour le S&P 500 et le Nasdaq 100, après les déclarations du patron de la Fed.

Jerome Powell a dû adapter l'allocution prévue vendredi à la nouvelle réalité. Ses mots valent tous les résumés pour expliquer le sentiment qui prévaut chez les investisseurs. "Il devient clair que les taxes sur les produits importés seront significativement plus étendues qu'anticipé", a-t-il expliqué, avant d'ajouter que les conséquences économiques seront-elles-aussi plus étendues que prévu. Plus étendues dans le mauvais sens, cela va sans dire. Powell a explicitement évoqué une inflation plus forte et une croissance ralentie, avant d'enfoncer le clou en déclarant que le risque de hausse conjuguée du chômage et de l'inflation est ce qui est le plus compliqué à gérer pour une banque centrale.

Depuis l'investiture de Donald Trump au milieu du mois de janvier, la capitalisation globale du marché actions américain a reculé de 9 600 milliards de dollars, dont 5 000 milliards de dollars sur les seules séances de jeudi et vendredi dernier. J'ai lu aussi 11 000 milliards de dollars et 6 600 milliards de dollars. Désolé, je n'ai pas pris la peine de vérifier, mais on s'en fiche un peu parce que deux choses sont sûres : un, c'est vraiment beaucoup. Et deux, c'est le record de baisse sur deux jours à Wall Street en valeur. Les Américains ont d’ores et déjà baptisé ça le "Trump Thrump", que l'on pourrait traduire platement par "le coup de poing de Trump", ou de façon plus fleurie, "le poing de Trump dans la gueule de Wall Street". En pourcentage, il s'agit de la quatrième séquence de deux journées la plus terrible depuis que le S&P 500 a été créé en 1957, selon un papier du Wall Street Journal. Juste derrière des événements qui font partie des livres d'histoire : la pandémie de Covid en 2020, la faillite de Lehman Brothers en 2008 et le krach de 1987. Pour vous donner une idée de l'importance de ce qui s'est passé la semaine dernière, on est dans le top 10 des plus fortes baisses du siècle (on peut ajouter aux trois événements précités le krach de 1929 ou la débâcle françaises de 1940, toujours selon le WSJ).

La tendance de ce début de semaine est, malheureusement, que la glissade risque de se poursuivre, au moins au début de la journée. Les nouvelles qui se sont succédées au cours du weekend n'ont pas permis d'inverser la tendance. D'un côté, l'administration Trump a laissé entendre qu'une cinquantaine de pays sont prêts à s'assoir à la table des négociations avec les Etats-Unis pour parler droits de douane. Mais de l'autre, le président américain a fait passer le message qu'il est prêt à tenir sa ligne dure sur la durée. Son secrétaire du Trésor Scott Bessent a par ailleurs expliqué au cours du weekend que la politique de Trump vise à favoriser "Main Street" plutôt que "Wall Street". Comprendre l'américain moyen par rapport à l'américain riche. Ce qui implique que le chaos sur les marchés n'est pas une préoccupation à court terme. L'expérience montre toutefois qu'il s'agit souvent d'une posture : l'administration américaine ne peut se permettre de faire perdre de l'argent trop longtemps à ses ouailles. On touche là à l'un des points clefs de la débâcle boursière : les milieux d'affaires pensent que le calendrier de Donald Trump est irréaliste. Les bienfaits supposés de ses politiques ne peuvent produire leurs effets qu'à une échéance relativement longue. Entretemps, il pourrait y avoir des dégâts considérables, voire irréversibles pour certains d'entre eux.

Pour améliorer le sentiment, la Maison Blanche conserve toutefois quelques armes dans son arsenal. Contrairement à ce qu'il avait fait lors de son premier mandat, Donald Trump a manié le bâton avant la carotte. Il pourrait désormais lancer des mesures plus consensuelles, comme des réductions d'impôts ou de la déréglementation, ce qui atténuerait la peine des marchés financiers et pourrait contribuer à restaurer la confiance.

Les informations à ne pas rater pour bien commencer la semaine :

  • La Chine prévoit un plan de soutien économique pour contrer les droits de douane US.
  • Elon Musk dit espérer une zone de libre-échange entre les USA et l'Europe.
  • Donald Trump a reporté l'échéance de 75 jours pour la cession de TikTok.
  • Goldman Sachs a revu à la hausse sa probabilité d'une récession.
  • Le Vietnam et Taiwan font partie des pays prêts à discuter rapidement avec les USA sur les droits de douane.
  • Sur l'agenda des sociétés : c'est la reprise des trimestriels cette semaine, avec les financières américaines JPMorgan Chase, Wells Fargo, Morgan Stanley, BlackRock et Bank of New York Mellon attendues le 11 avril.
  • Sur l'agenda macro : les minutes de la dernière réunion de la Fed seront publiées mercredi soir. L'inflation américaine de mars est prévue jeudi, avant, toujours aux Etats-Unis, les prix à la production et l'indice de confiance de l'Université du Michigan (vendredi).

Les marchés d’Asie-Pacifique poursuivent leur plongeon. La chute la plus spectaculaire concerne Hong Kong, qui s’effondre de plus de 11,5% en séance, tandis que Taiwan perd 9,5%. L’Australie (-3,8%), l’Inde (-4%) et la Corée du Sud (-5%) sont aussi en difficultés. Au Japon, le Nikkei 225 perd 6,5%. Les indicateurs avancés occidentaux poursuivent leur décrochage, avec une nervosité élevée puisque l'indice VIX a franchi le cap des 45 points, un niveau extrêmement rare.

Le CAC40 perdait 6,7% à 6788 points à l'ouverture. Le SMI chutait de 5,9% à 10 970 points.

Les temps forts économiques du jour

La production industrielle mensuelle allemande (8h00) et les ventes de détail de la zone euro (11h00) lanceront la semaine. Tout l'agenda ici.

Les cotations sont celles du jour autour de 7h00 :

Les principaux changements de recommandations

  • ABB : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 49 à 46 CHF.
  • Airbus : Barclays maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours réduit de 205 à 190 EUR.
  • Alcon : BNP Paribas Exane maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours relevé de 90 à 94 CHF.
  • Alfen : Kempen améliore son conseil de vendre à acheter avec un objectif de cours relevé de 9,50 EUR à 16,50 EUR.
  • Amundi : JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 72 à 69 EUR. RBC Capital maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 77 à 72 EUR.
  • Aston Martin Lagonda : Mediobanca dégrade de neutre à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 98 GBX à 54 GBX.
  • Autostore Holdings : Citi dégrade son conseil d'achat à neutre avec un prix cible réduit de 15 NOK à 9 NOK.
  • Banca Monte Dei Paschi Di Siena : Barclays dégrade de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 8 EUR à 7,40 EUR.
  • Bic : Kepler Cheuvreux passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 75 EUR à 65 EUR. Oddo BHF maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 73 à 70 EUR.
  • Brunello Cucinelli : Kepler Cheuvreux maintient sa recommandation de conserver avec un objectif de cours réduit de 120 à 110 EUR.
  • EssilorLuxottica : DZ Bank AG Research maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 340 à 285 EUR.
  • Flughafen Zürich : Insight Investment Research LLP maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours relevé de 353 à 372 CHF.
  • Hermès International : Mediobanca maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 2380 à 2350 EUR.
  • Holmen : Barclays dégrade de pondération de marché à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 420 SEK à 350 SEK.
  • Kion Group : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 54 à 43 EUR.
  • Legrand : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 125 à 120 EUR.
  • Leroy Seafood : Barclays dégrade de pondération de marché à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 54 NOK à 43 NOK.
  • Logitech International : Zacks maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 95 à 75 USD.
  • LVMH : Mediobanca maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 790 à 715 EUR.
  • Mondi : Barclays améliore son conseil de souspondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 1110 à 1100 GBX.
  • Mowi : Barclays dégrade de surpondérer à pondération de marché avec un objectif de cours réduit de 235 NOK à 190 NOK.
  • Nordic Semiconductor : Pareto Securities dégrade son conseil d'achat à conserver avec un objectif de cours réduit de 170 NOK à 100 NOK.
  • Novo Nordisk : Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et réduit l'objectif de cours de 900 à 750 DKK.
  • Nordnet : Pareto Securities passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 265 SEK à 267 SEK.
  • Rexel : Citigroup maintient sa recommandation d'achat avec un objectif de cours réduit de 31 à 28 EUR.
  • Ses : Kepler Cheuvreux passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 5 EUR à 7,80 EUR.
  • Sika : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 304 à 300 CHF.
  • Stellantis : Mediobanca maintient sa recommandation de sousperformance avec un objectif de cours réduit de 12,20 à 8,60 EUR.
  • Stora Enso : Barclays déclasse de surpondérer à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 11,50 EUR à 7,50 EUR.
  • Swatch Group : Mediobanca maintient sa recommandation de sousperformance avec un objectif de cours réduit de 150 à 130 CHF.
  • Thales : Barclays maintient sa recommandation de souspondérer avec un objectif de cours relevé de 175 à 248 EUR.
  • TotalEnergies : Wolfe Research maintient sa recommandation de surperformance avec un objectif de cours réduit de 82 à 70 USD.

En France

Annonces importantes (et moins importantes… Je précise que les informations sont données à chaud avant l'ouverture et ne préjugent pas de la couleur des actions pendant la séance)

  • Bruxelles a validé sous conditions le rachat de certaines activités de Rockwell Collins par Safran.
  • Stellantis met en pause une deuxième usine, au Mexique, à cause des droits de douane.
  • ArcelorMittal commence à racheter des actions.
  • EVA commande 6 gros porteurs et 3 monocouloirs à Airbus.
  • BioMérieux obtient le marquage CE pour son système avancé d'aide à la décision clinique.
  • Quadient obtient la validation de ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre par SBTi.
  • McPhy annonce le départ de son directeur général, "pour des raisons personnelles". Son successeur est en cours de recrutement.
  • Atos avance la publication de son chiffre d'affaires du premier trimestre 2025 au 17 avril 2025.
  • Forsee Power dévoile une nouvelle batterie puissance GO 6, conçue pour "répondre aux exigences croissantes des engins compacts agricoles, industriels et de chantier ainsi que des véhicules électriques légers à quatre roues".
  • Les principales publications du jour : CofidurLe reste ici.

Dans le vaste monde

Annonces importantes (et moins importantes)

D'Europe

  • Bayer renouvelle son appel à la Cour suprême des États-Unis pour qu'elle mette un terme aux affaires liées au glyphosate.
  • Banco BPM monte à 89,9% dans Anima Holding après son OPA.
  • Qiagen relève ses prévisions de BPA ajusté pour l'exercice 2025.
  • Shell revoit à la baisse ses perspectives de production de GNL pour le T1.
  • Sartorius AG va racheter MatTek, spécialisée dans les modèles de microtissus en 3D, pour 80 M$ au groupe BICO.
  • Azelis acquiert Solchem Nature en Espagne.
  • Les actionnaires de Generali devraient voter en faveur du maintien en poste du CEO, selon le cabinet spécialisé ISS.
  • InPost lance un programme de rachat d'actions.
  • Deutz annonce l'acquisition du développeur de solutions d'électrification UMS.
  • Les principales publications du jour : Clas Ohlson, Industrivärden

D'Amérique du Nord

  • Berkshire Hathaway a démenti une fausse rumeur diffusée sur les réseaux et relayée par Donald Trump selon laquelle Warren Buffett approuve la politique économique du président américain.
  • Walmart a démenti l'information d'ABC News selon laquelle il pourrait se joindre à un groupe d'investisseurs pour acheter TikTok.
  • Maxeon Solar met en place des chaînes d'approvisionnement alternatives dans un contexte de turbulences tarifaires.
  • Chevron va payer 740 M$ pour restaurer la côte de la Louisiane, selon AP.
  • Le responsable de l'ingénierie logicielle de Tesla va démissionner, selon Bloomberg.
  • ISS recommande de voter contre la rémunération du CEO de Bank of America.
  • Les principales publications du jour : néant…

D'Asie Pacifique et d'ailleurs

  • Jaguar Land Rover (Tata Motors) va suspendre ses livraisons aux États-Unis en raison des droits de douane.
  • Nintendo reporte les commandes pour sa console Switch 2 aux USA en évoquant les droits de douane.
  • Nissan envisage de transférer une partie de sa production nationale aux États-Unis, selon Nikkei.
  • Prada devrait prendre une décision sur le rachat de Versace cette semaine.
  • Foxconn publie un CA record au T1 et dit surveiller de près la politique mondiale.
  • Les principales publications du jour : néant…

Le reste de l'agenda mondial des publications ici.

Lectures