Alors que le budget pluriannuel de l'UE représente la traduction la plus concrète des priorités des Etats membres, l'équation s'annonce encore plus délicate à résoudre qu'à l'accoutumée.

Le bloc doit en effet concilier le financement de défis coûteux comme la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de recettes résultant du départ fin janvier du Royaume-Uni, deuxième contributeur net au budget communautaire derrière l'Allemagne.

"J'espère que nous allons faire des progrès considérables(...) C'est une tâche compliquée et de grandes divergences doivent être surmontées", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel à son arrivée au sommet européen.

Pour le cycle septennal à venir, le point de départ des négociations budgétaires s'établit à 1,074% du revenu national brut (RNB) des Etats membres - c'est-à-dire la richesse qu'ils produisent chaque année - soit un montant de 1.095 milliards d'euros.

EMMANUEL MACRON VEUT UN "ACCORD AMBITIEUX"

Après deux ans de querelles entre l'UE et les dirigeants des Etats membres autour de centièmes de point de pourcentage, de nombreux diplomates restent sceptiques sur la capacité d'aplanir les divergences lors du Conseil extraordinaire de jeudi et vendredi.

"Nous devons acter du départ des Britanniques; pour autant il serait inacceptable d'avoir une Europe qui compense le départ des Britanniques en réduisant ses moyens", a affirmé le président français Emmanuel Macron. "Je passerai tout le temps qu'il faut pour aller vers un accord ambitieux."

Les dirigeants de l'UE ont présenté leurs positions un à un avant que le président du Conseil européen, Charles Michel, ne s'entretienne avec chacun d'entre eux dans la nuit afin de trouver un nouveau point de départ lors de la reprise des négociations vendredi matin.

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte - dont le pays fait partie des quatre contributeurs nets au budget communautaire, surnommés les "quatre frugaux", qui veulent limiter le budget européen à 1,0% du RNB - a indiqué qu'il ne pourrait pas ratifier un budget qui alloue un tiers des "fonds de cohésion" au développement des pays les plus pauvres et un tiers au soutien des agriculteurs.

"Je ne peux pas signer cette proposition. Elle n'est tout simplement pas bonne", a-t-il dit devant des journalistes avant les négociations.

Ceux qui souhaitent maintenir le statu quo sont également restés inflexibles.

"De nouveaux domaines de dépenses, comme la recherche ou l'immigration, la défense ou l'innovation sont des domaines politiques importants, mais ils ne peuvent pas se faire au détriment de la cohésion et de la politique agricole commune", a déclaré le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.

Désormais deuxième contributeur net, la France veut préserver les aides aux agriculteurs mais s'inquiète de l'impact fiscal d'un budget plus important recherché par le groupe informel des "amis de la cohésion", composé d'une quinzaine de pays de l'Est et du Sud.

Au-delà des contributions des Etats membres, le budget européen est abondé par les droits de douane perçus sur les importations entrant sur le marché unique, par une part de TVA, ainsi que par les amendes infligées par la Commission européenne à des entreprises enfreignant les règles de la concurrence.

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Côté dépenses, le premier poste est la Politique agricole commune (Pac) avec les subventions versées aux agriculteurs européens, devant la Politique de cohésion, qui vise à réduire les inégalités au sein du bloc.

A ces deux volets de dépenses, qui représentent à eux seuls plus des deux tiers du budget de l'UE, s'ajoutent notamment des dépenses pour la gestion des frontières, la recherche, la sécurité ou encore l'aide au développement.

L'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède veulent limiter le budget européen à 1,0% du RNB. Quant à l'Allemagne, premier contributeur net, elle est prête à aller un peu plus loin même si le chiffre de 1,07% est trop élevé pour elle.

A titre de comparaison, la Commission européenne a soumis une proposition à 1,1% du RNB et le Parlement européen, co-décisionnaire sur le sujet, souhaite quant à lui un budget plus élevé, à 1,3% du RNB.

Pour générer de nouvelles recettes dans un contexte post-Brexit, des nouvelles ressources sont envisagées mais les dirigeants des Vingt-Sept sont divisés sur la proposition d'une nouvelle taxe sur les plastiques non recyclés ou encore le partage des recettes des marchés européens du carbone.

Les responsables européens préviennent cependant que le temps presse et que faute d'accord, l'Union pourrait risquer de commencer l'année 2021 sans fonds pour financer la protection de ses frontières, la recherche ou les programmes d'échanges pour les étudiants.

(Bureaux européens de Reuters, version française Arthur Connan)

par Sabine Siebold et John Chalmers